Charlie
était au téléphone avec une amie. Héloïse était assise non loin d’elle. Elle dessinait.
Elle était en admiration devant sa maman qui possédait une multitude de stylos
qui se déclinaient du rouge au bleu en passant par le vert, l’orangé, le rose,
le jaune. Celui qui avait sa préférence était le turquoise, parce qu’il avait
la même couleur que les yeux de papa Joe.
— Tu
sais, ce n’est plus du tout comme avant, depuis qu’il est entré dans ma vie. J’ai
toujours le cœur qui bat vite quand je le vois et qu’il me regarde.
Héloïse
leva la tête. Charlie discutait encore et lui tournait le dos.
La
petite fille discrètement quitta la pièce.
Stefano
jouait avec son père et Texas, le terre neuve.
— Te
voilà toi ? Charlie n’est pas avec toi ?
— Elle
est occupée à parler avec sa copine.
Héloïse
murmura à l’oreille de son petit compagnon :
— Tu
sais ce que ça veut dire « entré dans ma vie » ?
— Qu’est-ce
que vous mijotez tous les deux ?
Joe
les contemplait, le sourire aux lèvres.
— Rien,
c’est secret.
— D’accord,
alors, je peux vous laisser à vos histoires ? J’ai encore du travail. Ne faites
pas de bêtises, hein ? De toute façon, je ne suis pas loin. Je vous surveille.
Héloïse
saisit la main de Stefano. Ils se retrouvèrent dans leur cabane fabriquée par
Joe, dans le fond du jardin.
— Maman
a dit que c’était plus comme avant depuis « qu’il est entré dans ma vie ». De
qui elle parle ? Et ça veut dire quoi, entré dans ma vie ? Moi, je croyais qu’on
entrait dans la maison. Tu sais, elle nous le répète souvent quand elles nous
ramènent de l’école. « Entrez dans la maison ».
Stefano
se gratta la tête, signe de grande réflexion. Elle avait de ces questions, Héloïse !
D’ailleurs,
elle reprenait sans lui laisser le temps de respirer.
— Papa
Joe dit aussi aux poules d’entrer le poulailler et quand quelqu’un frappe « entrez »
c’est ce qu’il répond. Alors ? De toute façon, ça ne veut rien dire entrez dans
la vie. C’est trop grand la vie. T’es pas d’accord ?
— T’arrêtes
de parler ? Je ne peux pas réfléchir.
Héloïse
baissa la tête.
— Ne
boude pas, t’es pas jolie.
— Je
boude pas. Tu crois que c’est grave ? Qu’elle a une maladie ? Parce qu’elle a
dit aussi que son cœur battait vite quand il la regardait. Je sais que le cœur c’est
grave quand il bat vite. Je veux pas que ma maman elle meure comme la tienne.
— Tais-toi !
Tu racontes n’importe quoi !
Il
ne put s’empêcher de penser que pour lui c’était l’inverse, elle était sortie
de sa vie.
— Que
se passe-t-il ?
Joe
qui les entendait se disputer s’était approché de leur cabane. Devant le mutisme
des deux enfants, il se permit d’entrouvrir la porte.
— Alors,
c’est toujours secret ? Pourquoi tu pleures ma bichette ?
Héloïse
avait les yeux plein de larmes. Stefano répondit à sa place.
— Elle
a peur que Charlie meure.
— En
voilà une idée !
— Oui,
elle dit que son cœur bat vite quand il la regarde celui qui est entré dans sa
vie. Je suis sûre qu’il lui a fait mal. C’est grand la vie, comment on peut y
rentrer ? Il y a une porte ?
Surpris,
Joe restant sans voix.
— Tu
vois, tu sais pas non plus.
Devant
le désarroi de la fillette, Joe s’assit près d’elle.
— Entrer
dans la vie de quelqu’un c’est une expression ou plutôt une image. Regarde, c’est
un peu comme toi, qui es entrée dans notre vie à tous les deux, Stefano et moi.
Depuis, mon petit garçon sourit souvent, et moi de connaître ta maman, je suis
très heureux.
— Tu
avais laissé la porte ouverte alors ?
Joe
réfléchit et répondit simplement :
— Vous
êtes arrivées certainement quand nous avions besoin de vous. C’est pour ça que
la porte n’a pas été difficile à pousser.
— C’est
comme quand Texas pousse la porte mal fermée avec son museau ?
— Tout
à fait !
— Elle
est belle alors, cette spression
— Expression !
Tu as raison, elle est jolie.
— Qui
est jolie ?
Charlie
arrivait le sourire aux lèvres. Elle s’était doutée en ne voyant personne dans
la maison qu’elle les trouverait cachés dans le jardin.
— Maman !
Tu ne vas pas mourir, je suis trop contente !
— Ah !
je suis heureuse de savoir que je vais bien.
— Ta
fille me demandait ce que voulait dire « entré dans ma vie ».
La
jeune femme rougit et se tourna vers Héloïse.
— Pourquoi
pensais-tu que j’allais mourir ?
— Parce
que tu as dit que ton cœur battait vite quand il te regardait. Et puis que c’était
plus comme avant. Tu parlais de papa Joe ? Toi aussi, tu avais laissé la porte ouverte
pour qu’il puisse entrer ?
Elle
regarda Joe, Stefano et sa fille et leur tendit les bras.
— Tu
as raison, c’est une jolie expression.
Stefano
demanda alors à son père :
— Quand
maman est sortie de notre vie, c’est parce que la porte était ouverte ?
Joe
soupira.
— Non
mon bonhomme. Ta maman est partie parce qu’elle était malade, et qu’il a bien
fallu qu’on entrouvre la porte même si nous n’avions pas envie qu’elle nous
quitte. C’est un peu comme les oiseaux, ils s’envolent un jour… ensuite, nous l’avons
laissé longtemps fermée cette porte, tu te rappelles ?
— Oui,
puis un jour, Charlie et Héloïse sont arrivées.
— Tu
ne m’as pas laissé entrer tout de suite quand même !
Plus
tard…
— Alors
comme ça, il parait que ton cœur bat vite quand je te regarde ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire