Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

vendredi 3 avril 2020

Marie-Sophie, le confinement et ses surprises


Vous ne vous êtes jamais demandé « qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui ? »
Voilà, ça m’arrive tout le temps ces jours-ci.
C’est drôle ! Quand tous les lundis que je déteste d’ailleurs, je devais me lever pour partir au boulot, je me disais que je serais bien restée chez moi parce que j’avais des tonnes de choses à faire. Je n’avais pas envie de rencontrer les collègues, ils m’agaçaient. Le directeur dont je suis l’assistante allait encore me demander de traiter des dossiers pour la veille. Aujourd’hui, qu’est-ce que je donnerais pour aller les voir ces potes qui bossent avec moi. Je prendrais bien un café avec eux, on se raconterait le week-end. Le téléphone sonnerait et je râlerais parce que je ne peux pas le finir tranquille.
Je suis à la fenêtre et je n’ose même pas aller parler à mon gentil papy Charles que j’appelle pépé alors qu’il ne l’est pas du tout.

Confinement ! Ce mot, je ne le connaissais pas avant ! je n’avais pas l’idée que ça pouvait arriver.
Déjà que je suis seule, alors, là c’est le bouquet ! Archibald mon ami boulanger continue à fabriquer ses pains. Je vais en chercher… une fois par semaine. Impossible d’y aller plus souvent pour bavarder avec lui, interdit.

Je n’ai jamais autant écouté de la musique que maintenant. Je redécouvre mes albums et du coup ça me flanque le cafard. Alors, je range tout et me branche sur Deezer comme ça j’ai des playlists actuelles, exit les souvenirs.
Mais elle dure cette réclusion. Même si j’ai un jardin et que je ne suis pas en appartement, je déprime toute seule. Ce n’est pas de chance, mes parents étaient justement partis en vadrouille dans leur maison de campagne quand le confinement est tombé. Du coup, ils sont restés avec les coqs qui les réveillent et l’odeur des vaches. Je les envie.

Mélusine, ma meilleure amie, couturière a dû fermer sa boutique. Et voilà qu’elle décide de venir s’installer chez moi. Je n’en reviens pas. Elle pourrait partir dans la grande maison retrouver sa famille, non, elle préfère me rejoindre.
Je lui ai préparé avec amour la chambre qui lui est souvent destinée et elle débarque avec sa valise, son gel hydroalcoolique et sa bonne humeur.


— Personne ne t’a contrôlée ?
Elle me sourit. Je l’adore Mélusine, elle est la féminité incarnée. Toutes les deux, je sens que nous allons bien en profiter pour papoter, de rigoler et de voir le temps passer.
— Je n’ai pas fini de décharger ma voiture !
Stupéfaite, je la regarde sortir sa machine à coudre, des bouts de tissus, et des boites multicolores.
— Tu n’as pas déménagé ton magasin quand même !
— Non, mais j’ai plein d’astuce pour qu’on s’occupe. Attends, vois, j’ai amené tout mon maquillage. Ce n’est pas parce que nous sommes enfermées que nous devons êtres moches. Et pas question de rester en pyjama hein MarieSophe ?
Moi lambiner en babygros ? Quelle idée !
— Je te connais ma belle ! Et puis, j’ai apporté aussi des bouquins et j’ai déniché de jolis cahiers et carnets que nous allons pouvoir customiser. Toi qui adores ces babioles pour écrire, tu vas t’éclater.
Ébahie, je la contemple envahir tout mon espace.
— Je m’étale, ça ne te dérange pas ?
— Bien sûr que non !
Elle déballe du rouge, du jaune, du bleu, du vert, du rose, du violet. Elle voit la vie en couleurs Mélusine. Je n’imaginais pas que sa petite voiture pouvait contenir autant de merveilles. J’ai l’impression d’être une gamine devant ses cadeaux de Noël.
— Tu ne m’as pas répondu, tu t’es fait contrôler en venant me rejoindre !
— Hum ! Hum !
— Tu avais ton autorisation ? Tu avais marqué quoi ?  
— Comme c’était les premiers jours, il a été assez cool.
— C’est la gendarmerie ?
— Hum ! Hum !
Son sourire m’agace. Pourquoi est-elle si mystérieuse ? Elle reprend.
— Tu ne me demandes pas qui m’a contrôlée ?
— Pourquoi je connais ?
— Non, mais moi je l’ai trouvé mignon.
— Tu crois que c’est le moment de tomber amoureuse ?
— Toute de suite les grands mots.
— Et si parce qu’une jolie fille leur plait, les gendarmes ne font pas leur boulot alors où va-t-on ?
— Oh arrête de faire ta rabat-joie ! Je ne souhaitais pas t’en parler, mais ça fait quelques mois qu’on se voit !
J’en reste sur le cul ! Comment ai-je pu ne pas m’en rendre compte.
— Je suis désolée Mélusine, je…
— Tu n’as pas à t’en vouloir, Archibald n’est pas au courant non plus. Nous avons été assez discrets. Allez, tu me montres ma chambre que je m’installe.

À 20 heures, nous sommes toutes les deux à nos fenêtres et nous applaudissons pour remercier tout le personnel soignant. Je vois que Charles est aussi devant sa porte et clame des bravos à tout rompre. Je ne peux m’empêcher de lui faire signe. Une fois, les voisins rentrés chez eux, il brave les interdits et s’approche de ma maison, mais respecte le mètre de distance.
— Comment vas-tu MarieSophe ?
— Et toi pépé ? Tu ne t’ennuies pas trop ?
— Figure-toi que je me suis mis à internet et Skype. Je peux bavarder comme ça avec Célestine.
Je n’en reviens pas. Le confinement a de ces surprises !
— Elle ne s’embête pas trop ?
— Dans sa grande maison, elle n’a pas beaucoup de visites. Elle se sent seule. Du coup, nous discutons longuement. Dimanche, nous avons fait une vidéo dessert.
— Tu m’expliques ?
— Elle est allée chercher son pain comme d’habitude, elle n’y va plus qu’une fois par semaine, et elle a acheté un éclair. J’en avais pris un aussi avec mes baguettes, et nous l’avons dégusté ensemble par écran interposé.
Il m’épate pépé. Mélusine rit.
— Ce n’est pas toi MarieSophe qui ferait ça, pas vrai ? Remarque ça t’arrangerait bien, tu pourrais te carapater dès qu’il deviendrait trop entreprenant ton chéri.
— Je n’ai pas d’amoureux !
— Le pauvre, tu ne vas pas le voir souvent. Il est sur le pied de guerre avec ce virus de malheur, dit Charles en soupirant.
Je le regarde interloquée, à qui fait-il allusion ? Il reprend.
— Je les admire moi tous ces soignants qui risquent leur vie pour nous sauver nous ! Gabriel est en première ligne.
— De qui parles-tu Charles ?
Surpris, il m’interroge.
— Ne me dis pas que tu ne sais pas qu’il est médecin urgentiste ?
Je regarde Mélusine. Pépé décaroche. Je m’approche de lui, mais il me repousse.
— MarieSophe recule ! et le mètre de distance alors ? Gabriel est ton voisin d’en face. Celui qui venait me raconter le soir, sa journée, quand il rentrait. Mais, il y a deux semaines que je ne l’ai pas vu. Il doit dormir là-bas !
— Tu parles de Florent ?
— Je n’ai jamais compris pourquoi tu l’appelais comme ça ! C’est Gabriel.
Mélusine me file un coup de coude et chuchote.
— Tu es allée sur son compte Instagram, vu qu’il est médecin, il n’a peut-être pas mis son vrai nom.
Je ne relève pas et demande à Charles.
— Il est urgentiste à quel hôpital ?
— Mais… celui de la ville à côté, pardi ! Sérieux, vous les jeunes, vous ne vous parlez pas ?  
— Tu n’as pas de nouvelles depuis combien de temps ? Tu as son numéro de téléphone ?
Pépé se met à rire.
— Tiens donc, tout d’un coup il t’intéresse le beau brun ? Parce qu’il est médecin ? Parce qu’il risque sa vie il devient digne de toi ?
Je rougis ! D’un coup je me rends compte que je suis peut-être passée à côté de quelque chose.
— Je t’avais prévenu Marie-Sophie que le bonheur, il ne fallait pas lui faire grise mine quand il te faisait de l’œil.
Je baisse la tête et Mélusine m’entoure de son bras mes épaules. Je suis nulle.
— Tiens ! Je l’ai toujours dans ma poche, parce qu’il m’a dit que je pourrais l’appeler, il se débrouillerait si jamais je n’allais pas bien. Il ne pensait pas à cette épidémie bien évidemment, mais… Il est gentil tu sais, Gabriel !
Il me tend un papier froissé où un numéro de téléphone est inscrit.
— Tu le notes et tu me le rends.
Mélusine a déjà sorti son portable et enregistré le précieux 06 dans sa liste de contacts, alors que moi je n’avais pas encore réagi, hébétée par ce que je venais d’apprendre.


© Minibulle 3/04/2020

2 commentaires: