Rita
et Phil le couple de mésanges habitué de la cabane dans le jardin de Jean et
Minouche, est revenu. Quand l’un est à la recherche de brindilles et de plumes,
l’autre zinzinule pour prévenir si tout est calme et qu’il n’y a pas de danger.
Tous les deux posés sur une branche, ils discutent et se s’interrogent parce
qu’ils se rendent bien compte que ce n’est pas comme d’habitude.
— Rita,
c’est bizarre quand même, regarde il n’y a pas une voiture sur la route.
— Demande
à Alfred, il doit savoir lui !
Alfred
c’est le chien de Jean.
— Oui
Rita, il se passe des trucs inhabituels. Mon maître, qui fait toujours du vélo,
ne sort plus. Il en fait dans son garage sur une drôle de machine et je n’ai
pas le droit de l’approcher, il dit que c’est dangereux si je me prends les
pattes dans ses roues. Il a même mis un carton devant la porte pour bien me
faire comprendre que je ne dois pas aller l’ennuyer. Tu parles, je pourrais
sauter au-dessus si je le voulais, mais je respecte son ordre.
Marquise
la chatte du voisin, curieuse comme ce n’est pas permis, s’est installée sur le
mur et écoute la conversation. Elle ne peut pas s’empêcher d’y ajouter son
grain de sel.
— C’est
rudement bien, je trouve ! Plus de voitures, et je ne risque plus de me faire
écrabouiller par des fous qui accélèrent quand j’ai le malheur de traverser la
route.
— Mais
c’est pour ça que je respire mieux alors ?
— Ben
c’est sûr, plus de fumée qui s’échappe des camions, des bus, des machins qui
roulent à toute berzingue. Ma fourrure est toute soyeuse.
Marquise
est une chatte blanche qui se la joue diva.
— N’empêche,
il doit se passer un truc grave, car mon maître reste souvent planté devant la
télé à écouter. D’habitude, il n’a pas cette tête. Là, je le trouve bien
soucieux.
— Oui,
et vous savez quoi ? reprend Marquise. Il faut que je fasse attention à ne pas
manger trop vite mes croquettes. J’ai entendu que ce n’était pas facile pour
sortir en acheter. Du coup, je suis moins gourmande. Ma maîtresse est revenue
chercher un papier obligatoire pour aller au magasin. Elle me répète que je ne
dois pas l’abandonner, elle n’a plus que moi pour parler.
— En
tout cas, pour nous, les oiseaux, le ciel est dégagé. Plus d’avions, plus de
trainées blanches. Seuls les nuages nous font des coucous, et encore, il n’y en
a pas trop en ce moment.
— Vous
croyez qu’il y aura quand même des cerises ?
Voilà
Gus le merle. Quel gourmand ! il s’en fiche lui, du moment que les beaux fruits
rouges mûrissent comme chaque année.
— Tu
sais, répond Phil, rien d’anormal pour ça. Les fleurs naissent de la même
façon, les amis tourterelles continuent à roucouler, les coqs à chanter. Rita
et moi avons trouvé facilement pour construire notre nid.
— La
seule différence c’est que nous entendons davantage nos copains siffler.
— Moi
qui surveille toujours devant le portail pour voir si quelqu’un arrive, je n’ai
pas grand-chose à faire. Les enfants de Jean ne viennent plus. J’ai cru qu’ils
étaient fâchés et j’ai imaginé que c’était à cause de moi, que j’avais
peut-être fait une bêtise. Mais non, je les ai entendus parler avec un drôle de
truc. J’ai passé la tête, j’en ai profité pour recevoir une caresse de ma
maîtresse et j’ai reconnu leurs visages comme à la télé. Tu penses qu’ils vont
se voir que sur un écran maintenant ? Ce n’est pas rigolo parce que pour jouer
au ballon, ce n’est pas pratique. Mais ce que je préfère, c’est que Jean et Minouche
ont bien le temps de s’occuper de moi. J’en ai encore plus qu’avant des
caresses. Alors, je les regarde avec mes grands yeux d’amour et je fais le
pitre pour les faire rire.
— Tu
as de la chance, dit Marquise, j’en connais qui ont été abandonnés. Ils ont cru
que c’était à cause de nous le truc qui les empêche de sortir.
— Un
virus qu’ils disent.
— Mais
nous on ne risque rien.
— Vous
savez, Paulo, son maître l’a attrapé…
— Et
alors ?
— Ben…
Paulo est tout seul maintenant. Enfin, il a encore sa maîtresse, mais elle
pleure tout le temps. Il n’a même pas pu lui dire au revoir. Il y a aussi Jojo,
lui c’est le contraire, il a tous les gosses avec lui. Il y a des fois, il
voudrait se cacher pour avoir la paix. Ils ne vont plus à l’école les enfants.
— Bon
ce n’est pas tout ça, les amis, le mot d’ordre, c’est qu’il faut leur remonter
le moral à tous. Ils nous aiment, à nous de leur montrer que nous aussi on peut
les aider.
— Moi
je chante.
— Moi
je siffle et je m’égosille.
— Moi
je ronronne.
— Moi
je lèche.
On
est là, nous !
— Vous
croyez qu’ils vont changer leurs habitudes après ?
— Ça…
@Minibulle
28/03/2020