Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

mardi 10 avril 2018

Prune et Félicie




Muguette se tourna alors vers Thomas et lui dit en souriant :
̶       Je crois qu’il vaut mieux les laisser.
̶       Tu le penses vraiment ?
Thomas regardait sa femme qui tenait ses yeux baissés.
̶       Fais-moi confiance !
̶    Je dois repartir au bureau, j’ai un rendez-vous, mais je n’aime pas ça du tout. Tu es certaine que ta copine ne va pas sauter sur ma femme ?
̶       Comme tu y vas là ! En plein jardin public ? Félicie est plus discrète !
Thomas fit demi-tour furieux.
̶       C’était une blague !
Elle désigna du doigt son amie qui parlait à Prune.
̶       Tu vois, ta femme n’est pas en danger !
Il se laissa entraîner.

̶      Je n’aime pas les femmes ! Je suis amoureuse de mon mari, et je ne comprends pas ce que tu me veux !
Félicie éclata de rire. C’était bien Prune !
̶       Prune, il faut que je te parle.
̶      Thomas m’a dit que tu me regardais bizarrement. Il s’est imaginé que tu avais flashé sur moi.
̶       Il n’a pas tort, mais c’est pour une autre raison.
̶      Vas-y je t’écoute !
Félicie regarda la jeune femme et toucha la chaîne qu’elle avait autour du cou. Prune fit un geste en arrière, surprise par son geste.
̶       Regarde !
A la grande surprise de Prune, Félicie dégagea la sienne qui était cachée sous son pull.
̶      C’est bizarre, commenta Prune, Maman m’a dit qu’il était de famille.
̶      Je peux voir si tu as aussi une inscription à l’intérieur ?
La jeune femme souleva ses cheveux et détacha la chaîne qu’elle montra à son amie. Celle-ci déchiffra la date de naissance : 9 juillet 1983.
Elle pâlit.
̶     Alors ? s’impatientait Prune, il y a ma date de naissance avec mon prénom. Et sur la tienne ?
Devant le silence de la jeune femme, elle s’empara de l’autre chaîne et découvrit qu’il y avait la même date de naissance avec le prénom de Félicie.
̶     Qu’est-ce que ça veut dire ? Tu es née le même jour que moi, la belle affaire ! Nous avons le même âge.
̶       Regarde mieux tu veux bien, il y a une autre inscription plus petite.
Prune dut fouiller dans son sac pour trouver ses lunettes qu’elle chaussa aussitôt sur son nez.
̶     Je n’aime pas quand je les mets, tu ne le diras pas à Muguette. Je trouve que ça fait vieux !
̶      Il y a beaucoup de personnes vieilles alors, soupira Félicie, devant la coquetterie de son amie.
̶       Oh ça va ! Bon, alors fais voir, où tu vois qu’il y a quelque chose d’écrit ?
̶       Là … regarde.
Prune se pencha et avec difficulté réussit à déchiffrer sur sa chaîne : Félicie
̶       Regarde la mienne, maintenant !
La jeune femme lut : Prune
Elles se regardèrent toutes les deux ne sachant que dire ni quoi penser.

̶      Je vais parler à maman. Il y a certainement une explication. Tu demanderas à la tienne, dit Prune.
̶      J’ai été adoptée !
Prune qui s’était levée, se laissa tomber sur le banc.
̶      Tu ne l’as jamais dit.
̶      Tu ne l’as jamais demandé.
̶      Tu me vois en train de te poser la question comme ça : Au fait, tu as été adoptée ?
Prune soupira.
̶    Excuse-moi Félicie, je dis n’importe quoi. En plus, on ne se connaît pas depuis si longtemps que ça. Muguette est au courant ?
̶        Que j’ai été adoptée ?  Mug fait partie de ma vie.
̶        Elle sait pour la chaîne ?
̶        Non, elle croit que je suis amoureuse de toi !
Prune sursauta et rougit :
̶        Tu aimes les femmes ?
̶      Je n’en sais plus rien ! Je n’arrive pas à m’attacher à quelqu'un sauf à Muguette. J’ai toujours eu l’impression qu’il me manquait quelque chose… Quand je t’ai vue la première fois, j’ai été toute drôle… J’ai cru que c’était un coup de foudre… C’est ce que j’ai dit à Muguette.
̶         Pourquoi ?
̶        Tu me vois en train de lui raconter que tu es peut-être ma sœur jumelle ?

A suivre ...

vendredi 6 avril 2018

Prune et Thomas



Thomas était architecte. Prune, sa femme, trois fois par semaine venait faire son secrétariat. Elle aimait bien venir aider son mari. Elle était ainsi au courant des affaires en cours. Le midi, ils déjeunaient ensemble rapidement et prenaient le temps de se balader dans les parcs aux alentours. C’était leur moment rien qu’à eux et pour rien au monde ils ne l’auraient sacrifié.

Pourtant ce jour-là, quand ils quittèrent la cafétéria, ils se heurtèrent à Félicie et Muguette.
̶         Bonjour les filles, je ne savais pas que vous veniez déjeuner ici, dit Prune en souriant.
̶     Quand les emplois du temps coïncident, nous essayons de le faire le plus souvent possible. Ensuite, si nous n’avons pas été trop bavardes, nous allons nous promener, répondit Muguette.
̶         Comme nous ! D’ailleurs Thomas et moi nous y allions.
̶         Et si nous achetions juste un sandwich et que nous les suivions ? demanda Félicie.
̶         Je n’aime pas trop les…
Un coup de coude l’interrompit. Heureusement Prune n’hésita pas, trop heureuse de voir ses amies.
̶         Tu es d’accord Thomas ? demanda-t-elle à son mari
̶       Pas de problèmes !  Si tu veux rester plus longtemps avec elle, n’hésite pas, c’est le privilège d’être la femme du patron, tu peux aménager tes horaires à ta guise.
̶         Tu en as de la chance toi, maugréa Muguette, je n’ai qu’une heure pour déjeuner et…
̶        Alors profitons-en, l’interrompit Félicie à nouveau, et viens acheter ton sandwich. On vous rejoint.
Elle attrapa Muguette par le bras et l’entraîna vers la boulangerie la plus proche. Thomas et Prune continuèrent leur marche.
̶         Tu sais chérie, si Félicie a un copain ? commença Thomas
̶         C’est vrai que je ne l’ai jamais vu accompagnée. Peut-être pas !
̶         Elle ne t’a jamais parlé de petit ami …
̶         Tu sais, je ne les connais pas depuis si longtemps que ça !
̶         Hum !
̶         Tu as une idée derrière la tête toi !
Elle regarda son mari et fronça les sourcils :
̶         Ne me dis pas que tu crois qu’elle a une histoire avec son directeur quand même !
̶         Non, je peux t’assurer que ce n’est pas à ça que je pense.
̶         Alors ?
̶         Elle t’apprécie beaucoup !
̶       C’est vrai. D’ailleurs, ça m’étonne ! Je suis une petite bonne femme insignifiante moi…
̶         C’est toi qui le dis. Je ne te trouve pas du tout insignifiante.
̶         Tu n’es pas objectif. Toi tu m’aimes !
Ils se tenaient par la main et avançaient tranquillement dans les allées du parc.
̶         Prune, il faut que je t’avoue quelque chose qui me tracasse.
̶         Tu me fais peur là, vas-y parle !
Prune s’était arrêtée au milieu du chemin et regardait son mari, déjà inquiète.
̶         Tu as une maîtresse ?
Il ouvrit des yeux ronds et répliqua :
̶         En voilà une idée, par contre toi …
̶         Quoi moi, tu crois que j’ai une maîtresse ?
Elle éclata de rire.
̶         J’espère bien que non, mais qui sait ? murmura Thomas d’une façon sibylline.
̶     Je ne comprends rien à ce que tu racontes, continuons notre ballade au lieu de raconter n’importe quoi.
̶       Tu ne trouves pas que Félicie te regarde d’une drôle de manière ? Moi, je pense qu’elle en pince pour toi. Son regard, sa façon de te parler quand elle te dit bonjour…

̶         Hey, vous marchez vite !
Muguette et son amie arrivaient, leurs baguettes à la main.
̶         On s’assoit là ?
Félicie désignait un banc qui leur tendait les bras. Elle attrapa Prune par la main et lui dit :
̶         Viens à côté de moi, ça fait un bon bout de temps qu’on ne s’est pas parlé.
Prune regarda son mari qui affichait un sourire narquois sur son visage.


dimanche 1 avril 2018

De fil en aiguille, voilà Avril



Petit Paul n’en croit pas ses oreilles en ce premier avril. Il est encore en pyjama. Il fait frais. Il tremble un peu. Seul sur la terrasse, ses parents préparant le petit déjeuner, il écoute le piaillement des oiseaux. Soudain, le couple de mésanges en face de lui se mit à parler :
̶            Rita, penses-tu que nous pouvons nous installer ici ?
Léo surveillait du coin de l’œil les allées et venues des moineaux et des merles qui peuplaient le jardin de Papa.
̶            Oui, regarde, il l’a fait pour nous ce nichoir, j’en suis sûre. La taille de l’entrée est faite juste pour moi. Nous serons en sécurité tu peux me croire.
Petit Paul oubliait qu’il avait froid. Il n’en croyait pas ses oreilles. Deux oiseaux discutaient dans l’arbre devant lui. Il restait immobile. C’était pourtant difficile pour le petit garçon qui ne tenait jamais en place.
̶            Tu viens Petit Paul ?
̶            Chut !
Le charme fut rompu. Les mésanges s’envolèrent et Petit Paul déçu et mécontent se tourna vers son père :
̶            Tu les as fait partir, tu n’es pas gentil !
̶            Fais partir qui ? De quoi parles-tu ?
̶            Les oiseaux bleus.
̶            Hum, ça devait être des mésanges.
̶            Elles voudraient faire leur nid dans ta cabane dans l’arbre.
̶            C’est un nichoir, Petit Paul, ta cabane !
̶            C’est pareil ! Elles voulaient y habiter et tu leur as fait peur !
̶            Ah, et comment sais-tu ça toi ?
̶            Je les ai entendues.
Papa sourit :
̶            Voyez-vous ça, tu les as entendues. Tu m’en diras tant !
̶            C’est vrai ! Même qu’il y en a une qui s’appelle Rita !
̶            Tu as vraiment une sacrée imagination !
Petit Paul tapa du pied et croisa les bras sur sa poitrine, furieux.
̶            De toute façon, tu ne me crois jamais !
̶            Allez rentre mon bonhomme, viens boire ton lait, ça te réchauffera.
Papa rentra dans la cuisine.
Les deux mésanges revinrent alors dans l’arbre.
̶          Vous pouvez vous y mettre, ça ne risque rien, leur dit le petit garçon. Je ne répéterai rien à papa.
Les deux oiseaux hochèrent la tête et s’envolèrent. Petit Paul rejoignit alors ses parents et s’installa à table. Il était en train de grignoter un bout de brioche, perdu dans ses pensées, quand  brusquement il se leva et partit en courant dans sa chambre. Papa et Maman surpris n’eurent pas le temps de réaliser qu’il revenait déjà la mine réjouie :
̶            Poisson d’avril !
Il brandissait deux poissons découpés maladroitement dans du papier canson coloré.
̶            C’était une blague tout à l’heure. C’est sûr que les oiseaux ne parlent pas.
Ses parents sourirent et embrassèrent leur petit garçon en lui demandant de terminer son petit déjeuner avant qu’il ne refroidisse. Ce qu’il fit sans rechigner.

Plus tard, habillé chaudement, il s’installa à nouveau sur la terrasse. Il n’en crut pas ses yeux quand il vit tomber du ciel des petits chocolats. Il s’approcha pour les toucher quand il entendit une grosse voix souffler :
̶            Tu es bien curieux !
̶            Qui me parle ?
̶            Tu n’as même pas peur ?
̶            Non, je suis grand. J’ai cinq ans !
̶            Je suis Avril.
̶            Avril ?
Petit Paul réfléchit. A l’école, il avait entendu parler de la date, et mardi quand il y retournerait, la maîtresse avait dit qu’on changeait de mois.
̶            Tu es le nouveau mois ?
̶           Oui, et j’ai beaucoup de travail. Je commence avec le poisson et en même temps les cloches de Pâques.
̶            Je ne savais pas que les mois parlaient.
̶            Tu ne peux pas tout savoir, tu es petit encore.
̶            J’ai cinq ans, répéta le petit garçon. Bientôt j’irais à la grande école tu sais !
̶            Ah oui quand même !
̶            C’est toi qui as amené les chocolats ?
̶         Oui et ce n’est pas toujours le cas. C’est mon copain Mars quelquefois qui s’en charge. D’ailleurs, il n’était pas content quand il est parti tout à l’heure. C’est pour ça qu’il ne fait pas chaud, il était même furieux.
̶            Je peux te voir ?
̶         Mais tu me vois ! Je suis dans les oiseaux qui bâtissent leur nid, dans les fleurs des cerisiers, dans le parfum que tu renifles…
̶            Tu es bien bavard, ce matin. Avec qui parles-tu encore ?
Papa le rejoignit, la veste sur les épaules.
̶            Brr, il ne fait vraiment pas chaud ! dit-il en se frottant les mains.
̶            Normal, c’est à cause de Mars.
̶           Qu’est-ce que tu racontes encore ?
̶      Si tu regardais mieux, écoutais vraiment, tu le saurais. Mais les adultes ne comprennent jamais rien.
Petit Paul rentra dans la maison, la tête basse. Papa haussa les épaules, huma l’air, remonta le col de sa veste et se dit que décidément, le dicton se vérifiait vraiment ce matin : « En avril, ne te découvre pas d’un fil ». Quand il aperçut les œufs en chocolat au pied des arbres, il secoua la tête et se dit que finalement, les adultes ne comprenaient jamais rien. Il rappela son fils :
̶            Qui a mis ces chocolats dans l’herbe ?
Petit Paul le regarda, un sourire goguenard sur les lèvres :
̶            Ben… Les cloches !
̶            Evidemment !