Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

samedi 3 août 2019

Le petit fantôme amoureux


Consigne pour ce texte : Un paragraphe en vers. Une romance. Présence de fantômes. Lieu, une librairie. Intégrer le mot  hexakosioïhexekontahexaphobie.

C’est à la petite et vieille librairie
Qu’un monsieur tout rabougri
Mais pourtant à la mine réjouie
Fermait toujours sa porte à midi.

C’est alors qu’il écoutait. Parfois ça prenait du temps. Mais aujourd’hui, un bruit inhabituel le surprit. Il ne reconnaissait pas ces petits soupirs qui peu à peu se transformaient en sanglots. Il chercha d’où pouvait bien venir ce bruit quand Arthur dégringola de l’étagère du haut.
— Elle pleure, il faut l’aider.
Le petit fantôme eut du mal à traîner son boulet qui ne le quittait pas et pesait comme un âne mort. Qu’est-ce qu’il en voulait à ce satané auteur qui lui faisait porter ce truc ultra lourd, et ça depuis belle lurette, depuis le début de son histoire exactement. Il aurait bien aimé être comme Oscar qui pouvait voler comme il voulait, mais apparemment l’auteur n’avait pas eu la même bonne idée, histoire d’époque peut-être.
Arthur était amoureux de la petite fantôme qui vivait dans le livre de la 3e étagère tout en bas de l’escalier. Il l’avait rencontrée par hasard, au détour d’une page, quand un enfant avait ouvert le livre par mégarde. Du haut de son étagère presque au plafond, il l’avait aperçue. Elle n’avait pas de boulet elle non plus et sa robe orange qui scintillait de mille feux lui faisait penser aux flammes dans la cheminée. D’ailleurs, il voulait lui dire qu’elle éveillait en lui plein de choses , qu’elle brillait dans son cœur. Il souhaitait lui murmurer qu’elle était la femme de ses rêves et qu’elle éclairait ses nuits. Oui, il avait vu que c’était écrit dans son livre, il pouvait le répéter parce que dans son histoire, le monsieur qui avait dit ça avait rendu très heureuse la dame.
Sauf que le temps qu’il descende avec sa boule accrochée à son pied, Oscar était arrivé avant lui et avait commencé à feuilleter les pages pour rencontrer l’objet de ses rêves. Orangette qu’elle s’appelait. Il ne s’était pas foulé l’auteur. Sans doute que c’était sa robe qui l’avait inspiré, à moins que ce soit le contraire.
— Pourquoi tu pleures ?
— C’est moi d’abord qui lui demande !
Arthur armé de sa chaîne finalement bien pratique la brandissait pour faire reculer Oscar.
— Ne vous chamaillez pas mes amis, les interrompit le vieux libraire. Je ferme ma boutique pour que vous puissiez vous évader un peu, n’en profitez pas pour vous battre. Que se passe-t-il ?
— C’est Arthur, il est amoureux, il est amoureux.
Oscar, un fantôme dans la fleur de l’âge volait en rond autour du lustre délabré, ramassant au passage toutes les toiles d’araignées.
— Pourquoi tu pleures ?
Arthur s’approchait de sa belle, qui, recroquevillée au fond de sa page, tremblait de trouille.
— J’ai peur !
— Ben pourquoi, tu ne risques pas grand-chose, l’histoire est écrite.
— J’aime pas la page 666.
Arthur qui voulait faire le fanfaron sourit :
— Ah tu souffres de hexakosio… hexakosioi…
— hexakosioïhexekontahexaphobie, souffla Oscar
Vexé le petit fantôme répondit :
— J’allais le dire, tu m’as coupé la parole.
— Vas-y alors, dis-le !
— Ce n’est pas bientôt fini tous les deux, rugit le vieux monsieur en brandissant sa canne. Encore un mot,  je vous renferme dans vos livres à tout jamais.
Orangette pleura de plus belle.
— Je veux sortir d’ici, je n’aime pas cette page, j’ai peur. Trop de 6, je veux sortir.
— C’est quoi ton histoire, demanda Arthur, intéressé.
— Je suis prisonnière, et je ne peux pas sortir de ma chambre. J’aurais bien aimé être comme Raiponce, avoir des longs cheveux, j’aurais pu passer par la fenêtre.
— C’est vrai qu’il t’a pas raté ton auteur, avec tes boucles frisées comme un mouton.
— Veux-tu te taire !
Arthur brandit à nouveau son boulet. Mais le libraire fatigué de ces disputes tendit sa canne et tous deux réintégrèrent leurs livres et les pages se fermèrent d’un coup sec en soulevant un nuage de poussière.
— Je vous avais prévenus. Je ne veux plus rien entendre.
Il saisit alors le livre d’Orangette et tourna les pages avec sa canne. La petite fantôme eut alors la joie de pouvoir s’échapper du volume.
Du haut de son étagère, Arthur, collé à sa couverture, regardait son amoureuse se déployer et voleter dans la librairie. Qu’elle était jolie et flamboyante et quel idiot, lui. Il avait l’air malin, scotché dans son livre. En plus, le boulet lui faisait mal. Quelle idée de se bagarrer avec Oscar, le voilà bien puni maintenant.
Orangette vint se poser sur le vieux secrétaire du libraire. Elle n’osait pas demander ce qui lui tenait tant à cœur.
— Quelle est ta requête ?
— Je vais devoir retourner dans mon livre ?
— Pourquoi l’histoire ne te plait pas ?
— J’aimerais bien aller avec Oscar.
— Mais je ne peux pas réécrire l’histoire, l’auteur ne serait pas content.
— Il est mort l’auteur !
Le vieux monsieur éclata de rire.
— Oui, mais ça ne change rien. Je ne peux pas faire ça !
— Personne ne s’en rendra compte !
Le libraire soupira et brandit sa canne. Orangette intégra alors le livre d’Arthur.

Le lendemain matin, un petit bonhomme demanda l’histoire de Merlin. 
Quand il eut le roman entre les mains, il regarda le libraire et sourit.
— C’est une nouvelle version ?
Le vieux monsieur maugréa une réponse.
— Un collector même !




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