J’adore
écouter les commères…
— Boudiou,
je n’ai pas vu le temps passer. Hier encore, nous étions en juillet…
— Il
faut dire qu’avec cette chaleur…
— Ne
m’en parlez pas, je dégouline du matin au soir.
— Heureusement
que sur ce banc, nous avons un peu d’ombre.
— Oui,
mais nous ne voyons guère grand-chose. Rien à nous mettre sous la dent. À
croire que tout le monde est en vacances.
— Pensez
donc, avec ce truc qui traîne, ils partent pas en vacances les gens !
— Bien
sûr que si Jeannette. Tenez mes petits voisins ont chargé leur voiture hier
soir et ils sont partis de bonne heure ce matin. Si vous aviez vu ça… Il y en
avait partout ! Et vas-y que je monte les vélos sur le toit et puis que je les
démonte parce que ça ne va pas. Qu’est-ce qu’il rouspétait le gonze. Il n’arrêtait
pas de s’éponger le front. Et je te ramène des valises, et des bouées, et des
peluches. Il faut dire qu’avec quatre gosses… Quand est arrivée la trottinette
du petit dernier, j’ai cru qu’il allait avoir une attaque. Il s’est mis dans
une colère, le père ! pauvre petiot ! l’engin a valsé de l’autre côté de la rue,
même que la mère Gustine qui passait par là a failli la prendre dans les jambes.
Y a pas idée de se mettre en colère comme ça ! C’est la mère, une crème cette
femme ! Elle te l’a calmé d’un coup en lui assenant que si lui n’avait pas tout
son attirail de tir à l’arc, il y aurait encore de la place. C’est vrai ça, la
boîte est aussi longue que la voiture alors évidemment…
— Et
Gustine, elle n’a pas eu mal ?
— Ah !
j’ai pas fait attention. Bah, on l’aurait su, vous la connaissez, elle en
aurait fait tout un plat.
— Je
l’aime bien, elle !
— Et
pas moi ?
— Bah,
Mariette, vous savez bien que vous c’est pas pareil ! Depuis le temps qu’on se
connait !
Elles se
sourirent. Mariette reprit :
— Tenez,
regardez la femme du maire. Elle fait sa maligne, celle-là. Elle va acheter des
gâteaux pour le goûter. Elle n’a pas besoin de faire attention à sa ligne. Vous
avez vu comment elle est habillée ?
— C’est
vrai qu’elle doit avoir les moyens avec le salaire que lui rapporte son mari.
— Bah,
je sais pas si en tant que maire, il gagne bien sa vie.
— Bien
sûr que oui, sinon, il ne se représenterait pas. Faut dire aussi qu’il n’y
avait pas grand monde pour le remplacer.
— Avec
tous les soucis qu’on attrape après…
— C’est
bien vrai. Et puis on perd des amis, on en récupère d’autres…
— Pas
des vrais, des intéressés.
— Vous
avez raison Mariette, pas des vrais.
— N’empêche
qu’il pourrait bien bâtir une piscine, on pourrait aller s’y plonger.
— Vous
iriez, vous Jeannette ? Pour sûr que vous êtes encore bien fichue vous !
Elle la
détailla des pieds à la tête attendant une réflexion que sa voisine ne lui
donna pas. Elle fronça les sourcils.
— Et
moi, vous me trouvez capable de porter un maillot ?
— Bah
pourquoi pas pour se rafraichir, il ne faut pas faire attention aux autres.
— Vous
voulez dire quoi par là ?
— Mais
rien Mariette. Si vous avez envie de porter le maillot, portez-le. Moi à votre
place, je n’hésiterais pas.
— En
tout cas, pas de piscine de prévue. Alors le débat est clos Jeannette.
— Ah !
elle ressort de la pâtisserie la mairesse.
— Ne
l’appelez pas comme ça, elle n’est que la femme du maire. Ce n’est pas elle qui
dirige la commune.
— Ah
pardon, vous êtes bien grognasse ce jour.
— C’est
la chaleur que voulez-vous ! Et vous m’avez chagrinée avec votre histoire de
maillot de bain.
— Pardieu
vous êtes bien susceptible Mariette ! Pourquoi vous prendre la tête puisque de
toute façon, il n’y a pas de piscine.
— Et
si nous allions à celle de la ville ? Vous m’accompagneriez ?
— Il
faut prendre le bus et avec la chaleur…
— Avouez
que vous auriez honte de moi ? Avouez-le donc !
Jeannette
haussa les épaules.
— Vous
faites une histoire pour rien. Nous étions là à bavasser comme deux amies et
voilà-t-i pas que vous vous faites des nœuds au cerveau ?
— Des
nœuds au cerveau ? Vous n’avez qu’à m’insulter aussi. Ah ! vous me décevez
Mariette. Tenez, je vais vous laisser et aller me mettre à l’ombre dans ma
cuisine.
— C’est
ça et moi, je vais aller prendre des nouvelles de Gustine qui a bien meilleur
caractère que vous.
— Ah
vous allez chez elle ?
— Oui,
elle a toujours de la citronnade bien fraîche avec des feuilles de menthe. D’ailleurs
son jardin très bien protégé est fort joli. Je me demande comment elle fait
pour si bien l’entretenir.
— Elle
a un jardinier. Vous savez bien qu’elle a une belle retraite. Son mari était
médecin. Ah elle n’est pas dans le besoin, elle, je vous le garantis. C’est pas
comme moi avec ma pension de misère. Je n’ai même pas droit à la réversion.
— Évidemment,
vous n’avez jamais été mariée.
— C’est
bien ce que je vous disais, l’eau va toujours au moulin. Tenez, je vous
accompagne. J’ai soif tout à coup. Ce mois d’août est tellement chaud et tous
ces touristes qui nous encombrent, ils me donnent encore plus la transpiration.
— Des
touristes ? Mais il n’y a pas grand monde qui vient par ici.
— C’est
la faute au maire, s’il avait fait construire une piscine, je suis certaine qu’ils
viendraient les touristes. Alors on y va chez Gustine, j’ai soif !
©
Minibulle 12 août 2020
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