Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

mercredi 29 avril 2020

Muguette se raconte encore


Coucou toi qui me suis, tu sais que pour La Plume, décider de me donner une maison, j’ai dû batailler ferme !
Ma maison ! quel sketch ! Au début, je n’en avais pas ou si peu. Je n’arrêtais pas de lui dire :
— Ce serait bien quand même que j’ai un « chez moi », Jasmin en a bien un lui ! même s’il vit avec sa famille, le lecteur est au courant que c’est une belle propriété. Moi, personne ne sait rien.
Comment La Plume a fait pour me créer mon petit nid ? Je vous le donne en mille. Elle est allée sur son ordinateur, elle a recherché des photos maisons… rouges car elle aime le rouge. Du coup moi aussi, et à partir de là, elle a brodé. Son imagination est terrible. Je bénéficie maintenant d’une jolie terrasse couverte avec des banquettes et coussins de ma couleur préférée. C’est une grande baraque alors que je suis toute seule, mais ce n’est pas grave, elle me plait bien.
Évidemment, La Plume a trouvé pour Félicie une cabane de pêcheurs au bord l’eau. Mon amie vit solitaire comme moi, elle adore sa maison. Elle habite maintenant chez Angelo qui lui bénéficie d’une bâtisse avec vue sur les vignes de la famille de Jasmin. Je suis en extase devant l’imagination de La Plume. Jamais moi je n’aurais rêvé un truc pareil pour Félicie, mais finalement ça lui va super bien.
Pour Prune, alors là, étant donné qu’elle est femme d’architecte, vous pensez bien que La Plume lui a trouvé une superbe demeure à retaper. Avec Thomas son mari, ils en ont fait une bâtisse que tout le monde regarde avec envie dans la rue, moi la première quand j’ai fait la connaissance de mon amie.
Finalement, heureusement que j’ai pleuré pour avoir une maison, mes copines n’en avaient pas non plus. Quelquefois, l’héroïne d’une histoire prend la main de la plume et la guide.
Quand même, je n’ai pas compris ce qu’il m’arrivait quand je suis tombée enceinte. Là, je ne m’y attendais pas du tout. La preuve en est que je croyais que j’étais ménopausée. Non, mais je vous jure, j’ai de ces idées ! Mes copines ont remis les pendules à l’heure. Naïve, j’ai pensé que ça allait marcher tout seul parce que franchement, je ne maîtrisais rien du tout. Je me suis donc imaginé que j’allais couler des jours heureux avec Jasmin. Ah oui tu parles, c’est mal connaître La Plume qui m’a tancée en me rappelant que si c’était aussi simple, ma vie était finie et que je  pouvais croupir au fond d’un tiroir sur un cahier, que les lecteurs allaient vite se lasser si j’étais amoureuse, j’avais un bébé, et blablabla, le « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » ne plaisaient pas à La Plume. Moi qui la croyais planplan et romantique, je me suis trompée sur ce coup-là. Ne voilà-t-il pas qu’elle imagine que Jasmin est stérile ? J’ai ouvert de grands yeux.
— Mais ça ne va pas La Plume, comment j’ai fait alors ?
— Justement, c’est la question que tu vas te poser… cherche la réponse !

J’ai trouvé… mais quelle histoire ! … c’est la mienne, normal qu’elle ne soit pas simple !

À suivre
© Minibulle 29 avril 2020

lundi 27 avril 2020

Marie-Sophie et ce putain de virus !


– Arrête de triturer les méninges, tu vas te faire un nœud au cerveau MarieSophe.
Mélusine me regarde, lever le rideau, l’abaisser, le relever. Je surveille la maison de mon voisin et je ne vois toujours pas âme qui vive.
Mon amie reste zen quoiqu’il arrive et je l’admire. Elle s’est installée à confectionner des masques. Et croyez-moi, ils seront chanceux ceux qui porteront ceux-là ! Tout en respectant les normes, elle a choisi de très beaux tissus. Elle s’active dans mon salon et le bruit de la machine martèle mes journées. J’ai l’impression d’être inutile alors qu’elle au moins, fait quelque chose. Archibald est un des premiers à les arborer. Il est encore plus mignon comme ça ! Évidemment, sa clientèle l’a questionné : où se l’était-il procuré ? Vous pensez bien que du coup, Mélusine a croulé sous les demandes. Elle a gardé son calme et elle fournit pour la commune.
Ma décision est prise. Je vais l’appeler. Qui ? Gabriel, mon voisin, puisque tel est son nom.
Mais mon amie me surveille du coin de l’œil.
– Attends ! tu sais ce que tu vas lui dire au moins ?
Elle n’est pas anodine sa question. Elle continue, tout en gardant la tête penchée sur son travail.
– Tu n’as jamais voulu lui parler et d’un coup tu lui téléphones ? Il va s’interroger. Ou plutôt si, il va s’imaginer que c’est parce qu’il est médecin. Vu l’engouement que déclenchent en ce moment les soignants, je ne suis pas certaine que tu tombes bien. Entre pitié, admiration, commisération et j’en passe, il ne va pas savoir où tu te situes.
– Tu crois ?
– Sois patiente ! Tu n’es plus à un jour près maintenant !
– Et s’il l’attrapait ?
– MarieSophe, il peut m’arriver la même chose. Tu ne te fais pas autant de souci pour Archibald.
Elle me fait un clin d’œil.
– C’est idiot ! Lui, je le vois presque tous les jours. Je sais qu’il va bien.
– C’est ton imagination qui te joue des tours. Gabriel a l’habitude de travailler dans ce milieu, que veux-tu qu’il lui arrive justement maintenant ? Il est toujours en sursis, comme nous tous !
Je ne réponds rien parce que j’ai entendu une voiture. Étant donné qu’il n’en passe pas des milliers en ce moment, le moindre bruit est repéré.
Je relève le rideau et cette fois, je le vois. Je ne réfléchis pas et sors de ma maison comme un pantin de sa boite. Je cours vers lui et…
– Marie-Sophie ?
Il tend la main devant moi et je comprends que je ne dois pas m’approcher plus près.
– Un problème ? Charles ?
Sa question m’attendrit. Il ne fait pas un pas vers moi, mais son regard me sonde. Je remarque alors son air fatigué, ses yeux cernés, il n’est pas rasé. Je ne sais plus quoi dire. Qui suis-je moi, face à tout ce qu’il voit tous les jours ? Il se bat contre la maladie pour sauver des vies et je viens l’ennuyer. Une fois de plus, je suis nulle. J’allais faire demi-tour quand sa voix me rappelle.
– Marie-Sophie ?
Je rougis. Putain de virus qui m’empêche de l’approcher. Je le braverais bien, mais je comprends aussitôt que c’est une très mauvaise idée quand je remarque son regard qui fonce.
– Non, reste où tu es. Je vais aller me doucher, me changer et après si tu veux, je te téléphonerais.
– Je suis désolée.
Je n’ai pu dire que ces mots-là. Je suis devant lui les bras ballants. Je ne suis pourtant pas une pestiférée, mais c’est tout comme !

– C’est moi qui lui ai dit que tu étais médecin urgentiste. Elle n’était pas au courant. Depuis, elle se fait du souci pour toi.
Charles est derrière moi. Je m’en rends compte parce que le regard de Gabriel est passé au-dessus de ma tête, et qu’un sourire s’est affiché sur son visage.
– Vous allez bien, Charles ? Pas de toux ? Pas de fièvre ?
– Ne t’inquiète pas pour moi, mon garçon. Va te reposer. Tu en as bien besoin. Oui, je me porte bien.
– Je suis tranquille jusqu’à demain. Je crois que je n’ai pas eu de pause depuis… je ne sais plus.
Il me regarde à nouveau.
– Marie-Sophie… J’ai rapporté un petit repas confectionné par la femme de Clovis. Si vous voulez, on s’appelle par Skype et on discute tout en grignotant ?
– Mon amie Mélusine est à la maison, vous pourriez venir le partager avec nous ?
Il sourit.
– Ne me tentez pas, ce ne serait pas raisonnable en ce moment. Une autre fois. Laissez-moi le temps de me doucher et de me reposer un peu et je vous bipe. D’accord ?
Ce sera donc ça maintenant les rendez-vous amoureux ? Me biper comme à l’hôpital, il doit le faire des centaines de fois par jour.
Je fais oui de la tête. C’est là que je me rends compte que j’aurais bien voulu qu’il me prenne dans ses bras. J’aurais dû écouter Charles…
Oui, putain de virus !

© Minibulle 27/04/2020

vendredi 24 avril 2020

Muguette se raconte



Toi qui es face à ton écran et qui par hasard ou non, parce qu’on ne peut pas venir parler avec moi par hasard, tombes sur moi, ne t’es-tu jamais demandé qui je suis et comment je suis arrivée devant tes yeux ?
Bien sûr, tu connais mon nom, Muguette. J’ai débarqué comme ça chez toi, mais de quelle façon ? Sortie d’un tiroir ? Non, plutôt d’une plume. Tu sais que j’ai peur parfois… Et si cette plume m’abandonnait ? Si elle n’avait plus envie d’écrire ? Parce que… avant… elle n’écrivait pas. Tout était enfoui au plus profond d’elle. Elle n’avait pas le temps, elle était empêtrée dans un fouillis impossible à décrire. Elle ne voyait plus clair, elle ne pouvait plus continuer comme ça, c’est ce qu’elle n’arrêtait pas de répéter. Elle avait du bazar dans sa tête et encore je maîtrise mes mots sinon, elle va me censurer, oui parce que la plume n’écrit pas n’importe quoi. Si tu savais combien de fois, j’ai refait ma vie, changé de prénom, de maison, et ma façon de m’exprimer.

Tu crois peut-être que mon histoire est facile, joyeuse, que tout va bien dans le meilleur des mondes, détrompe-toi. Figure-toi que ce n’est pas moi qui suis née la première. Un jour de janvier, la plume a parlé de Prune. Oui, une de mes amies. Enfin, au début, elle ne l’était pas. Je suis sortie sous les mots de la Plume après et je me suis imposée par mon caractère. Tu sais bien que je ne suis pas facile à gérer et ça l’a fait sourire. Elle m’a permis de prendre de plus en plus la parole.
Elle, qui adore les romances (oui, c’est une sacrée romantique), il faut parfois que je la recadre. C’est vrai, ce serait d’un plan-plan avec elle. Je lui donne du fil à retordre, crois-moi ! je disais donc, la Plume a imaginé que j’allais tomber amoureuse d’un homme qui avait un prénom de fleurs. Elle a cherché un moment avant de trouver celui qui allait faire battre mon cœur. J’ai failli écoper de Bleuet, Hyacinthe, Anicet ou Ferréol ! Heureusement, elle a pensé que Jasmin de la Rochefleurie sonnait bien et adjugé vendu, il est apparu un jour de pluie dans un bistrot. La classe ! Elle me l’a bien présenté ! Sauf que moi évidemment, j’ai ajouté mon grain de sel, je n’ai pas marché immédiatement dans sa combine. Elle a alors inventé l’histoire de la carte de visite sans coordonnées. J’avoue qu’elle a frappé fort, je ne le retrouvais pas mon bel apollon. C’est là que la Plume, elle a des ces idées, a créé ma meilleure amie Félicie, et je te le donne en mille ! Bingo, elle travaille avec Jasmin. C’est d’un facile, je te jure ! Sauf que, comment le savoir que c’est le même homme hein ? Vu que je n’ai pas le 06. Évidemment, Félicie ne me dit pas que son chef s’appelle aussi Jasmin. Comment le retrouver ?
En faisant entrer en scène Prune bien sûr ! Elle a fils, elle ! C’est la femme rangée, mariée avec thomas avec qui elle travaille. Je n’ai pas aimé du tout me casser la figure devant chez elle, mais il fallait bien trouver comment faire connaissance. J’ai bien essayé de diriger la plume vers autre chose, mais rien à faire, j’ai dû m’incliner. J’ai eu mal à la cheville, mais ça aurait pu être pire. Je n’avais pas envie de parler, mais elle est maligne ! Elle a inventé Prune toute gentille, tout sourire, et j’ai craqué ! Je l’ai invitée chez moi. Tu ne vas pas le croire, elle loge rue des bananiers pas loin de ma maison, rue des mimosas. Même moi je ris toute seule devant ma vie qui s’imprime sur le papier, sortie tout droit de l’imagination de la Plume. Je ne sais pas comment elle trouve ces trucs qui peuvent vous paraitre idiots, mais qui me plaisent bien à moi.
Je vous raconte la suite la prochaine fois… par exemple pourquoi je me mets en colère facilement …ou pourquoi j’ai écopé d’une belle maison rouge …
À suivre
© Minibulle 24/04/2020

jeudi 16 avril 2020

Muguette se souvient



Muguette, assise sur la banquette de la maison d’hôtes de Pénélope a les yeux perdus au loin.
— Tu es bien silencieuse Mug !
— Mes amies me manquent !
— Appelle-les !

— Je ne parle pas de Prune et de Félicie.
— De qui alors ?
— De tous ceux qui suivaient mes aventures. Penses-tu qu’ils se souviennent de tout ce qu’il m’est arrivé ?
— Fais-leur un petit topo !
— C’est une bonne idée ?
— Vas-y, je suis certaine qu’ils vont apprécier.

— D’accord, je me lance.
Je suis amoureuse de Jasmin de la Rochefleurie. Au début, je croyais que c’était parce qu’il portait un prénom de fleur comme moi, mais au bout du compte, je me suis rendu compte qu’il était bien plus que ça. Pourtant, sa famille n’est pas top ! Son grand-père surtout ! Louis de Rochefleurie est un patriarche… comment dire … Bref, il régente tout et la première fois qu’il m’a rencontrée, ça s’est mal passé. Je lui ai flanqué une gifle ! Vous êtes surpris ? Stupéfaits ? Vous pensez, mais elle est folle celle-là ! vous ne savez pas tout… j’étais enceinte de son petit-fils et cet homme n’a pas voulu le croire. Bon, c’est une longue histoire, je ne peux pas tout vous raconter ici, sinon, ça durerait des plombes ! Bref, j’ai fui en claquant la porte. Pour une première rencontre, c’était réussi. Du coup, Jasmin était fâché et moi aussi. J’ai bien cru que j’allais le perdre, mais… Il était là à la naissance de mon bébé. Une petite fille ! Surprise ! Je ne vous dirais pas son nom.
J’ai deux amies. Félicie et Prune. Finalement, elles sont jumelles, mais ça, elles l’ont découvert, il n’y a pas longtemps. Quelle histoire ! Les parents leur avaient caché la vérité. Félicie est mon amie depuis que j’ai commencé l’école. Prune, n’habitait pas loin de chez moi, j’ai fait sa connaissance un jour de neige où je me suis cassé la figure devant sa maison. C’est grâce à une chaîne identique autour du cou, qu’elles ont compris qu’elles étaient frangines. N’empêche, je me suis bien plantée, j’avais cru que Félicie était amoureuse d’elle. En fait, elle se sentait attirée par elle, mais c’était tout à fait autre chose.  
D’ailleurs, Félicie a rencontré un type formidable, Angelo. Il est fleuriste et mon amie a décidé de plaquer son boulot aux Finances pour travailler avec lui. J’ai oublié de vous dire qu’elle était collègue de mon chéri au centre des Impôts. Lui était son chef, il est directeur. Je me suis bien moquée de lui quand j’ai appris son métier avec le prénom qu’il a. Figurez-vous que sa sœur, c’est Pétunia ! ça, c’est le bouquet, comme dirait Prune !
Prune est mariée à Thomas et elle a un fils Fred, il a 17 ans. Mais, un soir, une pouf appelée Anabelle est apparue dans la vie de mon amie. C’était une ex de son homme, et il ne lui en avait jamais parlé, le bougre ! Prune ne l’a pas bien pris. De plus, il a fallu qu’ils travaillent ensemble. Prune est venue me rejoindre chez ma mère et c’est là qu’elle a rencontré Clothaire, un ami d’enfance. J’étais enceinte jusqu’aux yeux, mais nous sommes sortis au restau du lac, tenu par un copain de maman. Des chippendales ont débarqué pour faire un spectacle. Quelle surprise lorsque j’ai reconnu Clothaire. Il était présent, quand j’ai perdu mon papa à 2 ans. Ses parents et les miens étaient potes. Ils le sont toujours.
Oui, j’ai vendu mon agence immobilière et je suis revenue chez Pénélope, ma mère. L’histoire avec le grand-père de Jasmin m’a complètement anéantie et j’ai disparu de la circulation. Je ne voulais même pas qu’il connaisse son enfant. Évidemment, il m’a retrouvée. Félicie aussi d’ailleurs !
Prune amoureuse de Clothaire ? Alors là ! Peut-être… peut-être pas… ça fait partie de ma vie d’après, pas encore écrite.
Ah ! peut-être ne le savez-vous pas, mais Prune a eu un bébé !
— Ne raconte pas tout Muguette, tes amis ne sont pas au parfum !
— D’accord ! Pourtant, il faut bien que je les appâte un peu non ?
— Doucement alors !

— Je disais que Prune a accouché le même jour que moi. Je n’avais pas remarqué qu’elle était enceinte et elle non plus apparemment.
Clothaire quand il l’a appris n’a rien compris. Il pensait qu’elle était célibataire.
Quant à Thomas le mari de Prune, je ne parviens pas à imaginer comment il va prendre la nouvelle.

Il faut que je vous prévienne aussi… Jasmin a eu deux grands enfants. Il n’était même pas au courant. Encore une histoire du grand-père Louis ! Ils ont vingt ans et sont jumeaux. Il aurait fricoté avec une copine de lycée Viviane. Et bingo ! Une fois, une seule, mais ça a marché ! elle ne lui a rien dit, le patriarche a payé pour qu’elle se taise.
Mais c’est fou ce que le jour de mon accouchement, il s’en est passé des trucs… Viviane a débarqué dans ma chambre en déclarant qu’elle ne comprenait pas pourquoi ses enfants n’avaient pas le même groupe sanguin qu’elle ou Jasmin…
Alors les amis ? Envie de connaître la suite ?

— Je pense que tu les as bien accrochés là !
— Donc… Tu sais ce qu’il te reste à faire ?

Rires ! Muguette et moi…

© Minibulle 16 avril 2020

samedi 11 avril 2020

Héloïse et Stefano et la surprise de Pâques



— Tu crois qu’ils vont penser aux œufs de Pâques ?
Héloïse tourne en rond dans le jardin. Elle est face aux clapiers de Joe et discute avec les lapins. Si Stefano l’entendait, il se moquerait encore d’elle en lui répétant qu’elle n’est plus un bébé. Sauf qu’Héloïse n’est pas une enfant comme les autres. Très sensible, elle sent les choses et aujourd’hui plantée devant la lapine qui vient d’avoir des petits, elle lui parle. Elle l’a baptisée Hermine.
— Je sais bien que l’histoire des cloches qui déversent les œufs dans les jardins, ce n’est pas possible, mais moi je voudrais bien y croire quand même. Tu penses que tu pourrais m’aider ?
Hermine de couleur marron la regarde de ses grands yeux noirs tout en mâchonnant son brin de luzerne.
— Moi j’aimerais bien que les animaux parlent comme dans les livres. Tu n’en aurais pas envie toi ?

— Avec qui tu bavardes ?
C’est Joe, toujours affublé de son chapeau qui s’approche d’elle.
— Ne l’embête pas ! Elle doit s’occuper de ses lapereaux, n’y touche pas surtout, sinon elle pourrait les abandonner si elle sent ton odeur.
Héloïse soupire.
— D’accord, je m’en vais.
Joe qui descendait de son tracteur l’attrapa gentiment au passage quand elle passa devant lui.
— Attends, je ne t’ai pas demandé de partir, seulement de ne pas la toucher. Je t’ai déjà expliqué. Elle sent ton odeur et c’est étranger pour elle.
— Je sais, je ne l’ai pas caressée.
— Tu es toute triste, qu’est-ce qu’il t’arrive encore ?
— Rien !
Et elle le planta là. Joe soupira. Il avait bien compris que quelque chose la tracassait, mais il avait du travail, il haussa les épaules et remonta sur son engin.

— Et si j’allais voir les poules ? Peut-être qu’elles pourraient m’aider !
Stefano l’aperçut alors qu’il faisait du vélo dans le parc. Il vint à sa rencontre.
— Tu joues avec moi ? On fait la course ?
— Non, j’ai autre chose à penser.
Il éclata de rire.
— Ah oui ? Et à quoi ?
— Arrête de te moquer de moi, tu verras bien.
Il haussa les épaules et reprit son vélo. Les filles c’était d’un compliqué !

Héloïse entra dans le poulailler déclenchant des cot cot indigné de la basse-cour.
— Ne faites pas tant de bruit, j’ai besoin de vous.
Les volailles se turent aussitôt, comprenant qu’elle ne leur voulait pas de mal. Elles continuèrent leur balade nonchalante dans l’herbe.
— Vous pourriez vous arrêter de picorer quand même ! J’ai quelque chose à vous demander ! Pourriez-vous me faire de beaux œufs de Pâques colorés ? Et les disperser dans le jardin ?
Les bestioles ne relevèrent même pas la tête.
— D’accord, vous ne m’écoutez pas ! S’il vous plait votre attention !
Héloïse claqua les mains, ce qui pour effet de stopper net le picorage. Le coq majestueux se demanda alors ce qu’il se passait et vint à la rencontre de la petite fille. Il tendit le cou et s’approcha plus près.
— Elles ne te répondront pas, elles n’ont pas de langue.
Héloïse sursauta et se reprit aussitôt.
— Parce que toi tu en as une peut-être ?
— Moi je suis le maître ici, ce n’est pas pareil.
— C’est ça, fais le malin !
— Dis donc, tu pourrais me demander pourquoi je te parle au lieu de me faire un cours d’anatomie.
— Écoute Victor, je sais que tu es le chef de la basse-cour, mais…
— Comment m’as-tu appelé ? Victor ?
Il gonfla le jabot, sa crête rougit de plus belle et il se tourna vers ses poules.
— Vous avez entendu ? Je suis Victor.
— Il n'y a pas de quoi pavoiser, rétorqua une poulette plus délurée que les autres, au cou dégarni, une houppette ébouriffée sur la tête.
— Tu vois qu’elles parlent aussi !
Héloïse tapa des mains.
— Je vais vous demander de faire une surprise. Mais c’est un secret. Promis, vous tiendrez votre langue ?
Elles répondirent toutes ensemble.
— On n’en a pas de langue, on ne peut pas la tenir !
Elles caquetèrent de plus belle comme si elles avaient pris un fou rire. Gagnée par leur bonne humeur, Héloïse se mit à sauter partout dans le poulailler.
— Venez à côté de moi, je vais vous dire à quoi je pense.


—  Tu sembles bien guillerette ce matin Héloïse ! c’est parce que les vacances sont là ?
Charlie regarde sa fille avec amour. Sa frimousse est barbouillée de chocolat.
—  Tu as bien dormi !
—  Oui ! J’ai une surprise ! Mais je ne te le dirais pas.
—  Alors pourquoi en parles-tu ?
Stefano la taquine. 
—  Je suis certain que tu ne sauras pas tenir ta langue.
Héloïse en profite pour lui tirer justement. Comme elle est pleine de chocolat et de miettes, ce n’est pas très joli, et elle se fait remonter les bretelles par Joe qui n’admet pas qu’à table les enfants se comportent mal.

Une fois le petit-déjeuner débarrassé, Héloïse file s’habiller en vitesse. Stefano est surpris de la voir redescendre et courir vers le poulailler. Joe sourit.
—  Je ne sais pas ce qu’elle mijote, mais ça la met de belle humeur. Je suis content. Il y avait quelques jours qu’elle semblait triste non ?
—  Tu connais ma fille, elle est à fleur de peau.
—  Hier, elle bavardait avec les lapins.
—  Elle adore les animaux.

Stefano n’a pas attendu la fin de la conversation et il est parti la rejoindre. Qu’elle n’est pas sa surprise de l’entendre discuter avec le coq, les poules autour de lui ne bougent pas une aile. Le gamin n’ose pas faire de bruit.

—  Alors, faites-moi voir ?
Les volailles s’écartent et Héloïse s’avance à l’endroit où elles se retrouvent toutes pour pondre. Dans la paille, elle découvre des œufs multicolores. La petite fille est ébahie.
—  Vrai ! c’est vous qui avez fait ça !
Le coq se rengorge. Il a bien commandé ses femmes. Dans les différents nids, il y en a des bleus, des roses, des rouges, des jaunes, celui-là avec des traits verticaux, d’autres horizontaux, d’autres encore imitant des vagues.
—  Et ce n’est pas fini, demain, ça recommence !
—  Oui, mais ce n’est pas du chocolat qu’il y a dedans ? Si ?
Les poules caquettent à qui mieux mieux, comme si elles riaient.
—  Goûte ! Tu verras bien !
Héloïse n’en croit pas ses yeux, elle a devant elle une douzaine d’œufs en chocolat. Elle en casse un petit bout et c’est rudement bon.

Stefano qui s’est approché ne comprend rien. Héloïse s’est accroupie et a cogné un œuf doucement par terre, et elle le met à la bouche, comme ça, alors qu’il n’est même pas cuit.
—  Mais ça ne va pas Héloïse ! Tu vas être malade !
La fillette surprise lâche son précieux cadeau. Il s’écrase au sol et le jaune s’étale à ses pieds.
—  Regarde ce que tu as fait, Charlie ne va pas être contente et Joe encore moins.
Héloïse contemple ses chaussures, les poules et Victor le coq qui hausse ses plumes. Il embarque ses volailles sans se retourner.


— Tu as tout gâché !
Héloïse se mit à pleurer. Stefano ne comprenait pas.
— Mais Hélo… Tu ne peux pas casser les œufs comme ça !
— Je ne les cassais pas, c’était ça ma surprise ! Ils sont en chocolat !
Stefano se gratta la tête.
— Regarde tes chaussures Héloïse, ce n’est pas du chocolat là !
— Tu comprends rien !
Elle le bouscula et s’enfuit en courant.

Hermine, la lapine, surveillait de son clapier ce qu’il venait de se passer. Elle se mit à glapir et aussitôt Victor le coq s’approcha.
— Tu as vu ? Fais quelque chose ! Moi, je suis enfermée, je ne peux rien faire. J’ai mes petits que je ne peux pas laisser.
— T’inquiète pas, je gère !
— Ah oui ? Et comment ?
— Je vais rentrer dans la maison et parler à Charlie.
— Ben voyons ! Tu vas te faire sortir à coup de balai sûr !
Victor gonfla le jabot, devint tout rouge et lança un cocorico tonitruant.
— Jamais personne ne me fera de mal, compris !
— Qu’est-ce qu’il se passe ici ?

Charlie est face à eux. Hermine se planque dans son clapier et Victor ne bouge pas d’un pouce.
— Répondez-moi !
Joe qui venait chercher son tracteur éclate de rire.
— Tu parles au coq ? Décidément, ta fille et toi vous ressemblez vraiment beaucoup.
Victor cligna de l’œil et de sa démarche fière repartit trouver ses poules.
Charlie éluda la question de Joe et ouvrit la porte de la cage pour nourrir la lapine. Elle disposa un peu de grains dans la mangeoire et mit un peu de luzerne sèche près d’elle, veillant bien à ne pas la toucher.
Celle-ci s’approcha des mains de la jeune femme et couina doucement. Charlie chuchota :
— Attends que Joe soit parti, je ne peux pas te parler.

Une fois seule, Charlie ouvrit la porte du clapier.
— Sors Hermine et fais ce que tu as à faire.
— Mes petits ?
— Ne t’inquiète pas pour eux. Fais attention de ne pas te faire surprendre par Joe.
La lapine détala.

Stefano rejoignit Héloïse dans sa chambre.
— Je suis désolé si je t’ai fait de la peine, mais je ne comprends rien à ce que tu racontes.
— Tu ne peux pas comprendre !
— Je sais tu me l’as déjà dit. Explique-moi alors !
— J’ai demandé aux poules de pondre des œufs de Pâques et ne ris pas !
Stefano s’assit sur le lit.
— Et donc ?
— Regarde !
Héloïse sortit de sa poche, deux œufs qu’elle avait réussi à emporter.
Stefano n’en crut pas ses yeux quand il les vit décorés.


Le lendemain matin, les enfants avalèrent leur petit-déjeuner à toute allure. Joe avait à peine terminé de boire son café qu’ils avaient déjà détalé, n’oubliant pas de débarrasser leurs bols.
 — Quelle mouche les pique ce matin Charlie ? Tu es au courant de quelque chose ?
— Pas du tout, ils ont sans doute des choses à faire, des trucs de gosse.
— Je suis heureux qu’ils s’entendent aussi bien.
Il se leva et embrassa la jeune femme.

Héloïse entra en trombe dans le poulailler. Les poules affolées se mirent à courir dans tous les sens. Victor arriva les calmer.
— Allons les poulettes !
Héloïse se baissa pour caresser le coq. Stefano ouvrit de grands yeux.
— Alors, elles en ont pondu combien ?
— C’est un peu tôt encore, mais allons voir.
Stefano murmura à l’oreille de son amie :
— Mais qu’est-ce que tu fais ?
— Chut !
Émerveillés, les deux enfants contemplèrent les différents nids où des œufs bariolés étaient disposés.
— Tu pourras remercier Hermine qui a fait tout le travail.
— Pourquoi ?
— Regarde, elle a trouvé de jolis paniers et avec ses copines, elle a attaché des rubans. Tu pourras présenter tes surprises dedans. Mais, jusqu’à samedi, tu vas encore en avoir. Mes poulettes sont à fond.
— Merci, je t’adore !
Stefano ébahi vit Héloïse attraper Victor par les ailes et se mettre à danser avec lui dans l'herbe. Les volatiles ravis du spectacle caquetèrent en cadence.

— Mais qu’est-ce qu’il se passe là-bas, maugréa Joe qui allait quitter la cuisine. Tu entends ce boucan ?
— Ne t’inquiète pas, les volailles ont sans doute perçu un bruit bizarre. Tu sais ces bestioles ne sont pas très intelligentes.
— Tu parles c’est les gamins ! Stefano n’y est jamais autant allé que depuis qu’il connait ta fille.
— C’est un reproche ?
— Mais pas du tout, je suis heureux qu’il ait retrouvé le sourire. Mais je vais quand même y aller faire un tour.
— Laisse-les donc s’amuser !
— Non, je ne veux pas qu’ils fassent des bêtises.
Il mit son chapeau et à grandes enjambées, il partit rejoindre son fils et Héloïse. Charlie, à la fenêtre, siffla.
La porte d’un clapier s’ouvrit, Hermine se faufila à l’extérieur.


— Alors les enfants, que faites-vous encore dans le poulailler ?
Héloïse répondit aussitôt.
— Rien !
— Stefano ?
Il ne réagit pas.
— Je te parle gamin !
Stefano prit la main de la petite fille et l’entraina.
— Rien, papa. Je t’assure.
— Tu as ramassé les œufs ?
— C’est trop tôt, tu sais bien.
Joe sourit.
— Alors que faites-vous là ? Vous ne voyez pas que les poules sont affolées par votre présence ?
— Ben non, regarde !
En effet, le coq picorait tranquillement dans un coin, et ses comparses en rond autour de lui faisaient de même.

Plus loin, une lapine emportait un panier rempli d’œufs multicolores.

Enfin, le week-end arrivait. Héloïse était très excitée. Allait-elle avoir sa surprise et surtout, comment sa maman et Joe le prendraient-ils ? Elle se leva la première. Stefano dormait encore. Elle ne devait pas faire de bruit. Elle enfila un gros pull sur son pyjama, ses bottes en caoutchouc jaune à pois et hop, elle partit rejoindre ses amis dans le poulailler. C’était la grande effervescence. Hermine, debout sur ses pattes arrière plaçait les œufs colorés dans les paniers. Victor surveillait ses comparses qui étaient sagement installées sur leur nid.
C’était parfait. Héloïse tapait des mains tellement elle était heureuse. C’était magique. Elle seule pouvait voir ça. Seule… pas tout à fait.

— Tu es contente ?
La petite fille sursauta. Charlie était derrière elle.
— C’était une surprise, tu ne devais pas savoir.
— Je jouerais le jeu ne t’inquiète pas ma chérie.
— Tu n’es pas fâchée ?
— Bien sûr que non ! mais je ne voudrais pas que Joe se doute de quelque chose.
— Stefano n’a rien compris et n’a rien vu.
— Hum !
La jeune femme tapa dans ses mains et aussitôt Victor se mit presque au garde à vous devant elle.
— Je vous remercie. Vous avez bien travaillé. Je m’occupe du reste. Hermine, tu peux rejoindre ton clapier. Joe ne va pas tarder à venir, vous savez ce que vous devez faire.

En quelques secondes, la lapine se faufila dans l’herbe pour retrouver ses petits. Victor lança un tonitruant cocorico annonçant ainsi l’aube naissante, les poules se mirent à chanter et à sortir de leur nid, en s’ébouriffant.
Charlie ramassa les œufs bariolés, les paniers, et tout redevint comme avant. Elle saisit la main d’Héloïse dans la sienne et toutes deux reprirent le chemin de la maison pour préparer le petit-déjeuner comme si de rien n’était.

Le jour de Pâques, les enfants furent réveillés par un rayon de soleil coquin qui leur balaya le visage à travers les rideaux. L’odeur de chocolat chaud leur chatouilla les narines. Stefano, le premier, posa les pieds par terre et se frotta les yeux. Héloïse s’étira, un sourire sur les lèvres. Texas, le terre neuve monta l’escalier et doucement poussa la porte de la chambre. Il mit ses pattes sur la couette et murmura :
— Tu viens ?
Héloïse ébahie, demanda :
— Mais… tu parles ?
— Victor, le coq, ce volatile dressé sur ses ergots le fait bien lui, pourquoi pas moi ?
La fillette enserra de ses petits bras la grosse tête du chien et enfouit son visage dans la fourrure.
Une cloche retentit alors.

Joe qui préparait le café sursauta. Charlie posa une main sur son épaule. Elle appela les gamins. Une cavalcade résonna aussitôt et Texas ne fut pas le dernier à débouler dans la cuisine. Charlie ouvrit la porte et un doigt sur la bouche, les invita à contempler le spectacle.

Une pluie d’œufs tombait doucement du ciel.
Elle tendit aux enfants les paniers pour les récupérer. Ils partirent en courant dans le jardin, en riant aux éclats.

— Mais…
Joe ne pouvait pas croire ce qu’il voyait. Son caractère cartésien l’empêchait d’imaginer que des cloches pouvaient lâcher dans sa prairie des œufs en chocolat. Pourtant c’est ce qu’il se passait. Les enfants, excités, fouillaient l’herbe autour des arbres, débusquaient des trésors derrière les pots de fleurs. Certains, plus téméraires, s’étaient même posés sur la margelle du puits.
Charlie entrelaça ses doigts à ceux de son homme.

Victor lançait des cocoricos à tout va, les poules l’accompagnaient de leur cot cot heureux. Hermine, dans son clapier glapissait en cadence, et Texas, poussait de sa truffe, les œufs bien cachés.

— Joyeuses Pâques mon chéri !
Les enfants les rejoignirent émerveillés, les paniers pendus à chaque bras, bien remplis.
Texas aboya, Joe posa sa main sur sa tête. Stefano se glissa de l’autre côté et se serra contre lui. Héloïse se colla contre Charlie.
— J’ai faim, on prend le petit-déjeuner ?
C’était un dimanche tout à fait ordinaire finalement.

© Minibulle 11 avril 2020