Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

mercredi 12 août 2020

Commérages sur un banc au mois d'août

 

J’adore écouter les commères…

 — Comment ça nous sommes déjà le 12 août ?

— Boudiou, je n’ai pas vu le temps passer. Hier encore, nous étions en juillet…

— Il faut dire qu’avec cette chaleur…

— Ne m’en parlez pas, je dégouline du matin au soir.

— Heureusement que sur ce banc, nous avons un peu d’ombre.

— Oui, mais nous ne voyons guère grand-chose. Rien à nous mettre sous la dent. À croire que tout le monde est en vacances.

— Pensez donc, avec ce truc qui traîne, ils partent pas en vacances les gens !

— Bien sûr que si Jeannette. Tenez mes petits voisins ont chargé leur voiture hier soir et ils sont partis de bonne heure ce matin. Si vous aviez vu ça… Il y en avait partout ! Et vas-y que je monte les vélos sur le toit et puis que je les démonte parce que ça ne va pas. Qu’est-ce qu’il rouspétait le gonze. Il n’arrêtait pas de s’éponger le front. Et je te ramène des valises, et des bouées, et des peluches. Il faut dire qu’avec quatre gosses… Quand est arrivée la trottinette du petit dernier, j’ai cru qu’il allait avoir une attaque. Il s’est mis dans une colère, le père ! pauvre petiot ! l’engin a valsé de l’autre côté de la rue, même que la mère Gustine qui passait par là a failli la prendre dans les jambes. Y a pas idée de se mettre en colère comme ça ! C’est la mère, une crème cette femme ! Elle te l’a calmé d’un coup en lui assenant que si lui n’avait pas tout son attirail de tir à l’arc, il y aurait encore de la place. C’est vrai ça, la boîte est aussi longue que la voiture alors évidemment…

— Et Gustine, elle n’a pas eu mal ?

— Ah ! j’ai pas fait attention. Bah, on l’aurait su, vous la connaissez, elle en aurait fait tout un plat.

— Je l’aime bien, elle !

— Et pas moi ?

— Bah, Mariette, vous savez bien que vous c’est pas pareil ! Depuis le temps qu’on se connait !

Elles se sourirent. Mariette reprit :

— Tenez, regardez la femme du maire. Elle fait sa maligne, celle-là. Elle va acheter des gâteaux pour le goûter. Elle n’a pas besoin de faire attention à sa ligne. Vous avez vu comment elle est habillée ?

— C’est vrai qu’elle doit avoir les moyens avec le salaire que lui rapporte son mari.

— Bah, je sais pas si en tant que maire, il gagne bien sa vie.

— Bien sûr que oui, sinon, il ne se représenterait pas. Faut dire aussi qu’il n’y avait pas grand monde pour le remplacer.

— Avec tous les soucis qu’on attrape après…

— C’est bien vrai. Et puis on perd des amis, on en récupère d’autres…

— Pas des vrais, des intéressés.

— Vous avez raison Mariette, pas des vrais.

— N’empêche qu’il pourrait bien bâtir une piscine, on pourrait aller s’y plonger.

— Vous iriez, vous Jeannette ? Pour sûr que vous êtes encore bien fichue vous !

Elle la détailla des pieds à la tête attendant une réflexion que sa voisine ne lui donna pas. Elle fronça les sourcils.

— Et moi, vous me trouvez capable de porter un maillot ?

— Bah pourquoi pas pour se rafraichir, il ne faut pas faire attention aux autres.

— Vous voulez dire quoi par là ?

— Mais rien Mariette. Si vous avez envie de porter le maillot, portez-le. Moi à votre place, je n’hésiterais pas.

— En tout cas, pas de piscine de prévue. Alors le débat est clos Jeannette.  

 

— Ah ! elle ressort de la pâtisserie la mairesse.

— Ne l’appelez pas comme ça, elle n’est que la femme du maire. Ce n’est pas elle qui dirige la commune.

— Ah pardon, vous êtes bien grognasse ce jour.

— C’est la chaleur que voulez-vous ! Et vous m’avez chagrinée avec votre histoire de maillot de bain.

— Pardieu vous êtes bien susceptible Mariette ! Pourquoi vous prendre la tête puisque de toute façon, il n’y a pas de piscine.

— Et si nous allions à celle de la ville ? Vous m’accompagneriez ?

— Il faut prendre le bus et avec la chaleur…

— Avouez que vous auriez honte de moi ? Avouez-le donc !

Jeannette haussa les épaules.

— Vous faites une histoire pour rien. Nous étions là à bavasser comme deux amies et voilà-t-i pas que vous vous faites des nœuds au cerveau ?

— Des nœuds au cerveau ? Vous n’avez qu’à m’insulter aussi. Ah ! vous me décevez Mariette. Tenez, je vais vous laisser et aller me mettre à l’ombre dans ma cuisine.

— C’est ça et moi, je vais aller prendre des nouvelles de Gustine qui a bien meilleur caractère que vous.

— Ah vous allez chez elle ?

— Oui, elle a toujours de la citronnade bien fraîche avec des feuilles de menthe. D’ailleurs son jardin très bien protégé est fort joli. Je me demande comment elle fait pour si bien l’entretenir.

— Elle a un jardinier. Vous savez bien qu’elle a une belle retraite. Son mari était médecin. Ah elle n’est pas dans le besoin, elle, je vous le garantis. C’est pas comme moi avec ma pension de misère. Je n’ai même pas droit à la réversion.

— Évidemment, vous n’avez jamais été mariée.

— C’est bien ce que je vous disais, l’eau va toujours au moulin. Tenez, je vous accompagne. J’ai soif tout à coup. Ce mois d’août est tellement chaud et tous ces touristes qui nous encombrent, ils me donnent encore plus la transpiration.

— Des touristes ? Mais il n’y a pas grand monde qui vient par ici.

— C’est la faute au maire, s’il avait fait construire une piscine, je suis certaine qu’ils viendraient les touristes. Alors on y va chez Gustine, j’ai soif !

 

© Minibulle 12 août 2020