Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

mercredi 30 septembre 2020

Marie-Sophie et Morgan


 

Le temps s’écoule et je me sens de mieux en mieux et j’ai de moins en moins envie de rentrer chez moi.

Entre les traites des deux vaches Margot et Rosalie, la découverte du travail de Morgan avec ses abeilles, ses marchés où j’ai plaisir à l’accompagner, ses fleurs qu’il cueillent et dont il fait de superbes bouquets, je ne vois pas les jours défiler.

Morgan vit hors du temps, il est entre parenthèses comme j’aime à le dire. Il fait son pain, son miel, ses confitures, il a son lait, deux poules et un coq, deux lapines, un chat voire plus, il ne compte plus, un chien que je n’avais pas aperçu lors de mon arrivée parce qu’il gardait les trois biquettes dans le champ voisin. Pourtant, je l’ai déjà entrevu sur son ordinateur, il a la fibre. Il n’est pas vraiment hors du temps, mais je ne sais pas comment l’expliquer, il prend la vie comme elle vient, il n’est pas stressé pour deux sous. Il faut dire que dans son coin de paradis, je n’imagine pas, ce qui pourrait lui faire des nœuds au cerveau ou lui mettre la rate au cours bouillon comme mes amis aiment à me le dire.

C’est certainement pour ça que je ne repars pas. J’ai prolongé mes congés sans me poser de questions. Si mon chef décide de me licencier, je l’aurais bien cherché. Mais ce matin, j’ai justement un message de sa part. J’en tombe le cul par terre quand je le découvre.

Marie-Sophie, je ne veux pas me séparer de vous parce que vous faites vraiment du bon boulot, alors si vous avez quelques minutes à me consacrer, accepteriez-vous de me rappeler ?

Mais qu’est-ce qu’il lui est dégringolé sur la tête ? Jamais au grand jamais il ne m’a parlé comme ça ! Il y a le feu là-bas ou quoi ? J’hésite…

— Marie-Sophie ? Vous m’accompagnez ? Vous n’êtes pas prête ?

Faut-il qu’il m’ait retourné le cerveau mon chef pour que j’en oublie de partir au marché. Morgan est déjà sur le pas de la porte, sa voiture de livraison rouge et jaune ronronnant devant la chaumière.

— Bien sûr que j’arrive !

Depuis le temps, nous pourrions nous tutoyer, mais j’avoue que ça me plait bien ce vous. Je trouve qu’il fait classe et laisse une petite barrière entre nous. Mais pourquoi faudrait-il qu’il y ait une barrière ?


Allez MarieSophe, avoue qu’il te plait bien Morgan !
Non, il est bien plus vieux que moi.
Et alors ? Ne me dis pas qu’une dizaine d’années compte ?
Quand même ! S’il a déjà quarante ans…

— À quoi pensez-vous ? Je vous vois vous faire les questions et les réponses toute seule ? Je peux participer ?

— J’ai parlé tout haut ?  
Pourvu que non !
Il rit et j’adore ses petites rides qui apparaissent au coin de ses yeux. Pour nous les femmes, c’est moche cette marque du temps, pour les hommes, ça leur donne du charme. Il faut qu’on m’explique, ce sont les mêmes pourtant, ces sillons qui tracent leur chemin sur la peau, des souvenirs de joie ou de tristesse.
— Pourquoi, je ne devrais pas savoir ?
Je ne réponds pas. Il rit toujours.
— J’ai eu un message de mon chef ce matin.

Mais pourquoi je lui parle de ça, il n’en a rien à faire et qu’est-ce que je vais lui pourrir la vie avec mes problèmes. Mais quels problèmes ?

— Et alors ?
Rien que cette question me fait comprendre que je me fais du souci pour pas grand-chose.
— Rien, il souhaite que je le rappelle.
— Je sens que vous allez bientôt me quitter.
Il m’annonce ça comme si de rien n’était.
— Au fait, vous n’aviez pas d’autres demandes pour la chaumière ? Je suis restée sans savoir si…
— Ne vous inquiétez donc pas, je vous l’aurais dit. Oh lala il ne faut pas grand-chose pour vous perturber MarieSophe. Et que fait cette barre au milieu de votre front ? Elle avait disparu et la voilà qui réapparait parce que votre chef vous a laissé un message ? Et que dit-il, si ce n’est pas indiscret, pour vous mettre dans tous vos états ?

Il a adopté ce surnom rapidement, tout seul, sans que je lui raconte que mes amis m’appellent ainsi.

Je lui lis le SMS. Il pose sa main sur mon genou tout en conduisant de l’autre.
— Appelez-le tout de suite, vous serez fixée et vous retrouverez votre sourire.
Il n’a pas tort. Nous sommes arrivés sur la place où se tient le marché. Morgan se gare à son emplacement habituel et coupe le moteur.
— Je vous laisse, vous viendrez me rejoindre quand vous aurez passé votre coup de fil. 

Je descends de la voiture, le sourire aux lèvres. Morgan me regarde m’avancer vers lui. Il a déjà installé ses pots de miel, ses confitures et ses fromages.  Oui, il fait aussi des fromages de chèvre. Les exposants me saluent, ils me reconnaissent maintenant.

— Vous ne devinerez jamais !

— Je donne ma langue au chat !
— Avec ce virus qui traîne toujours, il me propose le télétravail.
— Vous voyez que vous n’aviez pas à vous en faire !
J’admire son flegme et ce qu’il me dit ensuite me laisse pantoise.
— Il y a la fibre à la chaumière aussi, vous savez. Vous pourrez vous y installer et faire votre boulot d’ici.

 

© Isabelle Minibulle 30 septembre 2020

mardi 22 septembre 2020

Automne

 



Aujourd’hui, l’été est bien fini.

Pourtant, hier encore,

Il n’y avait pas ce vent !
Ce matin, pas d’accord
Il montre les dents.

Les feuilles bien accrochées

Me font des pieds de nez.
Mais demain, je le sais,
Elles seront au sol, foulées.

Rouges, jaunes, marron

Les arbres donnent le ton.
Fiers de leurs couleurs,
Ils sont encore emplis d’ardeurs.

Peu à peu, ils se dévêtiront,

Et nus ils affronteront
L’automne et son temps gris !
Adieu le parasol, bonjour le parapluie.

Aujourd’hui, l’été est bien fini.

Dans l’air, le parfum a changé,

Le frais s’est installé.
La sortie des gilets
Des armoires, est appréciée.

Chaussons nos bottes

Pour marcher dans le bois
Et pour vaincre le froid
Sortons la bouillotte.

Un bon thé bergamote

Accompagné d’une biscotte !
L’automne est là,
Cheminée ce soir chantera.

Aujourd’hui, l’été est bien fini

Automne, faisons ami-ami !
 

© Isabelle Minibulle 22 septembre 2020

 

vendredi 18 septembre 2020

Quand l'imagination s'en mêle


 

Avoir de l’imagination, il paraît que ce n’est pas donné à tout le monde. Encore faut-il une fois que vous l’ayez, que vous arriviez à mettre sur le papier ce qu’elle vous dicte.

Moi c’est tout le temps, tous les jours, n’importe quand, avec n’importe qui et je pars dans mes délires.

 C’était un jour comme les autres, il faisait beau et je partais faire ma balade en vélo. Vous le savez je ne suis jamais seule. Parfois, je suis derrière (souvent), parfois devant (je ne sais pas comment ça arrive, mais ça arrive). Le nez en l’air, vous savez comme la biche dans Bambi qui lève le nez et respire, moi c’est pareil. Donc le nez en l’air, je capte les fumées des pots d’échappement (sic), puis les parfums des champs.

Je passe devant une habitation ou les propriétaires sont occupés à tailler la haie. Sauf, que la dame, elle, j’ai l’impression qu’elle se cache parce qu’elle est au téléphone. Cling ! super imagination se met en route et c’est parti ! Voilà ce que ça donne. N’oubliez pas que je suis en vélo, je suis donc passée en coup de vent… enfin presque !

 — Tu as vu la dame ?

— Où ça ?

 Vous avez sans doute remarqué que les hommes ne captent pas la même chose que nous, et quand ils font du sport, ils ne regardent pas ce qu’il se passe ailleurs, ils sont concentrés eux !

 — La maison qu’on vient de passer. Elle parlait doucement et elle se cachait.

— Qui la maison ?

— Arrête de faire l’imbécile. La dame !

— Qu’elle parle doucement, c’est normal, elle ne va pas ameuter tout le quartier avec sa discussion.

— Si ça se trouve, elle parlait avec son amant !

— Ou avec ses enfants.

— Pourquoi elle se cacherait ?

— Qui te dit qu’elle se planquait ? Pédale plus vite au lieu de réfléchir.

Rappel à l’ordre n° 1. Je reprends le rythme.

— Je suis sûre qu’elle ne voulait pas qu’on se rende compte qu’elle était au téléphone. Imagine, elle a un rendez-vous. Elle est habillée n’importe comment, il faut qu’elle se change. Comment va-t-elle faire ? Elle va devoir inventer une excuse…

— Et qui c’est qui va encore se taper tout le boulot. Pauvre homme !

— Oh ça va, tu n’es pas drôle !

Il rit.

— Tu l’as bien cherché !

— N’empêche tu vois que l’homme va devoir bosser, mais pas qu’elle le trompe.

Remarquez comme la discussion peut vite déraper.

— Pédale au lieu de râler !

Rappel à l’ordre n° 2. Je reprends le rythme en silence. Il dit.

— Peut-être que c’était son médecin et qu’il lui annonçait une bonne nouvelle.

Il me regarde en coin. Je réplique.

— Ou une mauvaise.

— Mais pourquoi toujours le négatif ? Il pouvait lui dire qu’elle attendait un bébé.

— N’importe quoi, tu as vu son âge ? Elle trop vieille. Et puis maintenant, avec les tests pas besoin de l’appel du médecin, ils ont autre chose à faire que d’appeler les patients pour leur dire « Au fait, vous attendez un bébé ».

Remarquez comme l’imagination est perverse… Du coup, je pédale plus vite et ne le regarde plus.

— J’aurais dû le dire plus tôt parce que là, tu as une belle allure.

Je souffle. Il ne me voit pas.

— Je t’ai vue. Tu as soufflé.

Il rit et me tend le bidon.

— Allez bois !

Je m’exécute et lui redonne. Évidemment, moi sur mon vélo, je n’ai pas de porte-bidon !

— N’empêche, c’était plus rigolo mon histoire que la tienne.  

— Peut-être qu’elle n’est pas si vieille que ça, tu es passée bien trop vite pour t’en apercevoir.

Je sens le reproche. Il continue.

— Le médecin qui l’appelle lui annonce qu’elle va avoir un bébé, mais vu son âge…

J’éclate de rire.

— Question imagination, tu n’es pas top.

Il continue.

— Qu’elle va devoir se faire avorter, qu’il va y avoir des complications. Finalement, elle se rend compte que c’est un faux numéro. Elle raccroche et taille la haie.

— Ouais, je préférais si c’était un appel de ses enfants.

— D’accord ! Alors ils diraient quoi les enfants ?

— Fais gaffe maman à ton dos. Et puis arrête de bavasser au téléphone, papa travaille tout seul. Tu pourrais l’aider quand même. Et aussi, méfie-toi des cyclistes qui passent, des fois qu’ils s’imagineraient des trucs…

 

© Isabelle Minibulle 18/09/2020

mardi 1 septembre 2020

Septembre


Ce matin, le parfum a changé…

Finie l’odeur de foin coupé et celle du soleil qui chauffe…

Août a fait ses bagages.

Il s’en est allé et a laissé les châteaux de sable abandonnés, les pelles et les seaux rangés et les cabanes de plage refermées.

Avec lui disparaissent aussi les soirées d’été, les barbecues interminables, les photophores illuminés et les tables décorées.

 Nostalgie ? Non point.

La rentrée se profile. C’est le mois des arbres colorés avec leurs feuilles qui se déclinent de marron, beige. Elles s’en donnent à cœur joie avant de tomber et d’être foulées par les pieds des écoliers.

Septembre, c’est la cueillette des champignons avec leur odeur particulière dans les bois. C’est encore les vendanges, les balades en forêt, les pulls et les gilets qui reprennent place sur les épaules, les cheminées qui se rallument juste pour le plaisir, les vêtements d’été qui se font la malle et réintègrent leur carton. C’est au tour de ceux d’hiver d’entrer en scène.

Voilà septembre.

Les enfants qui étrennent leur nouveau cartable et les adolescents qui retrouvent leurs copains.

Les plus jeunes qui pleurent dans les bras de leurs parents parce qu’ils ne veulent pas les quitter, c’était trop bien les vacances.

Septembre c’est encore pour ceux qui n’en ont pas pris parce qu’ils n’apprécient pas les plages bondées et que leurs gamins ne sont plus à la maison. À eux le sable déserté, les terrasses à deux et les balades main dans la main sans être bousculés.

Septembre c’est le retour au calme pour les habitants qui ont vu leur quotidien envahi. Ils aiment bien partager, mais la routine c’est reposant aussi.

Septembre, c’est la fin d’une parenthèse. C’est le nouvel agenda qui s’ouvre avec un planning qui parfois donne le vertige. Les rendez-vous s’alignent, les réunions se profilent, l’ordinateur chauffe.

 Bonne rentrée à tous, relançons la machine, et… c’est quand les vacances ?

 

© Minibulle 1er septembre 2020