Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

jeudi 31 octobre 2019

Halloween, ça me chagrine


Comme chaque année,
Le 31 octobre, je suis en apnée.
J’ai horreur de me déguiser
Mais les copines m’ont obligée.

J’ai peur des sorcières
Et ça ne date pas d’hier.

Quand je dois sortir
C’est un vrai délire.

Pour aller chercher les bonbons
Qui ne sont pas toujours bons,
Je dois respirer à fond
Je ne peux pas dire non.

Frapper aux portes, me fout la trouille.
Surtout quand les citrouilles
Me font de l’œil avec leur bouille,
Pour parler, j’en bafouille.

Pourtant les gens sont gentils
Et j’arrive à dire « merci ».
Même si, je sais qu’au fond de mon lit
Je serais bien mieux qu’ici sous la pluie.

Chaque année même rengaine,
Pourquoi des bonbons et pas de madeleine ?
Mes poches alors en seraient pleines
Et je serais beaucoup plus sereine.

Oui la fête d’Halloween me chagrine
Mais pour faire plaisir aux copines
Je perds ma voix cristalline
Et n’enfile pas de crinoline.

Un chapeau noir fera l’affaire
Pour devenir une méchante sorcière.
Exit les lumières
Et de ma voix de poissonnière

Je demanderais des bonbons
Promis l’an prochain j’oserais dire non.


vendredi 25 octobre 2019

Marie-Sophie et Charles


Les cloches carillonnaient et je savais déjà que j’allais voir Charles mon voisin, mon pépé comme j’aimais l’appeler, sur son 31.
Je suis née sur le tard. Mes parents avaient dû perdre la notice pour faire un bébé. Quand je leur en fais la remarque en blaguant, ça ne fait pas rire du tout papa. Maman lui file un coup de coude et lui dit que ce n’est pas grave, mais lui, il n’apprécie pas du tout la plaisanterie. Du coup je n’ai pas eu la chance d’avoir de grands-parents. Ils étaient tous déjà partis. Pas de veine pour eux ni pour moi.
Charles est alors mon pépé d’adoption. Il a l’air d’accord, enfin je le crois. Il ne m’a jamais dit le contraire. Il vit dans un bric-à-brac, je ne vous raconte même pas. Solitaire et toujours vêtu avec un vieux jeans, une chemise à carreaux et un pull par-dessus, il passe son temps à bricoler, jardiner et s’occuper de ses animaux. Ah, ça, il en a des bestioles. Un chien, un chat, et un cheval dans son pré, qui cohabite avec des poules. Pas de coq, il réveillerait tout le quartier, et il y a de nombreux grincheux qui iraient se plaindre au maire.
Je vous racontais donc que c’est dimanche, et Pépé a revêtu son costume et sa chemise blanche. J’ai cru au début qu’il allait à la messe. J’étais étonnée, parce qu’il jurait comme un beau diable, mais bon, ce n’est pas parce qu’on jure qu’on n’est pas chrétien, il paraît. D’ailleurs, le curé que j’aime bien, il manie les gros mots comme dit maman à tour de bras.
— Bonjour pépé, tu pars à la messe ? Tu feras une prière pour moi ?
— Tu veux que je t’avoue quelque chose MarieSophe ?
J’adorais quand il m’affublait de ce surnom. Il était synonyme de tendresse, de « Je vais te dire un secret, mais tu ne le racontes à personne », de complicité et d’entente entre nous. Je levais la main :
— Promis, juré, craché !
— Je ne vais pas à la messe. D’ailleurs, si tu faisais attention, tu saurais que les cloches ont sonné la fin de l’office.
— Ah bon ? Elles carillonnent différemment ?
— Peu importe, je te dis qu’elle va sortir, et qu’elle va aller chercher sa pâtisserie préférée chez Angèle.
— Mais qui ?
— Célestine, voyons ! De qui veux-tu que je te parle. Viens avec moi, et fais-toi discrète, sinon, je vais être en retard. Je te raconte en route.
Je lui emboitais donc le pas. Il avançait vite le bougre pour son âge. Il tourna la tête vers moi et sourit :
— Si tu marchais davantage au lieu d’enfourcher ton scooter pour un oui ou pour un non, tu arriverais à maintenir ma cadence.
— C’est que je travaille moi, je ne suis pas toujours dehors à crapahuter.
Il se mit à rire et ralentit le pas. J’ai tout d’abord cru que ce n’était pour moi. Mais pas du tout. Il s’épongea discrètement le front et les mains avec son beau mouchoir à carreaux qui fleurait bon son eau de toilette Moustache de Rochas (je le sais, papa a le même, et c’est moi qui lui en rachète pour sa fête des Pères) et reprit son souffle. Une fois sa respiration redevenue normale, il redressa la tête et s’avança vers la place. Les fidèles sortaient de l’église et se congratulaient à qui mieux mieux :
— Comment vas-tu depuis la dernière fois ?
— Ah votre jambe vous fait encore souffrir ?
— Il y avait la queue hier chez le médecin.
— Le pauvre, il a passé l’arme à gauche, bientôt, il ne restera plus personne…
Comment voulez-vous qu’on la remplisse cette église, tout le monde se plaint, ignore parfois son voisin ou en dit du mal alors que quelques minutes avant, ils se serraient la main pour le signe de paix.
Je souris bien malgré moi, en regardant tout de même pépé qui mine de rien, se rapproche de la pâtisserie. Il fait celui qui ne s’intéresse à rien quand soudain, je la vois, son amoureuse.
Célestine Castille ! Quelle charmante vieille dame. Je souhaiterais bien avancer dans l’âge comme elle.
— Elle a de la classe hein !
Ce n’est même pas une question, mais bien une affirmation que me chuchote pépé que je n’ai pas attendu approcher. J’acquiesce de la tête sans mot dire. Je suis subjuguée par cette mamie, toute de rose poudrée vêtue, jusqu’aux escarpins assortis. En passant devant moi, je respire le parfum Calèche d’Hermès.
Pépé se remet en route en sens inverse.
— Quoi ? C’est tout ? Tu ne lui parles pas ? Tu t’es habillé tout beau pour rien ?
— Tu ne crois tout de même pas qu’une femme de cette classe va me regarder !
J’ouvris grand les yeux, essayant d’avertir pépé quand Célestine Castille lui tapa sur l’épaule :
— Accepteriez-vous de partager mes éclairs au chocolat ? Vers 16 heures, l’heure du goûter ? Vous connaissez mon adresse, je serais heureuse de vous accueillir.
Sans attendre une réponse qui de toute façon ne viendrait pas, pépé étant statufié, elle fit demi-tour et droite comme un I repartit chez elle.
J’embrassais pépé et le prenais par le bras pour le ramener chez lui.
— Ohé, tu redescends sur terre. Allez retourne chez toi manger un morceau et ne te goinfre pas trop. Tu as un éclair au chocolat en dessert avec ta belle.
Il se laissa emmener sans mot dire, très digne, comme si d’un coup, l’invitation avait fait de lui un autre homme. Arrivé devant chez lui, il murmura :
— Ah ben ça alors ! Tu as compris quelque chose toi ?
— Oui, elle t’avait remarqué tout simplement. Allez, je file tu me raconteras.
Je l’abandonnais devant sa porte et traversais la rue pour rentrer chez moi. Le poulet rôti fleurait bon ainsi que les cèpes qui les accompagnaient. J’en avais déjà l’eau à la bouche. Qu’est-ce qu’on est bien avec les parents. Il faudrait quand même que je pense à…
— C’est gentil d’emmener votre voisin à l’église.
Stoppée dans mon élan, je n’osais me retourner. Deux miracles dans la même matinée, impossible, je vais me réveiller. Il n’allait quand même pas me proposer aussi un éclair, Florent, le beau gosse d’en face !
— Vous aimez le chocolat ?


© Minibulle 25/10/2019

samedi 19 octobre 2019

Marie-Sophie (MarieSophe pour les intimes)



Vous ne vous êtes jamais demandé « qu’est-ce que je vais bien écrire aujourd’hui ? »
Moi, si ! Je m’appelle Marie-Sophie (MarieSophe pour les intimes et ne rajoutez pas sauf quoi, ça m’agace !) et je ne peux m’empêcher de poser des mots les uns derrière les autres. Je me suis rendu compte qu’une fois mis bout à bout dans le bon ordre, ces mots faisaient des phrases. Ce qui est génial, c’est que ces phrases reliées entre elles, elles racontaient une histoire.
 J’ai toujours un carnet sur moi, un crayon. Enfin, quand je dis un carnet, je dirais plutôt, un cahier. Mais pas n’importe lequel, le cahier, non, un de collection. Vous savez, celui avec une belle illustration dessus. Lorsque je vais dans une librairie-papeterie, oui parce que dans une librairie je n’y trouverais que des livres, même s’ils font mon bonheur, j’ai l’envie qui me démange d’aller fureter au rayon des crayons et des cahiers. J’en ai toute une collection, des petits, des grands, à petits et grands carreaux, à spirale, de couleurs.
J’ai la vingtaine et… bon OK, je frôle la trentaine, et il faut toujours que je la ramène. Je bosse dans un bureau. Je suis assistante de direction. J’assiste la direction. C’est quoi encore cette expression ? La direction n’a pas besoin d’être assistée vu qu’elle a toujours raison. Mais c’est écrit sur ma fiche de paie, assistante de direction. Donc j’assiste aux réunions, je planifie des rendez-vous, je fais marcher la machine à café pour le directeur (ça oui, je l’assiste), je fais tampon entre lui et… bref je suis entre le marteau et l’enclume, entre l’arbre et l’écorce ou assise entre deux chaises, vous avez compris ? Heureusement, je ne me laisse pas faire. Je ne suis pas une assistée moi !
J’adore regarder les collègues et n’en faire qu’une bouchée… sur mon papier. J’ai des carnets de notes sur eux et croyez-moi, ça vaut de l’or, si j’insiste.

Ce matin, je regardais par la fenêtre, c’est samedi, je n’assiste personne.
Ciel bleu, quelques nuages…

— Tu ne peux pas me prêter tes pinces ?
Je me penche. J’essaie d’être discrète ! C’est Charles, le voisin. C’est vrai qu’il est toujours mal coiffé et j’imagine qu’il a laissé ses doigts dans une prise encore ce matin. Ses cheveux sont dressés, je ne vous dis pas comment. Soit, il a mis une tonne de gel pour qu’ils tiennent ainsi, ou je ne sais pas qui lui a prêté des pinces pour que ça tienne. En tout cas, elles sont bien invisibles ces barrettes, je voudrais les mêmes.
— Alors, c’est oui ou non ?
Apparemment, il n’a pas eu ses pinces. Alors comment tiennent ses cheveux gris comme ça ! C’est du grand art. Je ne peux m’empêcher de le prendre en photo avec mon téléphone pour zoomer et bien regarder comment il fait. Mon Dieu qu’il est moche, vu de si près. J’efface en vitesse. Vous ne voyez pas qu’après on imagine que c’est mon mec. Parce que les copines pour ça, elles sont trop fortes. Mine de rien, elles zieutent ton portable et paf, elles découvrent une photo et ça y est c’est parti, elles se montent le scénario.
— T’es allé les acheter ou quoi ?
Le père Charles s’énerve. Mais qu’est-ce qu’il veut encore ? Elle est top ta coiffure, pépé, ne la ramène pas.
— J’arrive !
Là, je m’écarte vivement de la fenêtre. C’est Florent, celui dont la fenêtre donne sur ma chambre. Pas de toison grise, lui ! Plutôt noire comme le corbeau. Et des yeux à tomber par terre. Je les ais vus sur son compte Instagram. À chaque fois que je le croise, je n’ose même pas le regarder. Lui, il ne me calcule même pas.
— Tiens prends les ! C’est encore ta voiture qui fait des siennes ?
Qu’est-ce que la vieille Peugeot de Charles vient faire là-dedans. Je ne vous ai pas dit, je suis aussi très curieuse !
— Je n’arrive pas à la faire démarrer, je ne voudrais pas en changer, je n’ai pas les sous.
Tu parles Charles ! Bien sûr qu’il a de l’argent, mais ça, il n’y a que moi qui le sais. Bon alors, ces pinces ?
— Tu branches ?
— Je démarre !
Non ? Des pinces pour la batterie ? Il ne pouvait pas parler de câble comme tout le monde ?
Quand je vous disais que les mots c’était important ! 


mercredi 2 octobre 2019

Amour toujours


Logorallye écrit avec des mots proposés dont le thème était l’horreur, le fantastique.

Plic ploc, plic ploc. Encore cette satanée gouttière pensa Josette.
Quelle déchéance ! Elle vivait dans cette bicoque délabrée alors qu’avant…

Même sous la torture, elle ne dirait rien. Elle ne la supportait plus cette maison. Abandonnée de tous, elle vivotait. Pourtant, à bien y regarder, elle n’était pas moche cette baraque. C’était tout ce qu’on lui avait proposé. Elle était arrivée dans cet endroit, les mains sanguinolentes qu’elle avait difficilement cachées. Le flic souhaitait la protéger, tu parles ! Il voulait coffrer son homme. Elle, elle l’aimait. Elle refusait qu’on lui fasse du mal mais lui s’était-il posé la question quand il la mettait au supplice ? Elle mourrait de trouille quand il rentrait, elle en avait le cerveau en destruction, et lui, il avait le sourire enjôleur, toujours ! À chaque fois, elle y croyait ! Il n’allait plus braquer, il allait s’assagir, il lui promettait. À quand sa rédemption ? Parfois, ça durait un mois, quelquefois deux où ils étaient un couple normal. Il n’y avait jamais eu de crimes, il lui avait juré. Et puis un jour…
Ils étaient tous les deux en train de scier du bois pour l’hiver. Jeremy maniait la tronçonneuse comme un chef. Josette se rappelait encore, le parfum de résine qui se dégageait de l’arbre coupé. Le bonheur était à portée de mains, elle y croyait. Et puis tout avait dérapé !
Quelle abomination ce voisin ! Il lui tournait autour. Elle s’en était bien rendu compte, mais elle n’avait pas voulu en parler. Elle aurait dû ! Quand il avait débarqué dans la forêt pour proposer son aide avec ses sourires mielleux à la façon d’un représentant de dentifrice, elle avait bien compris que Jeremy soufflait. Elle le vit déposer calmement son outil au sol, oubliant volontairement de l’éteindre. Il s’avança, bouscula ce con de voisin, puis s’approcha de lui, le renifla à la manière d’un vampire, terrorisant l’homme qui tenta de rigoler. Bien mal lui en pris ! L’égorgement ne dura qu’une minute. Il tomba sur la tronçonneuse qui fit son travail. Pas besoin de cordelette. Il était mort. À ce moment précis, Josette détesta Jeremy. Il avait tout bousillé. Elle avait cru qu’il regretterait. Même pas ! La haine la submergea. C’était ça l’exécration ? Jamais, elle n’avait connu ce sentiment qui la dévorait.
Comme dans un brouillard elle le vit, creuser un trou et l’enterrer sans une once de remords. Bêtement, elle pensa aux papiers administratifs qu’il faudrait fournir, puis elle éclata de rire comme une folle. La faucheuse était passée pour ce pauvre voisin qui avait eu le malheur de craquer sur elle.
Quand Jeremy l’entraîna avec lui, elle le suivit comme un zombie qu’elle était devenue. Les jours d’après furent tellement angoissants que ses viscères se tordaient à chaque fois qu’elle entendait une voiture rouler devant chez eux.
Et tout recommença. Ses copains débarquèrent, et il étala des plans sur la table, il se reprit à étudier les allées et venues des gardiens de sécurité. Quelle damnation cet homme ! il fallait qu’elle parte !
Mais où s’enfuir ? Il y avait longtemps qu’elle n’avait plus de famille. Depuis qu’il était entré dans sa vie, si elle y réfléchissait bien. Alors qu’elle était une gosse de riches, une fille à papa, qu’elle pouvait prétendre à un héritage fabuleux, elle avait choisi le mauvais chemin.
Comme disait son père, elle avait plus que pêché, elle méritait la lapidation. On ne se lie pas avec un voyou, même s’il est le meilleur, et qu’il a l’air d’un gentleman.

— T’inquiète pas bébé, ça va aller comme sur des roulettes. Ce n’est pas encore aujourd’hui que tu iras au cimetière creuser ma tombe.
Elle avait horreur de ce surnom. Bébé, comme dans le film Dirty dancing, qu’elle adorait parce qu’il la faisait rêver et que les musiques l’enivraient.
Elle n’en pouvait plus de cet écartèlement, soit quitter son dangereux amour, soit retourner chez son père, où aucun gourdin ne l’attendait caché derrière la porte.
Sauf que ça n’avait pas tourné comme Jeremy l’avait prédit. Quand elle le vit revenir chez eux, le visage en sang et des plaies purulentes sur le torse, elle crut vivre les tréfonds de l’enfer.
Comment le soigner ? Plus de copains à l’horizon, ils étaient seuls. Il ne voulait pas entendre parler de médecin, et il se mit à délirer.
Alors elle appela son père au secours. Quand on a de l’argent, c’est tellement facile de faire jouer ses relations. L’enlèvement de Jeremy vers une clinique privée ne posa aucun problème.
Le regard noir de son paternel la cloua sur place.
— S’il ne tenait qu’à moi, je demanderais qu’il soit éviscéré. Ainsi, il ne te causerait plus de soucis.
Elle savait qu’il n’en ferait rien, parce qu’elle était sa fille unique et qu’il l’aimait. La preuve, il était accouru à son appel.
— Je t’interdis de prendre de ses nouvelles, laisse-moi faire.

Elle errait seule comme une âme en peine. Elle se sentait démembrée sans lui. Une partie d’elle était partie avec lui.
Quand le flic débarqua chez elle, comme un charognard qui guette sa proie, elle faillit ne pas ouvrir. Il fallait qu’il ne se doute de rien. Après tout, elle n’avait rien à se reprocher.
— Connaissez-vous un certain Jeremy Depain ?
— Vous pourriez au moins dire bonjour.
Elle cherchait à gagner du temps parce qu’elle ne savait pas quoi lui répondre.
— Dommage qu’une jolie femme comme vous copine avec un homme toxique comme lui. Mais vous avez raison, restons polis. Je suis le capitaine Malpartout.
Elle faillit éclater de rire. Il ne manquerait plus qu’il s’appelle Roger, pensa-t-elle. Roger Malpartout, ça sonne bien. Mais elle réussit à garder son sérieux.
— J’aimerais que vous veniez avec moi. J’ai quelqu’un à vous montrer. Enfin, je ne vous demande pas votre avis, suivez-moi.
Elle obtempéra. De toute façon, comment résister à un capitaine de police qui a mal partout.
— Je vous emmène à la morgue et vous allez me dire si vous reconnaissez un corps avant son autopsie.
Les jambes flageolantes, elle suivit le policier, sans piper un mot.
Les locaux étaient glacials et laids. On ne pouvait pas demander non plus qu’il y ait des fleurs et des coussins moelleux disséminés ici et là dans un endroit pareil. La table avec les scalpels qui attendaient sagement de se rendre utiles, lui fit froid dans le dos.
Un tiroir qu’on ouvre, une forme allongée encore recouverte. Elle respira à fond.
— Je vous présente votre petit copain Jeremy Depain.
Il souleva brutalement le drap blanc. Aucune expression ne filtra sur le visage de Josette.
— Je ne connais pas cet homme. Du reste, je vois mal comment je pourrais donner un avis.
— C’est vrai qu’il n’est pas beau. On dirait qu’il s’est fait dévorer par un cannibale.
Comment pouvait-il le savoir ? Elle, elle n’avait jamais rencontré de cannibale à l’action. À ce moment-là, une porte claqua violemment et deux hommes entrèrent. Ils étaient coiffés de grands chapeaux de cow-boys et des bandanas cachaient la moitié de leur physionomie.
Le capitaine Malpartout n’eut pas le temps de porter la main à son arme que sa tête volait en éclats. Josette pétrifiée sentit qu’on la tirait par le bras et qu’on lui essuyait son visage ensanglanté par les éclaboussures de sang.
Elle avait du mal à suivre les deux individus. Finalement, l’un des deux la souleva comme une plume et la balança sur son épaule comme un vulgaire sac de patates. Elle eut le temps de voir un camion bétonnière qui passait devant eux à toute allure et de penser que le capitaine allait vraiment avoir mal partout et puis plus rien.

Plic ploc plic ploc. Elle était encore seule. Elle ne savait pas qui étaient les hommes qui l’avaient sauvée. Son père était passé pour lui dire que ce capitaine venait pour la protéger. Elle n’y croyait toujours pas. Quand elle avait raconté ce qui s’était déroulé à la morgue, il avait hoché la tête, surpris. Il n’y était pour rien. Par contre, ce qu’il avait à lui annoncer était plus ennuyeux. Jeremy devait subir une trépanation. Il ajouta qu’il aurait préféré une décapitation, mais, il paraît que ça ne se faisait plus, il s’était incliné. Il risquait de perdre la mémoire.
— Il ne va plus se souvenir de moi ? osa-t-elle demander
— Ce serait une bonne chose en effet !
— Peut-être aussi qu’il ne pensera plus à tous ses braquages, espérait-elle.

Josette dormait à poings fermés quand un hurlement la réveilla en sursaut. Elle se leva en hâte et regarda par la fenêtre.
Quand il entra dans la pièce, elle n’eut même pas peur. Il était magnifique ce loup-garou, elle le reconnut immédiatement. Voilà ce qu’ils en avaient fait avec leur putain de trépanation. Il la souleva comme un fétu de paille et le clair de lune les vit s’enfuir dans la nature. Josette pensa que son nouveau parfum d’animal sauvage qui ressemblait plus à de la putréfaction allait la déranger. Il faudrait qu’il en change. Elle se blottit quand même contre sa fourrure pour avoir plus chaud, elle ne portait qu’une nuisette.

mardi 1 octobre 2019

Drôles de rencontres en Octobre


Tout le monde le sait, octobre est triste. Il fait froid. Il fait gris. J’entends les oies repartir vers le soleil. Je dois ressortir mon manteau, le bonnet. À la fin du mois, Halloween et ses citrouilles feront leur apparition et d’horribles monstres viendront frapper à ma porte pour avoir des bonbons.

Un peu d’optimisme que diable ! Surtout que je n’ai pas encore remis le manteau et que le soleil brille encore !



Et si… J’imaginais une rencontre entre trois personnes nées en octobre…

Gilbert avait 37 ans quand il la découvrit chantant dans un dessin de craie. Comme Bert, il la reconnut à son chapeau. Il la suivit alors qu’elle accompagnait les enfants dans le parc. Il la vit parler à un chien qui lui répondit. Comment était-ce possible ?

Elle ne s’appelait pas Nathalie, mais Julie, et pourtant elle était belle comme son guide quand elle lui indiquait le chemin pour aller sur la place rouge. Il osa l’accoster :

— Je suis perdu, pourriez-vous m’expliquer où sont les marchés de Provence ?
Elle passa son chemin et grimpa sur les toits en fredonnant « chem cheminée chem chem cherie »

 Et maintenant que vais-je faire ? pensa-t-il. Il aperçut alors un fleuriste, il osa lui acheter une rose.
Il courut derrière elle, mais comment faire pour grimper par la gouttière. Il n’était pas ramoneur. Il croisa un garçon qui avait piqué une orange. Le pauvre criait que ce n’était pas lui qui l’avait volée au marchand.
Julie du haut de son toit le consola en lui fredonnant « c’est le morceau de sucre qui aide la médecine à couler ». Le gamin lui sourit et lui, agile comme un singe, la rejoignit. Il en avait profité pour piquer la rose à Gilbert et lui chanter que c’était ça l’important.

Resté seul en bas, il contempla Louis, qui attablé devant un café lui murmura « il n’y a pas d’amour heureux », elle avait entendu et lui répondit du ciel « supercalifragilisticexpialidocious ».
— Mais qu’est-ce que ça veut dire ? demanda Gilbert.
— C’est un mot qui remplace tous les autres quand vous ne savez pas quoi dire, cria-t-elle.
— « Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son cœur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux » l’homme répétait son poème sans s’occuper des passants. Il pensait à Elsa sa femme.

— Vous savez que la solitude, ça n’existe pas ? osa lui dire Gilbert.
Louis ne leva même pas les yeux, alors qu’un oiseau de toutes les couleurs se posait sur son épaule.

Julie Andrews 1er octobre 1935
Gilbert Bécaud 24 octobre 1927 – 18 décembre 2001
Louis Aragon 3 octobre 1897 – 24 décembre 1982