Jasmin fulminait. La pluie le mettait vraiment de mauvaise humeur. En
plus cette fille !!! Elle lui avait mis la tête à l’envers. Pourtant elle
avait un caractère de cochon. Elle râlait sur tout, elle se moquait de tout,
elle ne voyait qu’elle… et lui aussi ne voyait qu’elle. Quel imbécile ! Il
s’en voulait de ne pas avoir insisté pour l’amener à son boulot, il aurait au
moins su où la retrouver. Heureusement qu’il avait eu la présence d’esprit de
laisser sa carte sur la table. Encore fallait-il qu’elle l’ait vue, ça c’était
moins sûr !
Il sortit du parking souterrain et se dirigea vers son bureau.
- Bonjour Monsieur !
Ses collègues le saluaient comme tous les matins. Il venait d’intégrer le
Centre des Impôts dont il en était le chef. Quand il avait offert un pot de
bienvenue et qu’il s’était présenté « Jasmin de la Rochefleurie » il
avait bien vu les sourires sur les visages de tous ses collaborateurs. « Merci
les parents ». Il leur devait ce prénom suite à un pari ridicule un soir
de réussite d’examen bien arrosé. En effet, il avait écopé lui et sa sœur de
prénoms de fleurs. Accolé à leur nom de famille, ça frisait le mauvais goût.
Jasmin et Pétunia. Même ses grands-parents n’avaient pas apprécié mais son père
n’avait pas cédé. Il était pourtant avocat, il aurait pu plaider sa cause
auprès de ses amis mais il les respectait trop, un pari reste un pari. Quant à
sa mère artiste peintre, elle adorait ses enfants et trouvait que ça leur
allait bien. Sa sœur Pétunia, 16 ans, était encore au lycée et grâce à ce prénom
justement pas ordinaire, elle était appréciée de ses amis. Ils la trouvaient pétillante
et fraîche comme la fleur du même nom. Ajouté à ça qu’elle avait de jolis yeux
violets, oui, un vrai pétunia.
Mais lui Jasmin, il n’avait rien d’une fleur : 1m90, brun, musclé
grâce à la natation qu’il pratiquait depuis qu’il avait 10 ans, doté d’une
barbe qui donnait l’impression qu’il n’était pas rasé. Son père d’ailleurs lui en
avait fait la remarque « tu fais négligé mon fils, dans ton travail tu te
dois d’être impeccable ». Quand il avait répondu qu’il était rasé et que c’était
sa tondeuse qui lui faisait « exprès » cette barbe naissante, son
père avait haussé les épaules en ronchonnant dans la sienne, (celle-ci bien fournie
et taillée au cordeau) « que ce n’était pas la peine d’acheter une tondeuse
pour faire une barbe pas rasée ». Bref, il faisait plus penser à un chêne
robuste sur qui on pouvait compter qu’à une fleur fragile qui perdait ses
pétales au moindre coup de vent. De plus travailler aux Impôts, ça ne faisait
vraiment pas rêver et surtout pas aux fleurs.
Il alla se servir un café à la machine avant d’intégrer son bureau et
croisa quelques collègues qui en ce lundi matin avait l’air endormi ou
renfrogné. Sauf une contrôleuse qui elle, avait toujours le sourire quoiqu’il
arrive. Il l’avait rencontrée plusieurs fois pour des dossiers épineux. Elle
lui serra la main en lui demandant s’il avait passé un bon week-end et l’écouta
répondre, ce qui n’était pas le cas de tout le monde. En général, on vous demandait
toujours « ça va ? » et on n’attendait pas la réponse. Il s’était
d’ailleurs dit qu’une fois, il répondrait « non ça ne va pas » juste
pour voir la réaction. Il se rappelait son prénom, « Félicie » parce
que lors d’une réunion ou il demandait qui devait participer à une formation,
elle avait clamé « Félicie aussi » et tout le monde avait ri.
Enfin il réussit à entrer dans son bureau après avoir salué son adjoint
et il posa son café. Avant d’enlever son
manteau, il fouilla ses poches et trouva une carte de visite. Il jura alors
dans sa barbe mal rasée :
- Ce coup-ci c’est fichu, je ne retrouverai jamais cette fille. Il ne
me restait qu’une carte de cet imprimeur débile qui avait oublié de noter mes
coordonnées et il a fallu que ce soit justement celle-là que je lui donne.
Au même moment, Félicie face à son ordinateur saisissait son portable. Muguette
sa meilleure amie, l’appelait.
- Tu ne sais pas quoi ? J’ai
rencontré un mec…
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