Muguette essuyait ses larmes en rageant et en
répétant :
_ Non, je ne pleure pas, c’est le froid !
Elle était folle de rage de s’être laissée avoir.
Quelle idiote ! Trente-cinq ans, elle avait roulé sa bosse quand même.
Bon, il est vrai qu’elle n’était pas douée pour trouver l’âme sœur, mais
là elle y avait vraiment cru. Elle renifla.
_ Ah non pas elle !
Elle aperçut Prune qui faisait les cents pas devant
sa porte, puis Félicie qui sortait de sa voiture dès qu’elle vit arriver son
amie.
_ Mais je n’ai pas envie de vous voir ! cria
Muguette par la vitre baissée.
Prune pâlit et Félicie haussa les épaules. Muguette
faillit faire demi-tour. Trop énervée, elle cala et ragea contre ses pédales.
Finalement, elle gara sa voiture en vrac devant son garage et ouvrit la
portière à la volée et répéta :
_ Je n’ai pas envie de vous voir, compris ?
Prune aussitôt intervint :
_ Je comprends Muguette, c’est mon fils, il a déconné
je l’admets, son père est furieux, mais…
_ Je te ramène ton chargeur, l’interrompit Félicie,
je l’avais embarqué hier soir avec mes affaires. Je suis désolée, tu n’avais
pas de téléphone.
Muguette les bouscula et entra chez elle sans les
écouter. Prune hésita puis suivie de Félicie, entra à sa suite.
Muguette regarda sa pièce comme si elle la voyait
pour la première fois. Elle était si heureuse tout à l’heure de partir…
_ Mais ça va s’arranger, reprit Prune, Fred a
supprimé la vidéo, c’était une bêtise. Tu crois que ça peut avoir un impact sur
la situation de Jasmin ?
Au nom du jeune homme, Muguette prit feu :
_ Ne me parlez plus jamais de ce menteur ! Je ne
veux plus jamais le voir, jamais, jamais.
Prune et Félicie se regardèrent interloquées. La
première ne dit rien tandis que l’autre prenait son courage à deux mains pour
demander :
_ Tu veux expliquer ce qui se passe…
Muguette avait saisi son chargeur des mains de
Félicie et elle brancha son téléphone. Elle ne s’occupa plus des deux femmes et
écouta ses messages. Elles la virent pâlir, puis se laisser tomber sur le
canapé.
Elle regarda alors Prune, et se rappela l’appel de
Lally.
_ Tu veux m’expliquer ?
_ Fred a filmé la dispute sur le parking de la
piscine et l’a postée sur Internet. Heureusement Pétunia lui a fait entendre
raison, il l’a tout de suite supprimée. Il m’a dit que ça n’intéressait
personne.
_ Si, ça intéressait quelqu’un.
Elle mit le haut-parleur et la voix de Jasmin envahit
la pièce :
« Muguette ? Dommage que vous ne me
répondiez pas, vous êtes peut-être déjà partie. J’espère que vous aurez mon
message avant que nous nous retrouvions, sinon je crains le pire telle que je
vous connais. J’ai un problème avec une de mes collègues qui me fait du
chantage avec une vidéo qui a été diffusée sur le Net. Je règle le problème et
nous nous retrouvons comme prévu. Je vous embrasse. »
Le silence envahit alors la pièce et Félicie regarda
son amie.
_ Tu n’avais pas eu le message évidemment !
_ Non, grâce à toi !
_ Hey ! Tu ne vas pas m’en vouloir, je suis
désolée, ça tombe mal je sais mais…
_ Je lui ai balancé un plateau de café à la figure...
Prune intervint :
_ Tu avais rendez-vous avec lui ce matin ?
_ Oui, mais c’est une longue histoire, il faudrait
tout raconter depuis le début.
_ C’est vrai que je ne vous connais pas depuis
longtemps toutes les deux et je m’immisce dans vos affaires…
_ Stop Prune ! Arrête d’être gnangnan, maugréa
Muguette. Pour te la faire courte, j’ai
rencontré Jasmin dans un bar. J’ai flashé sur lui parce qu’il s’appelle Jasmin
et moi Muguette et après tu connais la suite…
_ Mais c’est du n’importe quoi…
_ Je me passe de tes commentaires Prune si tu veux
bien.
_ Appelle-le, ordonna Félicie en lui tendant son
portable. Excuse-toi et explique-lui pourquoi tu n’avais pas ton téléphone.
_ J’ai peur, il va me jeter !
_ Tu n’as plus douze ans quand même !
_ Enfin, pour balancer un plateau de café à la tête
de quelqu’un, on se demande… murmura Prune
_ Fais-la taire Félicie, dit Muguette en se levant,
ou…
_ Tu te calmes oui ? ordonna Félicie,
téléphone-lui !
Prune baissa la tête tandis que Muguette composait le
numéro de Jasmin. Il était sur répondeur.
_ Laisse lui un message !
_ Mais non, je préfère lui parler vraiment.
Elle se tourna vers Prune.
_ Je suis désolée, je me suis emportée.
_ Après tout c’est de ma faute tout ça, si mon fils
n’avait pas …
_ On oublie tout, dit Félicie. Tu nous offres un café
Mug ? Tu vas voir que tout va s’arranger.
Cunégonde Deporte était furieuse. Rien ne s’était
déroulé comme prévu. Tout d’abord, son collègue avait refusé de s’assoir à sa
table. Comme elle avait insisté, il s’était incliné, et au moment où elle
posait sa main sur la sienne pour lui parler, une folle furieuse avait déboulé
et avait lancé à la figure de Jasmin un plateau de café. Heureusement qu’elle
n’était pas très douée la fille, il avait réussi à l’esquiver et c’est juste
son manteau qui avait été tâché. Cunégonde avait voulu rattraper la fille pour
lui demander de s’excuser mais son collègue l’avait retenue. Puis le
propriétaire du bar s’en était mêlé pour savoir s’il voulait porter plainte. Là
aussi, il avait refusé. Pour couronner
le tout il s’était levé, l’avait saluée et l’avait laissée en plan. Mais on ne
laissait pas Cunégonde toute seule comme ça au milieu d’un bar un dimanche
matin ! Il allait voir ce qu’il allait voir le directeur des Impôts !
Elle saisit son téléphone.