Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

jeudi 29 mars 2018

Un mois plus tard - Félicie

Illustratrice http://www.annejulie-art.com

Un mois plus tard…
Félicie était seule chez elle. Elle avait posé quelques jours de congés. Elle tournait en rond comme un lion dans sa cage et ça ne lui ressemblait pas du tout. Comment faire ? Les questions et les réponses s’emmêlaient dans sa tête. Voilà un mois qu’elle était mal dans sa peau… Au boulot, elle ne se reconnaissait pas. Elle si bavarde et souriante avec ses collègues, elle ressemblait maintenant à un bonnet de nuit. Son binôme, « sœur sourire » ne cessait de lui faire de l’œil en attendant les confidences, et comme Félicie restait muette, la tension devenait palpable dans le bureau.

Jasmin et son amie Muguette ne vivaient toujours pas ensemble. C’était compliqué de ce côté-là. Ils avaient tous les deux un fort caractère et son amie ne se laissait pas faire. Félicie avait cru bêtement que leur couple était officiel … Tu parles ! C’est qu’elle ne voulait pas lâcher son indépendance comme ça Muguette !
Jasmin de son côté avec son caractère à vouloir tout et tout de suite sous prétexte que… Il avait d’ailleurs toujours de bons prétextes pour décider à la place de son amie. Et ça Muguette ne l’acceptait pas du tout. Alors, ils vivaient toujours chacun de leur côté.

Quant à Prune… Un mari architecte, un fils adolescent en pleine crise, elle n’avait guère le temps pour ses amies. Toujours en vadrouille : soit elle faisait ses courses, soit elle était à la piscine, quand elle n’était pas au bureau de son mari pour l’aider au secrétariat. Une super bonne femme, Prune !

Le téléphone l’interrompit dans ses pensées.
̶  Bonjour ma belle !
̶  Ah bonjour Muguette, justement je pensais à toi.
̶  Tu m’ouvres ? Je suis devant ta porte.
Félicie posa son portable et alla ouvrir la porte.
̶  Je ne te dérange pas au moins ? Je sais que tu es en vacances et … Mais tu vas bien ?
Muguette regarda son amie et lui trouva mauvaise mine.
̶ Tu me sembles bien tristounette dis -moi !
̶  Hum !
̶  Alors raconte ! Qu’est-ce qui ne va pas ma bichette ?
Muguette pouvait avoir un caractère de cochon, mais elle avait des antennes pour reconnaître quand son amie allait mal.
̶  Viens t’asseoir, ou tu veux que je te fasse un chocolat, le remède à tous les maux.
̶  Pas trop envie !
̶  Alors ça va vraiment mal ! Tu racontes ?
Félicie s’assit alors sur la banquette et comme elles en avaient l’habitude depuis des années, elle posa sa tête sur les genoux de Muguette. C’était sa position favorite quand elle avait quelque chose à dire et qu’elle ne voulait pas que son amie la regarde.
̶  Toi, tu as quelque chose de grave à me raconter… je t’écoute !
̶  Mais tu es venue comme ça ? demanda Félicie en se relevant et en regardant son amie.
̶  Oui… J’ai senti…
Muguette se gratta le bout du nez en obligeant son amie à reprendre sa position fétiche.
̶  Raconte …
̶  C’est difficile…
Muguette se tut et attendit. Elle savait parfaitement qu’il ne fallait pas la brusquer. Elle, qui pourtant ne pouvait pas tenir en place, savait se taire et être patiente avec son amie.
Un énorme soupir, une main qui attrape une autre main et la serre…
̶  Au boulot, c’est compliqué…
̶  A cause de Jasmin ?
̶  Non… Enfin si… d’une certaine façon…
̶  Il te parle de moi ?
̶  Non, ce n’est pas ça … mais … tu sais le fameux lundi après la diffusion de la vidéo, et qu’il nous a tous réunis dans la salle de réunion…Il a fait allusion à sa vie privée et à une collègue… et …en fait, il n’a pas dit qu’il s’agissait de moi mais les autres, le croient… et …
̶  Attends, je ne comprends rien Félicie, qu’est-ce-que tu essaies de me dire ?
̶  Jasmin a parlé de la vidéo, qu’il ne fallait pas raconter n’importe quoi sur la collègue qui était dessus, c’est-à-dire moi... Mais en fait, tous croient que j’ai une histoire avec lui.
̶  Et ?
̶  Pour avoir la paix, j’ai dit que je n’aimais pas les hommes !
̶  Là au moins tu leur en a bouché un coin ! Pour le coup, tu vas avoir la paix !
̶  Tu ne comprends pas Mug … Je n’aime vraiment pas les hommes !
̶  Ben oui, je sais !
Félicie se releva brusquement. Si brusquement qu’un vertige la saisit et qu’elle dut se caler le dos dans le canapé et respirer profondément afin que le malaise disparaisse.
̶  Comment ça tu sais ?
̶  Depuis toujours je le sais que tu n’aimes pas les hommes. C’est un problème ?
̶  Mais tu ne me l’as jamais dit.
̶  Quoi ? Que tu n’aimais pas les hommes ? Tu le savais non ?
Muguette sourit et les rôles s’inversèrent, Félicie s’énerva :
̶  Quand même, tu aurais pu me le dire, ça fait un mois que je ne sais pas comment t’en parler !
̶  Un mois que tu te prends la tête pour un truc que je sais déjà ? Hey, Félicie, atterris un peu ! Depuis quand, on prend des gants pour se dire les choses ? Tu aimes les filles, point !
̶  Mais… Comment tu sais ça ?  Je te jure que … entre toi et moi…
̶ Oui ça va, ça aussi je le sais que tu m’aimes comme une amie et pas comme une amoureuse…
Félicie regarda son amie et la découvrit telle qu’elle était : une véritable amie avec un sale caractère soit ! mais sans jugement aucun, la crinière en bataille comme à l’accoutumée, un sourire juste esquissé, et un regard qui ne laissait aucun doute sur ses pensées.
̶  On le fait ce chocolat, reprit la jeune femme, je le prépare si tu veux !
̶  Oui je veux bien, j’en ai envie maintenant !
Elles se rejoignirent dans la cuisine et Félicie ouvrit le placard à la recherche du chocolat.
̶  Donc, reprit Muguette, il est où le problème ?
̶  En fait, il n’y en pas …
Elles éclatèrent de rire toutes les deux et continuèrent la préparation du chocolat.
̶ Tu es certaine que tu ne me caches rien, reprit Muguette, la tasse du breuvage fumant dans la main ?
̶  C’est-à-dire …
̶  Je la connais ?
̶  Mais Muguette, comment tu sais ?
̶  C’est écrit au milieu de ta figure … Bon, tu me la présentes quand ?
̶  C’est Prune !
Muguette lâcha sa tasse et murmura :
̶  Alors là ma Félie ! Elle avait retrouvé spontanément le surnom qu’elle lui donnait dans les cas graves !

samedi 17 mars 2018

Petit Paul attend le printemps

Les parents de Petit Paul ne cessent de lui répéter d’aller jouer dehors, le printemps va arriver. Mais le petit garçon planté devant le portail regarde de tous les côtés, et il ne voit personne.

̶            Dis papa, c’est quoi le printemps ? C’est quand qu’il arrive ? Il vient en voiture ?
Papa sourit et répond patiemment :
̶            C’est une saison. Tu sais, comme l’hiver.
̶            Oui, comme aujourd’hui qu’ il fait froid. Je n’aime pas l’hiver, il faut toujours mettre son manteau, ses gants, son écharpe, son bonnet, moi je préfère être en short.
̶            Tu connais les autres ?
̶            Les autres quoi ?
̶            Les saisons ?
̶            C’est quoi les saisons ?
Papa soupire. Tellement fort que Petit Paul a l’impression que les feuilles de l’arbre ont bougé. Il se met à rire.
̶            Pourquoi tu ris ?
̶            T’as fait bouger les feuilles en soufflant.
̶            Mais non c’est le vent !
̶            Alors c’est quoi le printemps ? reprend Petit Paul bien décidé à ne pas lâcher son papa.
̶            Je t’ai répondu, une saison, comme l’hiver, l’automne et …
̶            C’est quoi l’automne ?
̶            Quand les feuilles tombent et que la nature change de couleur.
̶            Pourquoi elle change de couleur ?
̶            Parce que c’est l’automne. Papa se rend compte que sa réponse n’est pas très maligne. Il reprend :
̶            Il y a aussi l’été comme saison, tu sais quand il fait chaud et que tu vas dans la piscine.
̶            Alors le printemps, ce n’est pas quelqu’un ?
̶            Quelqu’un ? tu veux dire quoi là Petit Paul ?
̶            Toi et maman vous me dites d’attendre le printemps dehors, je croyais que c’était comme quand tu me disais d’aller attendre Papy et Mamy, j’attendais au portail, mais en fait, il n’y a personne qui va venir. Je pouvais attendre longtemps moi !
̶            Le printemps c’est la nature qui change. Ecoute… tu entends ?
̶            Quoi ?
̶            Ecoute bien…
̶            J’entends rien.
̶            Ecoute mieux, tu n’entends pas les oiseaux ?
̶            C’est quoi ?
̶            Le merle. Il siffle, tu entends ça ? Il fait ses vocalises.
̶            C’est quoi des vocalises ?
̶            C’est quand il chante sur plusieurs tons, écoute, il siffle rudement bien.
̶            C’est ça le printemps ?
̶            Je te sens déçu !
̶            Ben je croyais que c’était quelqu’un qui allait arriver…
̶            Regarde les fleurs qui sortent de terre c’est un peu comme quelqu’un qui arrive. Quand j’ai planté les bulbes…
̶            C’est quoi les bulbes ?
̶            Attends, laisse-moi finir, et je te montrerai. Je disais, quand j’ai planté les bulbes en automne, j’ai attendu longtemps, et tu vois ma patience est récompensée, elles sortent de terre parce que ça va être le printemps, elles, elles le savent.  Tu vois là, les fleurs jaunes ? Ceux sont les jonquilles et celles avec de l’orange c’est les narcisses,
̶            Et celles-là, les roses et violettes ?
̶            Les jacinthes. Respire leur parfum. Tu aimes ?
Petit Paul prend sa respiration et met son nez dans les fleurs. Il éternua et éclata de rire.
̶            Elles me chatouillent, c’est tout doux !
̶            Et puis, le printemps c’est aussi, l’herbe qui pousse sur les pelouses, regarde, je vais devoir passer la tondeuse. La nature se réveille petit à petit. Les oiseaux font leur nid. Regarde les tourterelles, écoute-les roucouler. Les arbres se couvrent de fleurs petit à petit, le forsythia est tout jaune et le seringa se remplume, regarde, il devient tout vert et là tu vois, il y a les bourgeons qui donneront des fleurs. Tout en parlant, Papa montre à son petit garçon les arbustes fleuris, les oiseaux posés sur la margelle du puits, puis il respire à plein poumons les bras levés vers le ciel et dit :
̶            Tu le sens ce printemps qui arrive ? Dans l’air ce n’est pas pareil…
Petit Paul est sceptique. Il respire lui aussi les bras levés et ne sent pas trop la différence avec hier, mais il ne veut pas faire de peine à son papa qui a l’air si content de lui. D’un coup, il lève le nez et dit :
̶            Hum !  Tu crois que c’est le printemps cette odeur ?
Papa sourit.
̶            Non, ça je crois que c’est le gâteau au chocolat de maman.
̶            C’est bien aussi, et c’est à n’importe quelle … comment tu dis déjà ciseau ?
̶            Non, saison !
̶            C’est à n’importe quelle saison le gâteau au chocolat !
̶            Peut-être qu’elle veut fêter le printemps à sa manière. Alors, tu as compris ce que c’est le printemps ?
̶            Oui, c’est une … saison … comme l’hiver, l’été, l’automne. Et on le voit parce que les arbres remettent des feuilles, que les fleurs sortent de la terre et que les oiseaux chantent.
̶            Je vois que tu as bien compris. Tu es un champion !
̶            Dis c’est quoi les bulbes ?
  

mercredi 7 mars 2018

Enfin !



Le lundi matin quand Félicie arriva à son travail, intuitive et sensible aux atmosphères, elle sentit immédiatement que l’ambiance n’était pas la même que les autres jours. Tout d’abord, quand elle entra dans son bureau, son binôme lui fit un clin d’œil en souriant. Pour une fille dont le surnom était « sœur sourire » car il se faisait plutôt rare, c’était plus qu’étonnant.  Puis c’est à la machine à café qu’elle ne comprit pas pourquoi les conversations cessèrent à son arrivée. Comme elle n’avait pas l’habitude de se taire, elle interrogea à la ronde :
̶  Je vous dérange ?
Au silence qui suivit sa question, elle éclata de rire :
̶  Vous avez perdu votre langue pendant le week-end ?
̶  En tout cas toi, tu n’as pas perdu ton temps ! répondit sèchement un de ses collègues.
̶  Pardon ? demanda surprise Félicie en touillant son café, tu veux me dire quelque chose ?
̶  Le patron débarque ici et tu sors avec lui, bravo ! 
Félicie s’étrangla avec son café et faillit le renverser sur elle. C’est à ce moment que choisit Jasmin de la Rochefleurie pour venir prendre un café. Il les salua froidement.  Dans un silence pesant, il se servit tranquillement et sans un regard pour ses collègues, il les somma de le retrouver dans la salle de réunion. Qu’ils fassent passer le message.
Aucun ne pipa mot et quittèrent la pièce en silence. 
Muguette était en retard et en plus sa voiture ne voulait pas démarrer. Elle allait devoir se résoudre à enfourcher son vélo pour partir au métro. Rien qu’à l’idée de le laisser même avec un anti-vol, elle était stressée. Elle savait qu’elle avait peu de chance de le retrouver le soir. Elle appela Prune.
̶  Désolée de te déranger, mais j’ai la voiture en panne.
̶  Tu veux que je t’emmène au métro ?
̶  Ce serait chouette si ça ne te dérange pas.
̶  J’arrive !
Son téléphone sonna au même moment. Un coup d’œil sur l’écran, elle décrocha aussitôt :
̶  Jasmin ? J’ai essayé de vous appeler toute la journée hier…
̶  Tu me laisses parler, tu veux bien ?
̶  On se tutoie ?
̶  J’ai peu de temps Muguette. J’ai une réunion dans dix minutes. Je…
̶  Je suis désolée pour le rendez-vous, mon téléphone était déchargé et mon chargeur…
̶  Tu veux bien que l’on se retrouve au même endroit ce soir vers 18 heures ?
̶  Mais …
̶  Tu veux ? ou pas ?
̶  Oui, d’accord !
̶  Je sais Muguette pourquoi tu as réagi comme ça, je ne peux pas t’en vouloir.
̶  C’est vrai tu ne m’en veux pas ?
̶  Je n’ai pas le temps de t’en dire plus, je raccroche, à ce soir !
Prune sonnait à la porte, Muguette enfila son manteau et après l’avoir embrassée, la suivit à sa voiture.

̶  Veuillez m’excuser de vous voir tous réunis ce matin, chose inhabituelle de de ma part, sans vous avoir au préalable prévenu par courriel, mais il circule depuis samedi une vidéo sur moi-même et sur une de vos collègues et je voulais mettre les choses au clair. C’est un gamin qui a filmé une discussion sur le parking de la piscine et il n’aurait pas dû le faire. La vidéo est supprimée et je compte sur vous pour ne pas raconter n’importe quoi sur mon compte et sur votre collègue. Nous sommes tous des adultes, nous sommes fonctionnaires, nous avons du travail et pas le temps de nous distraire avec des bêtises. N’est-ce pas Mme Deporte ? Il se tourna vers son adjointe qui rougit. Je compte aussi sur vous pour faire cesser les commérages, je sais que vous n’aimez pas cela, c’est ce que vous me disiez samedi, quand vous m’avez « convoqué » un peu cavalièrement dans un bar. Je comprends tout à fait que vous ayez été surprise de voir divulguée ma vie privée sur les réseaux sociaux et je comprendrais aussi que vous me présentiez votre démission ou que vous désiriez postuler ailleurs.  L’incident est clos. Vous pouvez retourner à vos tâches habituelles.
̶  Mon plan a échoué murmura Cunégonde Deporte à une collègue qui la suivait de près.
̶ Je t’avais prévenue. On ne devient pas directeur comme ça ! C’est qu’il en a dans la tête le chef ! Et toi, tu vas devoir donner ta démission.
Elle posa la main sur son épaule puis rentra dans son bureau. Cunégonde resta seule.

̶  C’est vrai que tu sors avec le directeur ?
̶  Mais tu n’as rien compris ma parole !
̶  Il n’a pas dit que tu n’étais pas sa petite amie, il a juste dit que la vidéo parlait de lui et une de ses collègues c’est-à-dire toi, et qu’il ne fallait pas raconter n’importe quoi, c’est tout !
̶  Mais je ne suis pas sa copine !
̶  Tu peux bien me le dire à moi.
̶  Pourquoi ? on ne se parlait pas jusqu’à aujourd’hui, sauf pour dire « merci de m’avoir passé le dossier » et il faudrait que je te raconte ma vie ?
̶  Allez, dis-moi, s’il est bien au…
̶  Stop ! Tu sais que tout le monde t’appelle « Sœur Sourire » parce que tu ne rigoles jamais et que tu portes un masque triste à longueur de journée ? Non ? Maintenant tu le sais. Fiche -moi, la paix, tout ça ne te regarde pas. On va pouvoir rajouter à ton curriculum  « curieuse comme un pot de chambre ».
̶  Donc tu es bien sa petite amie ?
Excédée, Félicie répondit sans réfléchir :
̶  Non, je n’aime pas les hommes de toute façon !

La journée parut longue à Muguette. Elle avait raconté à Prune dans la voiture qu’elle avait rendez-vous le soir même avec Jasmin. Celle-ci espérait que tout se passerait bien cette fois et que son amie serait heureuse.
Quand elle arriva au bar après une journée à regarder l’heure toutes les cinq minutes, il l’attendait déjà. Il se leva pour l’accueillir.
̶  Vous désirez boire quelque chose ?
̶  Ah, on se vouvoie ?
̶  Si nous recommencions tout depuis le début ?
̶  Je m’appelle Muguette.
̶  Jasmin De la Rochefleurie.
Ils éclatèrent de rire.