Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

samedi 15 juin 2019

"Entrer dans ma vie" à la manière de Stefano et Héloïse


Charlie était au téléphone avec une amie. Héloïse était assise non loin d’elle. Elle dessinait. Elle était en admiration devant sa maman qui possédait une multitude de stylos qui se déclinaient du rouge au bleu en passant par le vert, l’orangé, le rose, le jaune. Celui qui avait sa préférence était le turquoise, parce qu’il avait la même couleur que les yeux de papa Joe.
— Tu sais, ce n’est plus du tout comme avant, depuis qu’il est entré dans ma vie. J’ai toujours le cœur qui bat vite quand je le vois et qu’il me regarde.
Héloïse leva la tête. Charlie discutait encore et lui tournait le dos.
La petite fille discrètement quitta la pièce.
Stefano jouait avec son père et Texas, le terre neuve.
— Te voilà toi ? Charlie n’est pas avec toi ?
— Elle est occupée à parler avec sa copine.
Héloïse murmura à l’oreille de son petit compagnon :
— Tu sais ce que ça veut dire « entré dans ma vie » ?
— Qu’est-ce que vous mijotez tous les deux ?
Joe les contemplait, le sourire aux lèvres.
— Rien, c’est secret.
— D’accord, alors, je peux vous laisser à vos histoires ? J’ai encore du travail. Ne faites pas de bêtises, hein ? De toute façon, je ne suis pas loin. Je vous surveille.

Héloïse saisit la main de Stefano. Ils se retrouvèrent dans leur cabane fabriquée par Joe, dans le fond du jardin.
— Maman a dit que c’était plus comme avant depuis « qu’il est entré dans ma vie ». De qui elle parle ? Et ça veut dire quoi, entré dans ma vie ? Moi, je croyais qu’on entrait dans la maison. Tu sais, elle nous le répète souvent quand elles nous ramènent de l’école. « Entrez dans la maison ».
Stefano se gratta la tête, signe de grande réflexion. Elle avait de ces questions, Héloïse !
D’ailleurs, elle reprenait sans lui laisser le temps de respirer.
— Papa Joe dit aussi aux poules d’entrer le poulailler et quand quelqu’un frappe « entrez » c’est ce qu’il répond. Alors ? De toute façon, ça ne veut rien dire entrez dans la vie. C’est trop grand la vie. T’es pas d’accord ?
— T’arrêtes de parler ? Je ne peux pas réfléchir.
Héloïse baissa la tête.
— Ne boude pas, t’es pas jolie.
— Je boude pas. Tu crois que c’est grave ? Qu’elle a une maladie ? Parce qu’elle a dit aussi que son cœur battait vite quand il la regardait. Je sais que le cœur c’est grave quand il bat vite. Je veux pas que ma maman elle meure comme la tienne.
— Tais-toi ! Tu racontes n’importe quoi !
Il ne put s’empêcher de penser que pour lui c’était l’inverse, elle était sortie de sa vie.
— Que se passe-t-il ?
Joe qui les entendait se disputer s’était approché de leur cabane. Devant le mutisme des deux enfants, il se permit d’entrouvrir la porte.
— Alors, c’est toujours secret ? Pourquoi tu pleures ma bichette ?
Héloïse avait les yeux plein de larmes. Stefano répondit à sa place.
— Elle a peur que Charlie meure.
— En voilà une idée !
— Oui, elle dit que son cœur bat vite quand il la regarde celui qui est entré dans sa vie. Je suis sûre qu’il lui a fait mal. C’est grand la vie, comment on peut y rentrer ? Il y a une porte ?
Surpris, Joe restant sans voix.
— Tu vois, tu sais pas non plus.
Devant le désarroi de la fillette, Joe s’assit près d’elle.
— Entrer dans la vie de quelqu’un c’est une expression ou plutôt une image. Regarde, c’est un peu comme toi, qui es entrée dans notre vie à tous les deux, Stefano et moi. Depuis, mon petit garçon sourit souvent, et moi de connaître ta maman, je suis très heureux.
— Tu avais laissé la porte ouverte alors ?
Joe réfléchit et répondit simplement :
— Vous êtes arrivées certainement quand nous avions besoin de vous. C’est pour ça que la porte n’a pas été difficile à pousser.
— C’est comme quand Texas pousse la porte mal fermée avec son museau ?
— Tout à fait !
— Elle est belle alors, cette spression
— Expression ! Tu as raison, elle est jolie.
— Qui est jolie ?
Charlie arrivait le sourire aux lèvres. Elle s’était doutée en ne voyant personne dans la maison qu’elle les trouverait cachés dans le jardin. 
— Maman ! Tu ne vas pas mourir, je suis trop contente !
— Ah ! je suis heureuse de savoir que je vais bien.
— Ta fille me demandait ce que voulait dire « entré dans ma vie ».
La jeune femme rougit et se tourna vers Héloïse.
— Pourquoi pensais-tu que j’allais mourir ?
— Parce que tu as dit que ton cœur battait vite quand il te regardait. Et puis que c’était plus comme avant. Tu parlais de papa Joe ? Toi aussi, tu avais laissé la porte ouverte pour qu’il puisse entrer ?
Elle regarda Joe, Stefano et sa fille et leur tendit les bras.
— Tu as raison, c’est une jolie expression.
Stefano demanda alors à son père :
— Quand maman est sortie de notre vie, c’est parce que la porte était ouverte ?
Joe soupira.
— Non mon bonhomme. Ta maman est partie parce qu’elle était malade, et qu’il a bien fallu qu’on entrouvre la porte même si nous n’avions pas envie qu’elle nous quitte. C’est un peu comme les oiseaux, ils s’envolent un jour… ensuite, nous l’avons laissé longtemps fermée cette porte, tu te rappelles ?
— Oui, puis un jour, Charlie et Héloïse sont arrivées.
— Tu ne m’as pas laissé entrer tout de suite quand même !

Plus tard…
— Alors comme ça, il parait que ton cœur bat vite quand je te regarde ?



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