Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

mercredi 12 février 2020

Un mercredi chez Stefano et Héloïse



Stefano et Héloïse ont bien grandi. Lui, approche les sept ans alors qu’elle avoisine les six. C’est mercredi. L’école est terminée pour aujourd’hui et ils sont à la même. Du coup, ils reviennent ensemble à pied. Ce n’est pas loin, et comme ils sont deux, ils bavardent. Les vacances se profilent à l’horizon.
Toujours très complices, ils partagent leurs secrets.
— Tu pourras me faire réciter ma poésie ?
Héloïse n’est jamais très sûre d’elle. Elle apprend vite, mais elle craint souvent que sa mémoire flanche.
— Et puis tu sais ma copine Tina, elle est tombée.
— Oui et alors c’est grave ?
— Elle a des bleus partout. Elle m’a dit qu’elle n’avait même pas pleuré.
— Elle est tombée comment ?
— Des escaliers.
Stefano regarde sa sœur d’adoption.
— Tu parles bien de Tina, celle qui habite dans les nouvelles maisons ?
— Mais oui, pourquoi tu demandes ça ?
— Pour rien.

Ils arrivent chez eux et la bonne odeur de cuisine les accueille aussitôt. Joe est justement en train de se laver les mains et Charlie, le tablier autour de la taille, tend sa joue. Texas, le terre neuve leur fait la fête.
— Mathurin a proposé que vous alliez voir votre poulain Célestin cet après-midi.
Joe regarde les deux enfants en s’installant à table.
— Vous vous êtes lavés les mains ?
Charlie ne transige pas. Pour le repas, chaque menotte doit être propre. Les gamins le savent.
Ils s’assoient et la jeune femme apporte la soupe de légumes sur la table.
— J’aime pas ça ! ronchonne Héloïse.
Charlie lui en verse tout de même une louche dans son assiette et Joe y va de sa petite phrase toute faite :
— Il faut que tu manges pour devenir grande.
— Maman n’a pas dû en manger beaucoup, elle ne t’arrive même pas aux épaules.
— C’est parce que je suis très grand.
— Et que je n’ai pas mis mes talons.
Tout le monde éclate de rire, sauf Héloïse qui regarde d’un drôle le liquide verdâtre devant elle.
— C’est à quoi ?
— Haricots verts, courgettes et…
— Je déteste les haricots verts.
Charlie soupire. Elle est difficile en ce moment Héloïse. Stefano, lui a déjà terminé.
— Elle est très bonne ta soupe. Tu devrais la goûter Héloïse.
Elle accepte de tremper ses lèvres.
— Alors ?
— Hum, ça va.
— Tina est tombée des escaliers et a des bleus partout, déclare Stefano.
— T’étais pas obligé de le dire, rouspète Héloïse. C’est ma copine. C’est à moi de le dire.
Charlie et Joe se regardent.
— Tina ? Ton amie qui vient de déménager dans les nouvelles maisons ?
— Pourquoi tu demandes ça ? Stefano aussi a fait pareil tout à l’heure.
Charlie enlève les assiettes creuses, ainsi que celle de sa fille qui l’a terminée, et apporte le gratin de macaronis.
Les deux enfants applaudissent. Elle les sert en les prévenant que c’est chaud, qu’ils fassent attention de ne pas se brûler. La bouche pleine de pâtes et de fromage qui file, Héloïse reprend :
— Même qu’elle n’a pas pleuré. Pourtant, elle en a beaucoup de bleus. Moi, j’aurais pleuré, c’est sûr !
— Elle les a montrés à ta maîtresse ?
— Ben non, y a qu’à moi qu’elle l’a dit. C’est pas un secret, alors, je vous le raconte.
— Tu les as vus aujourd’hui seulement ?
— Mais non ! ça fait longtemps. Elle tombe souvent en fait.
Stefano regarde son père.
— Je croyais qu’il n’y avait pas d’escaliers dans ces maisons-là.
— Dis aussi qu’elle ment !
Héloïse se met à pleurer.
— T’es méchant Stefano. Elle raconte pas des histoires ma copine. Même qu’elle raconte que son papa, il la frapperait si elle mentait.
— Nous te croyons ma chérie.
Charlie lui passa la main dans les cheveux et soupira. Décidément…

Une fois la table débarrassée, la vaisselle dans la machine et les enfants partis dans la salle de jeux, Charlie demanda à Joe.
— Tu sais parfaitement comme moi que cette petite est brutalisée par son père non ?
— Hum !
— Et alors ? On laisse faire ?
Joe soupira.
— Tu veux que j’en parle à la femme de Mathurin, elle est assistante sociale.
— Joséphine ? Oui, c’est vrai. Elle est au centre d’action sociale. Mais…
Charlie se détourna. Joe savait bien à quoi elle pensait.

Dans la salle de jeux, Héloïse discutait avec sa poupée. Stefano lisait.
— Pourquoi tu me fais mal ?
— Je ne te fais pas mal, je te frappe parce que tu as fait des bêtises.
— Oui, mais tu me fais mal.

Stefano leva la tête.
— Mais pourquoi tu fais ça à ta Barbie Héloïse ?
— C’est pas grave, il faut bien, elle n’est pas sage. Tu sais, mais tu ne le répètes pas, mon papa, il faisait ça à maman. Elle croit que je le sais pas, mais j’ai tout vu. C’est pour ça qu’on est là. Elle avait peur qu’il me fasse du mal. Heureusement que ton papa, il n’est pas comme ça, hein dis !
Stefano resta muet. Héloïse n’avait pas l’air perturbé plus que ça. Depuis qu’elle était arrivée avec Charlie, elle n’avait jamais fait allusion à cette histoire. La petite fille leva la tête et sourit :
— Tu voudras qu’on se marie quand on sera grands ?
— Tu as de ces questions Héloïse ! Comment veux-tu que je le sache ?
— Moi j’en suis certaine. Et toi ?
— Bah si tu en as envie.
— Sérieux ?
Héloïse lui sauta au cou.
— Viens, on va le dire à maman et papa Joe.
— Attends, il n’y a pas urgence !
— Ça veut dire quoi urgence ? C’est quand on va à l’hôpital ? Mais je ne suis pas malade.
— Non, Héloïse, ça veut dire que ce n’est pas pressé de les prévenir tout de suite.
— Pressé comme un citron ? Je ne comprends rien à ce que tu racontes. Moi, je veux le dire à maman.
Elle se leva et dévala l’escalier, faillit rater une marche, et fut cueillie par Joe qui la rattrapa de justesse.
— Combien de fois faudra-t-il te dire de ne pas courir dans les escaliers ?
Joe avait pris sa grosse voix.
— Je voulais dire quelque chose d’urgent à maman même si c’est pas pressé comme un citron. Mais je peux le dire à toi aussi. Avec Stefano on va se marier.
Le gamin qui descendait regarda son père. Celui-ci faillit éclater de rire devant la mine penaude de son fils.
— Félicitations les enfants ! Vous avez choisi une date ?
Héloïse répondit très sérieusement :
— Tu as de ces questions papa Joe ! Comment veux-tu que je le sache ?

© Minibulle 12 février 2020

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