Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

vendredi 14 février 2020

La Saint Valentin de Marie-Sophie


Je déteste le 14 février. C’est la fête des amoureux et quand on est toute seule, c’est la galère. Au boulot, les collègues reçoivent des bouquets de fleurs et prennent un air surpris en jouant les mijaurées :
— Je me demande de qui ça peut venir.
Que ça m’agace ! Non, je ne suis pas jalouse. Elles pourraient au moins rester discrètes. L’année dernière, un confrère avait fait une blague à celle qui est au service comptabilité et qui me déteste. Il lui avait fait livrer un bouquet de chardons… Je ne vous raconte pas la tête de la fille. Je n’avais pu m’empêcher d’éclater de rire ce qui avait déclenché chez elle une colère de bouledogue. Vous imaginez ce que ça peut être ? J’aime les chiens, mais celui-là, il faut avouer qu’il est un peu baveux, grogneux, et que son museau représente bien le visage de Guilaine. Oui, c’est son prénom. Dommage pour l’animal ! Il est bien lui !
Bref, je pars au travail à reculons. Je n’ai même pas fait signe à Charles. Je n’avais pas envie qu’il remette ça avec le voisin d’en face. Je ne suis pas non plus passée à la boulangerie. Archibald devait être en plein boum et je ne voulais pas qu’il se sente obligé de me souhaiter une bonne fête. Oui, il paraît aussi que c’est celle de l’amitié. Moi je crois que ceux qui disent ça c’est parce qu’ils sont solitaires comme moi. J’ai évité le coup de fil de maman qui n’allait pas manquer d’en remettre une couche.
Je gare ma voiture, je prends mon sac et entre dans l’établissement. C’est un centre de formation pour adolescents. Le directeur n’est pas encore arrivé, mais les gamins eux sont prêts à intégrer leurs cours. Comme c’est un pensionnat, ils ont avalé leur petit-déjeuner et sont en forme. Les portables sont allumés et les gloussements des filles m’horripilent déjà. Je m’installe et j’apprécie d’être seule dans mon bureau. Guilaine qui assure la comptabilité est dans un autre. Elle est là. J’ai senti son parfum.
Les collègues formateurs arrivent un à un et viennent me saluer le café à la main. Ils sont sympathiques. Ils me proposent même un petit carré de chocolat, histoire de me mettre de bonne humeur, parce qu’ils vont certainement avoir des choses à me demander pour la veille. J’ai pourtant affiché « L’urgent est fait, l’indispensable est en cours. Pour les miracles, prévoir un délai. » Je sais que certains dont je tairais les noms vont venir me faire les yeux doux pour avoir dans l’heure qui suit, ce dont ils ont besoin.
— Alors Marie-Sophie, tu fais la fête ce soir ?
Qu’est-ce que je vous disais ! Le lourd de chez lourds est arrivé. C’est Didier. Il se penche sur mon bureau pour me faire la bise. Il sent déjà le café, la cigarette, et le déo Axe dont la pub affirme que toutes les femmes en sont folles. Bof ! Sans commentaires.
Il n’attend même pas la réponse et s’en retourne comme il est venu. Il a juste récupéré ses copies.
— Bonjour Marie-Sophie.
Voilà le boss. Il me tend la main. Je préfère. Pas de familiarité avec le chef. C’est plus facile pour négocier les augmentations quand on a gardé le vouvoiement et une certaine distance. Encore qu’ici, le mot « augmentation » n’existe pas. Il doit être rayé du dictionnaire du moins dans le nôtre. Pourtant, j’ai vérifié. Il est bien placé entre auge et augure chez moi.

Aujourd’hui, je n’ai pas envie d’aller rejoindre les collègues à la machine à café. Je reste sérieuse derrière mon écran. Soudain, j’entends des rires. Voilà, ça commence. J’en étais sûre. Le problème c’est que les bruits se rapprochent dangereusement de mon bureau et que Didier déboule devant moi, la face hilare, avec un bouquet de roses.
— Ah la belle cachottière !
Il me tend les fleurs et attend.
— Ben quoi !
J’avoue que j’ai aboyé. Il ne s’en formalise pas. Il me connait.
— Tu ne regardes pas la carte ?
— Ce n’est pas pour moi.
— Pour Marie-Sophie, ça veut dire quoi à ton avis ?
J’écarquille les yeux. Je vais le tuer Archibald. Encore une de ces blagues minables. Il le sait pourtant que je n’aime pas ça du tout.
— Le rouge te va très bien, MarieSophe.
Lui aussi, je vais le démolir même s’il n’y est pour rien. C’est un gentil et il semble sincèrement heureux pour moi.
— Alors tu ouvres la carte ?
— C’est mon pote Archibald. Pas besoin de regarder.
— Allez, pour me faire plaisir !
Il se frotte les mains de contentement. Il adore ça Didier. C’est un homme très romantique. Il me surprend toujours. Il est marié. Il a trois enfants. Sa femme est très sympathique. Je me demande comment elle peut le supporter au quotidien, moi il m’agace. Comme dirait Mélusine, c’est ça l’amour. Je ne veux pas lui faire de peine, je me tais. Heureusement, la sonnerie de la reprise des cours retentit et à regret il m’abandonne.
Le bouquet de roses qui embaume mon bureau me nargue. Je saisis mon portable et appelle Archibald. Il ne répond pas. C’est le coup de feu à la boulangerie. Je lui laisse un message : « Tu exagères avec tes fleurs au boulot. Tu le sais pourtant que je n’aime pas ça. Merci quand même, il est très joli ton cadeau. Mais quand même, des roses rouges… ». J’hésite à appeler Mélusine. Elle va encore se moquer de moi. Quand mon portable vibre, je ne regarde même pas ce qui s’affiche à l’écran.
— Salut, Archibald, tu aurais pu t’économiser ça et…
— Je ne suis pas Archibald. C’est Florent. Votre voisin d’en face.
Comment diable a-t-il eu mes coordonnées. Encore un coup du pépé, j’en suis certaine.
— Vous êtes toujours là ?
Je me lève et vais fermer la porte de mon bureau. Je ne sais pas quoi dire.
— Marie-Sophie ? Vous m’entendez ?
— Oui. Je suis surprise que vous ayez mon numéro.
Quelle idiote ! J’aurais pu dire autre chose, mais c’est la première phrase qui m’est venue à l’esprit.
— C’est Charles qui…
— Je m’en doutais.
Soudain, je réalise :
— Il a un problème ? Il est malade ? Il ne peut pas m’appeler et c’est pour ça que vous le faites à sa place ?
— Pas du tout. Calmez-vous. Je voulais juste savoir si vous aviez reçu mon bouquet de roses ?
De surprise, je me laisse tomber sur ma chaise à roulettes. Je calculais mal mon coup et me retrouvais par terre alors qu’elle filait à l’autre bout du bureau.
— Bordel !
— Vous disiez ?
Le juron m’avait échappé. Quelle quiche !

© Minibulle 14 février 2020

mercredi 12 février 2020

Un mercredi chez Stefano et Héloïse



Stefano et Héloïse ont bien grandi. Lui, approche les sept ans alors qu’elle avoisine les six. C’est mercredi. L’école est terminée pour aujourd’hui et ils sont à la même. Du coup, ils reviennent ensemble à pied. Ce n’est pas loin, et comme ils sont deux, ils bavardent. Les vacances se profilent à l’horizon.
Toujours très complices, ils partagent leurs secrets.
— Tu pourras me faire réciter ma poésie ?
Héloïse n’est jamais très sûre d’elle. Elle apprend vite, mais elle craint souvent que sa mémoire flanche.
— Et puis tu sais ma copine Tina, elle est tombée.
— Oui et alors c’est grave ?
— Elle a des bleus partout. Elle m’a dit qu’elle n’avait même pas pleuré.
— Elle est tombée comment ?
— Des escaliers.
Stefano regarde sa sœur d’adoption.
— Tu parles bien de Tina, celle qui habite dans les nouvelles maisons ?
— Mais oui, pourquoi tu demandes ça ?
— Pour rien.

Ils arrivent chez eux et la bonne odeur de cuisine les accueille aussitôt. Joe est justement en train de se laver les mains et Charlie, le tablier autour de la taille, tend sa joue. Texas, le terre neuve leur fait la fête.
— Mathurin a proposé que vous alliez voir votre poulain Célestin cet après-midi.
Joe regarde les deux enfants en s’installant à table.
— Vous vous êtes lavés les mains ?
Charlie ne transige pas. Pour le repas, chaque menotte doit être propre. Les gamins le savent.
Ils s’assoient et la jeune femme apporte la soupe de légumes sur la table.
— J’aime pas ça ! ronchonne Héloïse.
Charlie lui en verse tout de même une louche dans son assiette et Joe y va de sa petite phrase toute faite :
— Il faut que tu manges pour devenir grande.
— Maman n’a pas dû en manger beaucoup, elle ne t’arrive même pas aux épaules.
— C’est parce que je suis très grand.
— Et que je n’ai pas mis mes talons.
Tout le monde éclate de rire, sauf Héloïse qui regarde d’un drôle le liquide verdâtre devant elle.
— C’est à quoi ?
— Haricots verts, courgettes et…
— Je déteste les haricots verts.
Charlie soupire. Elle est difficile en ce moment Héloïse. Stefano, lui a déjà terminé.
— Elle est très bonne ta soupe. Tu devrais la goûter Héloïse.
Elle accepte de tremper ses lèvres.
— Alors ?
— Hum, ça va.
— Tina est tombée des escaliers et a des bleus partout, déclare Stefano.
— T’étais pas obligé de le dire, rouspète Héloïse. C’est ma copine. C’est à moi de le dire.
Charlie et Joe se regardent.
— Tina ? Ton amie qui vient de déménager dans les nouvelles maisons ?
— Pourquoi tu demandes ça ? Stefano aussi a fait pareil tout à l’heure.
Charlie enlève les assiettes creuses, ainsi que celle de sa fille qui l’a terminée, et apporte le gratin de macaronis.
Les deux enfants applaudissent. Elle les sert en les prévenant que c’est chaud, qu’ils fassent attention de ne pas se brûler. La bouche pleine de pâtes et de fromage qui file, Héloïse reprend :
— Même qu’elle n’a pas pleuré. Pourtant, elle en a beaucoup de bleus. Moi, j’aurais pleuré, c’est sûr !
— Elle les a montrés à ta maîtresse ?
— Ben non, y a qu’à moi qu’elle l’a dit. C’est pas un secret, alors, je vous le raconte.
— Tu les as vus aujourd’hui seulement ?
— Mais non ! ça fait longtemps. Elle tombe souvent en fait.
Stefano regarde son père.
— Je croyais qu’il n’y avait pas d’escaliers dans ces maisons-là.
— Dis aussi qu’elle ment !
Héloïse se met à pleurer.
— T’es méchant Stefano. Elle raconte pas des histoires ma copine. Même qu’elle raconte que son papa, il la frapperait si elle mentait.
— Nous te croyons ma chérie.
Charlie lui passa la main dans les cheveux et soupira. Décidément…

Une fois la table débarrassée, la vaisselle dans la machine et les enfants partis dans la salle de jeux, Charlie demanda à Joe.
— Tu sais parfaitement comme moi que cette petite est brutalisée par son père non ?
— Hum !
— Et alors ? On laisse faire ?
Joe soupira.
— Tu veux que j’en parle à la femme de Mathurin, elle est assistante sociale.
— Joséphine ? Oui, c’est vrai. Elle est au centre d’action sociale. Mais…
Charlie se détourna. Joe savait bien à quoi elle pensait.

Dans la salle de jeux, Héloïse discutait avec sa poupée. Stefano lisait.
— Pourquoi tu me fais mal ?
— Je ne te fais pas mal, je te frappe parce que tu as fait des bêtises.
— Oui, mais tu me fais mal.

Stefano leva la tête.
— Mais pourquoi tu fais ça à ta Barbie Héloïse ?
— C’est pas grave, il faut bien, elle n’est pas sage. Tu sais, mais tu ne le répètes pas, mon papa, il faisait ça à maman. Elle croit que je le sais pas, mais j’ai tout vu. C’est pour ça qu’on est là. Elle avait peur qu’il me fasse du mal. Heureusement que ton papa, il n’est pas comme ça, hein dis !
Stefano resta muet. Héloïse n’avait pas l’air perturbé plus que ça. Depuis qu’elle était arrivée avec Charlie, elle n’avait jamais fait allusion à cette histoire. La petite fille leva la tête et sourit :
— Tu voudras qu’on se marie quand on sera grands ?
— Tu as de ces questions Héloïse ! Comment veux-tu que je le sache ?
— Moi j’en suis certaine. Et toi ?
— Bah si tu en as envie.
— Sérieux ?
Héloïse lui sauta au cou.
— Viens, on va le dire à maman et papa Joe.
— Attends, il n’y a pas urgence !
— Ça veut dire quoi urgence ? C’est quand on va à l’hôpital ? Mais je ne suis pas malade.
— Non, Héloïse, ça veut dire que ce n’est pas pressé de les prévenir tout de suite.
— Pressé comme un citron ? Je ne comprends rien à ce que tu racontes. Moi, je veux le dire à maman.
Elle se leva et dévala l’escalier, faillit rater une marche, et fut cueillie par Joe qui la rattrapa de justesse.
— Combien de fois faudra-t-il te dire de ne pas courir dans les escaliers ?
Joe avait pris sa grosse voix.
— Je voulais dire quelque chose d’urgent à maman même si c’est pas pressé comme un citron. Mais je peux le dire à toi aussi. Avec Stefano on va se marier.
Le gamin qui descendait regarda son père. Celui-ci faillit éclater de rire devant la mine penaude de son fils.
— Félicitations les enfants ! Vous avez choisi une date ?
Héloïse répondit très sérieusement :
— Tu as de ces questions papa Joe ! Comment veux-tu que je le sache ?

© Minibulle 12 février 2020

dimanche 2 février 2020

Les crêpes de Marie-Sophie




Chaque année, le 2 février !
— Tu fais des crêpes ?
— Tu n’oublies pas, promis ?
Et chaque année, je ressors ma poêle qui ne sert qu’à ça. Une crêpière ! Je vous raconte des blagues, je m’en sers pendant l’année. Il arrive que j’aie envie d’une crêpe party ! Vous savez celles où on en mange des salées, des sucrées. Les soirées entre amis où il n’y a que ça !
Archibald et Mélusine viennent chez moi et hop ! nous les faisons sauter. En bon boulanger qu’il est, Archibald pourrait faire la pâte. Non, il paraît que la mienne est la meilleure. Je ne le crois pas, mais finalement, ça me fait plaisir qu’il me dise ça.
La recette, c’est celle de maman qui la tient de la sienne. Inratable ! J’en ai essayé une fois avec des œufs battus en neige. Elles devaient être plus légères, plus moelleuses, tu parles ! Accrochées à la poêle oui, et impossible de leur donner une belle apparence.
Bon, je dois vous avouer que ma pâte à crêpes est faite moitié bière moitié lait. C’est comme ça. La première fois qu’Archibald m’a vu mélanger les ingrédients, il a hurlé !
— Quoi ? Tu mets de la bière ?
— Oui, monsieur. Elles seront plus légères et plus craquantes.
Il était très sceptique. Mais quand il a goûté… elle descendait bien vite ma pile. J’avais passé plus de temps à la faire grimper qu’elle en met pour descendre. Quel gourmand !
Mélusine apporte ses confitures maison. Oui, en plus d’être couturière, elle fait ça aussi. Quand elle s’y attelle, ça glougloute dans sa cuisine et ça sent super bon.
Je suis allée trouver Charles pour l’inviter à venir les partager avec nous.
— Non MarieSophe. Restez entre jeunes ! Peut-être que j’irais chez Célestine.
Aussitôt, je lui murmure à l’oreille :
— Raconte, il y a du nouveau ?
— Mais que vas-tu encore t’imaginer ? Nous ne sommes pas comme vous, nous prenons notre temps.
— Oui, enfin du temps, tu ne crois pas que tu en as assez perdu ?
— Et c’est toi qui me dis ça ?
J’aurais mieux fait de me taire. J’allais m’excuser quand j’entends derrière moi :
— Et moi, est-ce que je peux venir les goûter vos crêpes ?
Charles sourit. Il ne m’avait pas dit, le bougre, que le voisin Florent était avec lui dans son garage. Resté dans l’ombre, je ne l’avais pas aperçu. Charles ne me laisse pas répondre.
— C’est vrai ça, Florent est plus de votre âge que moi.
Il se tourne vers lui :
— En plus, les crêpes de Marie-Sophie, quand elle les fait, parfument toute la rue.
— Je sais. Je m’en suis déjà rendu compte.
— Ah ! tu vois MarieSophe. Alors, tu l’invites ?
Je baisse les yeux, je rougis, je me tords les mains et finalement, je murmure :
—  Archibald et Mélusine ne le connaissent pas…
— Vous parlez du boulanger et de la couturière ? Mais bien sûr que si, je sais qui ils sont. D’ailleurs quand je vais acheter mon pain et que la boutique est déserte, je prends de vos nouvelles.
Je n’aime pas ça du tout et je sens que mes joues virent au rouge brique. Mon cœur s’accélère, je vais bafouiller. La seule solution que je connaisse dans ce cas-là, c’est la fuite. Mais cette fois, Charles a deviné mes intentions.
— Pas si vite, MarieSophe ! Tu étais bien venue pour inviter quelqu’un non ? Alors ?
J’ai horreur d’être devant le fait accompli, je ne supporte pas qu’on m’oblige à faire ce que je n’ai pas envie. Je vais devenir franchement désagréable. Mon voisin d’en face s’en rend compte. Il sort son portable de sa poche.
— Excusez-moi, j’ai un appel.
Je n’ai rien entendu. Mais je le remercie in petto de sa délicatesse.
— Tu es une fieffée imbécile !
Et Charles me plante là.


Ma pâte à crêpes est réussie comme toujours. Mes deux amis sont derrière moi et nous nous amusons comme des gosses à les faire sauter. Je suis la meilleure évidemment !
 La table est mise avec confitures, chocolat, sucre glace, vergeoise. Pas de salé cette fois-ci !
— Tu sais que ça sent diaboliquement bon dans ta rue quand on arrive !
Archibald sourit.
— Tes parents doivent saliver.
— Ils sont absents.
Je n’ose pas lui poser de questions sur Florent. Je lui en veux de parler de moi avec lui que je ne connais pas.
— Au fait, tu étais au courant que ton voisin était flic ? demande Mélusine.
Paf ! je prends la crêpe sur la tête. À qui fait-elle allusion ?  
— Oui, celui-là, d’en face, dit-elle en désignant la maison du beau gosse.
Comment sait-elle ça, elle !
 
© Minibulle 1er février 2020

samedi 1 février 2020

La fête de la Fée Vrillée




Fée vrillée était folle de joie. Cette année, elle avait un jour de plus à son compteur. Une bonne raison de faire la fête. Elle n’allait pas s’en priver. Elle comptait sur ses doigts les amies qu’elle avait invitées.
Elle préparait les petits gâteaux en survolant et en surveillant du coin de l’œil la nature. Janvier avait fait son boulot comme toujours : de la neige, de la pluie, du vent, du froid. Rien de spécial à signaler. Les arbres n’étaient pas encore réveillés et prêts à se couvrir de feuilles, tout se déroulait normalement.
Elle alla chercher de l’eau fraîche à la source qui coulait toujours quoiqu’il arrive. Il allait être difficile de trouver du nectar de fleurs pour les jus de fruits, même si quelques jonquilles pointaient le bout de leur nez, tout comme les jacinthes.
Elle commença à accueillir ses amies avec un petit mot pour chacune.
— Bienvenue chez moi Fée Tiche. Que m’as-tu encore rapporté ?
Spécialiste des objets qu’elle récupérait au gré de ses voyages, qu’elle vénérait pendant un temps puis abandonnait pour un autre, elle se présentait aujourd’hui tout habillée de bracelets multicolores. Elles se saluèrent puis la Fée Vrillée l’invita à rejoindre le buffet qui était sous la Féé Rule qui le surveillait d’une main de maître.
Des miaulements discrets attirèrent la Féé Vrillée qui reconnut rapidement la Fée Line qui arrivait accompagnée de ses chats persans. La Fée Roce la contemplait d’un drôle de regard, car elle n’aimait pas ces animaux, mais ne fit aucun commentaire alors que la Fée Lonne la titillait au contraire pour attaquer.
Heureusement que la fée Ria et la Fée Licité mirent aussitôt de l’ambiance, au grand dam de la Fée Vrillée, qui aurait voulu que toutes ses invitées soient présentes pour débuter la fête. Elle surveillait l’entrée avec impatience, la Fée Conde qui inlassablement veillait à ce que toutes les demandes de naissances soient respectées ne devrait plus tarder.
Quand la Fée Brile arrive toute chose, elle ne put que lui proposer d’aller se reposer près du buffet. Son amie la Fée Mur, la plus grande de toutes, l’y attendait déjà prête à la rassurer. En effet, elle craignait de rencontrer la Fée Dérer. Celle-ci était toujours accompagnée d’une énorme raquette qui lui faisait peur. Mais, la Fée Vrillée connaissant son angoisse ne l’avait pas invitée.
Ses comparses commençaient à s’amuser autour du buffet surtout la Fée Culent qui n’était pas en reste pour grignoter.
Un grand silence se fit soudain. La Fée Odal et la Fée Déral s’avançaient en grande tenue.
— Merci d’être venues, leur dit-elle en s’inclinant.
La Fée Vrillée remarqua qu’elles n’étaient pas seules. Un coup d’œil sur la Fée Brile la renseigna aussitôt.
— Nous ne pouvions concevoir que vous fassiez une fête sans notre amie la Fée Dérer.
C’était bien là le problème avec la Fée Odal et la Fée Déral. Très collet monté, elles n’acceptaient aucune entorse au règlement. Un divertissement a lieu, toutes les fées doivent être présentes.
La Fée Lure en savait quelque chose. Elle avait toujours gardé en elle, cette blessure qui datait depuis des lustres.
La Fée Vrillée surveillait l’entrée. Comment ? Elle n’était pas venue ? Elle voleta jusqu’à son bureau et vérifia d’un coup d’aile que l’invitation avait été envoyée. Mais des applaudissements la firent rapidement retourner à la fête. La Fée Erique saluait toutes ses comparses qui s’inclinaient devant elles. De sa baguette argentée, elle parsemait sur elles de la poussière d’or qui les aiderait pendant tout ce mois qui comptait un jour de plus à faire correctement leur travail. Il y en avait énormément pour éveiller la nature et elles n’étaient pas solides au point de tenir 29 jours.
Elles crièrent toutes en même temps :
— Vive Fée Vrillée !

© Minibulle 1er février 2020