Petit Paul n’en croit pas ses oreilles en ce premier
avril. Il est encore en pyjama. Il fait frais. Il tremble un peu. Seul sur la
terrasse, ses parents préparant le petit déjeuner, il écoute le piaillement des
oiseaux. Soudain, le couple de mésanges en face de lui se mit à parler :
̶
Rita, penses-tu que nous pouvons nous installer
ici ?
Léo surveillait du coin de l’œil les allées et venues
des moineaux et des merles qui peuplaient le jardin de Papa.
̶
Oui, regarde, il l’a fait pour nous ce nichoir,
j’en suis sûre. La taille de l’entrée est faite juste pour moi. Nous serons en
sécurité tu peux me croire.
Petit Paul oubliait qu’il avait froid. Il n’en
croyait pas ses oreilles. Deux oiseaux discutaient dans l’arbre devant lui. Il
restait immobile. C’était pourtant difficile pour le petit garçon qui ne tenait
jamais en place.
̶
Tu viens Petit Paul ?
̶
Chut !
Le charme fut rompu. Les mésanges s’envolèrent et
Petit Paul déçu et mécontent se tourna vers son père :
̶
Tu les as fait partir, tu n’es pas gentil !
̶
Fais partir qui ? De quoi parles-tu ?
̶
Les oiseaux bleus.
̶
Hum, ça devait être des mésanges.
̶
Elles voudraient faire leur nid dans ta cabane
dans l’arbre.
̶
C’est un nichoir, Petit Paul, ta cabane !
̶
C’est pareil ! Elles voulaient y habiter et
tu leur as fait peur !
̶
Ah, et comment sais-tu ça toi ?
̶
Je les ai entendues.
Papa sourit :
̶
Voyez-vous ça, tu les as entendues. Tu m’en
diras tant !
̶
C’est vrai ! Même qu’il y en a une qui s’appelle
Rita !
̶
Tu as vraiment une sacrée imagination !
Petit Paul tapa du pied et croisa les bras sur sa poitrine,
furieux.
̶
De toute façon, tu ne me crois jamais !
̶
Allez rentre mon bonhomme, viens boire ton lait,
ça te réchauffera.
Papa rentra dans la cuisine.
Les deux mésanges revinrent alors dans l’arbre.
̶ Vous pouvez vous y mettre, ça ne risque rien,
leur dit le petit garçon. Je ne répéterai rien à papa.
Les deux oiseaux hochèrent la tête et s’envolèrent.
Petit Paul rejoignit alors ses parents et s’installa à table. Il était en train
de grignoter un bout de brioche, perdu dans ses pensées, quand brusquement il se leva et partit en courant
dans sa chambre. Papa et Maman surpris n’eurent pas le temps de réaliser qu’il
revenait déjà la mine réjouie :
̶
Poisson d’avril !
Il brandissait deux poissons découpés maladroitement
dans du papier canson coloré.
̶
C’était une blague tout à l’heure. C’est sûr que
les oiseaux ne parlent pas.
Ses parents sourirent et embrassèrent leur petit
garçon en lui demandant de terminer son petit déjeuner avant qu’il ne
refroidisse. Ce qu’il fit sans rechigner.
Plus tard, habillé chaudement, il s’installa à
nouveau sur la terrasse. Il n’en crut pas ses yeux quand il vit tomber du ciel
des petits chocolats. Il s’approcha pour les toucher quand il entendit une
grosse voix souffler :
̶
Tu es bien curieux !
̶
Qui me parle ?
̶
Tu n’as même pas peur ?
̶
Non, je suis grand. J’ai cinq ans !
̶
Je suis Avril.
̶
Avril ?
Petit Paul réfléchit. A l’école, il avait entendu
parler de la date, et mardi quand il y retournerait, la maîtresse avait dit qu’on
changeait de mois.
̶
Tu es le nouveau mois ?
̶ Oui, et j’ai beaucoup de travail. Je commence
avec le poisson et en même temps les cloches de Pâques.
̶
Je ne savais pas que les mois parlaient.
̶
Tu ne peux pas tout savoir, tu es petit encore.
̶
J’ai cinq ans, répéta le petit garçon. Bientôt j’irais
à la grande école tu sais !
̶
Ah oui quand même !
̶
C’est toi qui as amené les chocolats ?
̶ Oui et ce n’est pas toujours le cas. C’est mon
copain Mars quelquefois qui s’en charge. D’ailleurs, il n’était pas content
quand il est parti tout à l’heure. C’est pour ça qu’il ne fait pas chaud, il
était même furieux.
̶
Je peux te voir ?
̶ Mais tu me vois ! Je suis dans les oiseaux
qui bâtissent leur nid, dans les fleurs des cerisiers, dans le parfum que tu
renifles…
̶
Tu es bien bavard, ce matin. Avec qui parles-tu
encore ?
Papa le rejoignit, la veste sur les épaules.
̶
Brr, il ne fait vraiment pas chaud ! dit-il
en se frottant les mains.
̶
Normal, c’est à cause de Mars.
̶ Qu’est-ce que tu racontes encore ?
̶ Si tu regardais mieux, écoutais vraiment, tu le
saurais. Mais les adultes ne comprennent jamais rien.
Petit Paul rentra dans la maison, la tête basse. Papa
haussa les épaules, huma l’air, remonta le col de sa veste et se dit que
décidément, le dicton se vérifiait vraiment ce matin : « En avril, ne
te découvre pas d’un fil ». Quand il aperçut les œufs en chocolat au pied
des arbres, il secoua la tête et se dit que finalement, les adultes ne comprenaient
jamais rien. Il rappela son fils :
̶
Qui a mis ces chocolats dans l’herbe ?
Petit Paul le regarda, un sourire goguenard sur les lèvres :
̶
Ben… Les cloches !
̶
Evidemment !
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