Illustratrice http://www.annejulie-art.com
Un mois plus
tard…
Félicie était seule chez elle. Elle avait posé
quelques jours de congés. Elle tournait en rond comme un lion dans sa cage et
ça ne lui ressemblait pas du tout. Comment faire ? Les questions et les
réponses s’emmêlaient dans sa tête. Voilà un mois qu’elle était mal dans sa
peau… Au boulot, elle ne se reconnaissait pas. Elle si bavarde et souriante
avec ses collègues, elle ressemblait maintenant à un bonnet de nuit. Son
binôme, « sœur sourire » ne cessait de lui faire de l’œil en
attendant les confidences, et comme Félicie restait muette, la tension devenait
palpable dans le bureau.
Jasmin et son amie Muguette ne vivaient toujours pas
ensemble. C’était compliqué de ce côté-là. Ils avaient tous les deux un fort
caractère et son amie ne se laissait pas faire. Félicie avait cru bêtement que
leur couple était officiel … Tu parles ! C’est qu’elle ne voulait pas
lâcher son indépendance comme ça Muguette !
Jasmin de son côté avec son caractère à vouloir tout
et tout de suite sous prétexte que… Il avait d’ailleurs toujours de bons
prétextes pour décider à la place de son amie. Et ça Muguette ne l’acceptait
pas du tout. Alors, ils vivaient toujours chacun de leur côté.
Quant à Prune… Un mari architecte, un fils adolescent
en pleine crise, elle n’avait guère le temps pour ses amies. Toujours en
vadrouille : soit elle faisait ses courses, soit elle était à la piscine, quand elle n’était pas au bureau de son mari pour l’aider au secrétariat. Une
super bonne femme, Prune !
Le téléphone l’interrompit dans ses pensées.
̶ Bonjour ma belle !
̶ Ah bonjour Muguette, justement je pensais à toi.
̶ Tu m’ouvres ? Je suis devant ta porte.
Félicie posa son portable et alla ouvrir la porte.
̶ Je ne te dérange pas au moins ? Je sais que
tu es en vacances et … Mais tu vas bien ?
Muguette regarda son amie et lui trouva mauvaise
mine.
̶ Tu me sembles bien tristounette dis -moi !
̶ Hum !
̶ Alors raconte ! Qu’est-ce qui ne va pas ma
bichette ?
Muguette pouvait avoir un caractère de cochon, mais
elle avait des antennes pour reconnaître quand son amie allait mal.
̶ Viens t’asseoir, ou tu veux que je te fasse un
chocolat, le remède à tous les maux.
̶ Pas trop envie !
̶ Alors ça va vraiment mal ! Tu racontes ?
Félicie s’assit alors sur la banquette et comme elles
en avaient l’habitude depuis des années, elle posa sa tête sur les genoux de
Muguette. C’était sa position favorite quand elle avait quelque chose à dire et
qu’elle ne voulait pas que son amie la regarde.
̶ Toi, tu as quelque chose de grave à me raconter…
je t’écoute !
̶ Mais tu es venue comme ça ? demanda Félicie
en se relevant et en regardant son amie.
̶ Oui… J’ai senti…
Muguette se gratta le bout du nez en obligeant son
amie à reprendre sa position fétiche.
̶ Raconte …
̶ C’est difficile…
Muguette se tut et attendit. Elle savait parfaitement
qu’il ne fallait pas la brusquer. Elle, qui pourtant ne pouvait pas tenir en
place, savait se taire et être patiente avec son amie.
Un énorme soupir, une main qui attrape une autre main
et la serre…
̶ Au boulot, c’est compliqué…
̶ A cause de Jasmin ?
̶ Non… Enfin si… d’une certaine façon…
̶ Il te parle de moi ?
̶ Non, ce n’est pas ça … mais … tu sais le fameux
lundi après la diffusion de la vidéo, et qu’il nous a tous réunis dans la salle
de réunion…Il a fait allusion à sa vie privée et à une collègue… et …en fait,
il n’a pas dit qu’il s’agissait de moi mais les autres, le croient… et …
̶ Attends, je ne comprends rien Félicie,
qu’est-ce-que tu essaies de me dire ?
̶ Jasmin a parlé de la vidéo, qu’il ne fallait pas
raconter n’importe quoi sur la collègue qui était dessus, c’est-à-dire moi...
Mais en fait, tous croient que j’ai une histoire avec lui.
̶ Et ?
̶ Pour avoir la paix, j’ai dit que je n’aimais pas
les hommes !
̶ Là au moins tu leur en a bouché un coin !
Pour le coup, tu vas avoir la paix !
̶ Tu ne comprends pas Mug … Je n’aime vraiment pas
les hommes !
̶ Ben oui, je sais !
Félicie se releva
brusquement. Si brusquement qu’un vertige la saisit et qu’elle dut se caler le
dos dans le canapé et respirer profondément afin que le malaise disparaisse.
̶ Comment ça tu sais ?
̶ Depuis toujours je le sais que tu n’aimes pas
les hommes. C’est un problème ?
̶ Mais tu ne me l’as jamais dit.
̶ Quoi ? Que tu n’aimais pas les
hommes ? Tu le savais non ?
Muguette sourit et les rôles s’inversèrent, Félicie
s’énerva :
̶ Quand même, tu aurais pu me le dire, ça fait un
mois que je ne sais pas comment t’en parler !
̶ Un mois que tu te prends la tête pour un truc
que je sais déjà ? Hey, Félicie, atterris un peu ! Depuis quand, on
prend des gants pour se dire les choses ? Tu aimes les filles,
point !
̶ Mais… Comment tu sais ça ? Je te jure que … entre toi et moi…
̶ Oui ça va, ça aussi je le sais que tu m’aimes
comme une amie et pas comme une amoureuse…
Félicie regarda son amie et la découvrit telle
qu’elle était : une véritable amie avec un sale caractère soit ! mais
sans jugement aucun, la crinière en bataille comme à l’accoutumée, un sourire
juste esquissé, et un regard qui ne laissait aucun doute sur ses pensées.
̶ On le fait ce chocolat, reprit la jeune femme,
je le prépare si tu veux !
̶ Oui je veux bien, j’en ai envie
maintenant !
Elles se rejoignirent dans la cuisine et Félicie
ouvrit le placard à la recherche du chocolat.
̶ Donc, reprit Muguette, il est où le
problème ?
̶ En fait, il n’y en pas …
Elles éclatèrent de
rire toutes les deux et continuèrent la préparation du chocolat.
̶ Tu es certaine que tu ne me caches rien, reprit
Muguette, la tasse du breuvage fumant dans la main ?
̶ C’est-à-dire …
̶ Je la connais ?
̶ Mais Muguette, comment tu sais ?
̶ C’est écrit au milieu de ta figure … Bon, tu me
la présentes quand ?
̶ C’est Prune !
Muguette lâcha sa tasse et murmura :
̶ Alors là ma Félie ! Elle avait retrouvé spontanément
le surnom qu’elle lui donnait dans les cas graves !