— Pourquoi tu pleures ?
Il ne faisait pas chaud encore. Le soleil se faisait timide,
les bulbes dans les jardins arrivaient juste à passer la tête mais personne n’aurait
pu déjà dire de quelle couleur serait la fleur. A peine pouvait-on savoir si une
tulipe ou une jonquille allait s’épanouir.
— Pourquoi tu pleures ?
— Parce que vous êtes jolies et pas moi.
— Toutes les fées de la nature sont belles, tu le sais bien !
— Regarde, la fée rouge volette autour des fleurs qui auront la même
couleur qu’elle. La fée blanche, on dirait une danseuse.
Elle baissa la tête et regarda celle qui lui parlait :
— Et toi ? Tu as vu comme tu es jolie avec ta grande fleur dans
les cheveux et ta tresse enroulée. Comme j’aimerais pourvoir faire pareil avec
mes cheveux, mais tu vois j’ai deux grandes ailes dont je ne sais pas quoi
faire, je n’ai pas de boucles, ni de chignon, je ne ressemble à rien.
— Pourquoi tu parles si doucement ?
— Parce qu’on me dit toujours que je vrille les oreilles de tout le
monde. Je m’appelle la Fée Vrillée.
Elle baissa la tête.
— Tu ne me vrilles pas les oreilles à moi. Et puis tu sais…
La fée tressée s’approcha et murmura :
— Si tu enlèves l’accent à Vrillée, tu deviens une figure acrobatique du
plus bel effet.
— Oui, mais je deviens la Fée Vrille, et je ne serais pas ici aujourd’hui.
La petite fée releva quand même la tête et répondit :
— Mais ça me plait bien la Fée Vrille.
La fée rouge qui avait entendu la conversation ajouta :
— Moi qui aime les fleurs, je sais que la Vrillée aussi appelée faux
liseron existe. Tu es aussi une fleur. Ne sois pas triste. Tu ne devrais pas
changer de nom, si tu as un accent garde-le, il sert à quelque chose. SI tu
savais le nombre d’humains qui revendique leur accent …
La fée blanche, la plus chipie, éclata de rire. Son rire cascada sur la
rosée et laissa de ci de là des perles nacrées.
— Ecoute, ne change rien, car si la fée tressée rajoutait une lettre,
elle deviendrait la fée stressée et crois-moi, ça ne lui conviendrait pas du
tout. Reste la Fée Vrillée, ça te va très bien. Viens, je vais t’arranger tes
cheveux, je vais te les nouer comme le liseron, tu seras toute jolie et essuie
tes larmes.
— Oui mais ma voix qui vrille les oreilles alors ?
— C’est des bêtises tout ça, reprit la fée rouge, les humains ne
peuvent pas nous entendre et ils ne se demandent même pas qui sème la rosée le matin,
fait éclore les fleurs, recouvre de givre les arbres, non, ils se disent c’est
la nature, mais la nature c’est nous.
— Oui, si tu savais le mal que l’on se donne pour redonner une belle
allure à cette nature bien souvent maltraitée, reprit la fée tressée, que
finalement je vais vraiment devenir la fée stressée.
En entendant cela, elles exhalèrent un profond soupir qui eut le don de
faire voltiger les cheveux de petite fée à la coiffure indomptée. Comme dans un
rêve, elle les vit se nouer comme la vrillée sauvage dont elle portait le nom.
Ses ailes se déployèrent et elle s’éleva dans les airs en riant aux éclats.
En chœur ses nouvelles amies applaudirent et crièrent tout en la rejoignant :
— Bienvenue parmi nous Fée Vrillée.
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