Amies depuis la maternelle, Félicie attendait Muguette à leur cafétéria
habituelle. Elles y prenaient leur déjeuner ensemble quand leur emploi du temps
respectif leur permettait.
Elle entendit Muguette arriver avant de l’apercevoir. Celle-ci pestait
en regardant le menu :
- Encore des frites ! Ils n’ont pas entendu parler de la consommation
de 5 fruits et 5 légumes par jour ici ?
Elle la vit bousculer les chaises sur son passage en maugréant, puis s’affaler
enfin en soufflant devant elle.
- Tu vas bien ? Oui ? Comme d’habitude ! sourit Félicie.
Muguette contempla son amie et lui rendit son sourire. Elle seule avait
le don de l’apaiser. Elle lui pardonnait tout, acceptait sans rechigner de l’accompagner
au cinéma voir des films qu’elle n’aimait pas (évidemment les critiques
fusaient ensuite mais Félicie n’y faisait même plus attention, elles passaient
une bonne soirée c’était l’essentiel).
Les deux amies ne se ressemblaient pas autant physiquement que de
caractère, mais c’est bien connu les contraires s’attirent. Félicie, petite
jeune femme brune, coupe au carré, pas complexée pour deux sous par sa taille
et ses rondeurs mises en valeur bien acceptées et Muguette, grande, brune aussi
mais à la crinière indomptée et indomptable comme sa propriétaire d’ailleurs.
- Alors, raconte ! commença Félicie.
- Attends j’ai faim ! Tu as commandé ?
- Je te rappelle que c’est une cafétéria, qu’il faut prendre un plateau
et…
- Oui, oui. Bon, on y va. On laisse les manteaux, personne ne nous
piquera la place.
Félicie éclata de rire.
- Qui la voudra notre place ? Dans le coin, bien cachée par les
plantes et à côté des toilettes.
- Oh ça va ! Je n’aime pas traverser toute la cafète, tout le
monde me regarde.
Elles saisirent un plateau et suivirent la queue qui s’étirait devant
elles.
- Tu as vu le monde ?
- Comme d’habitude Mug !
- Ne m’appelle pas Mug. Je ne suis pas une tasse de thé.
- C’est vrai pour celui qui ne te connait pas, mais tu sais bien que tu
es ma Mug préférée. Elle la bouscula en lui disant ces mots et son rire fusa faisant
se retourner les personnes devant elles.
- Vous voulez nos photos ? aboya Muguette.
Elles choisirent chacune une entrée de crudités, poisson-haricots verts
pour l’une, poulet-frites pour l’autre et une mousse au chocolat pour Félicie
qui ne savait pas terminer son repas sans dessert. Muguette se laissa aussi
tenter tout en le regrettant dès qu’elles retournèrent à leur place.
- Pourquoi tu l’as prise alors ?
- Tu m’as fait envie !
- Alors savoure-la. Bon, alors raconte, tu as rencontré un mec ?
Muguette avala une bouchée de carottes râpées et répondit :
- Tu ne devineras jamais !
- C’est certain si tu ne me dis rien.
- Il pleuvait, le métro était en rade comme d’habitude. J’étais furax…
- Comme d’habitude aussi, l’interrompit Félicie.
- C’est moi qui raconte et si tu me coupes toujours, tu ne sauras rien.
- Compris je me tais, raconte.
- Donc, il pleuvait. Pas de métro, ma cafetière en panne je n’avais pas
pris de petit déjeuner… tu ne trouves pas que les toilettes puent aujourd’hui ?
Tu ne veux pas qu’on change de place ?
Félicie soupira. Comme à chaque fois, elles essaieraient de changer de
place mais comme il y aurait trop de monde et qu’aucune place ne serait libre
ou ne conviendrait pas à Muguette, elles reviendraient au même endroit et son
amie pesterait.
- Non, on reste là. De toute façon, on ne va pas y rester des heures et
en plus tu vas sortir ton « pschitt » de ton sac et…
Aussitôt dit aussitôt fait, Muguette se leva et vaporisa autour d’elles
ses huiles essentielles. Elle alla même jusqu’à la porte des toilettes. Elle se
fit apostropher pas une mamie qui se disait allergique aux huiles, ce à quoi la
jeune femme répondit qu’elle, elle était allergique aux vieilles dames
râleuses.
Félicie blasée déjeunait tranquillement. Mais l’heure tournait.
- Muguette, tu viens t’asseoir et tu me racontes. Dans un quart d’heure,
je retourne au bureau.
- J’en étais où ?
- Tu n’avais pas pris de petit…
- Ah oui, donc j’avais faim. Je suis entrée dans le bar devant le
métro. Il n’y avait pas de place. Un homme m’a proposé de m’installer à sa
table…
- Et …
Muguette soupira en dégustant sa mousse au chocolat.
- Je n’ai pas dût être sympa.
Félicie éclata de rire.
- C’est un euphémisme, tu as dû être horrible. Lui dire qu’il te
draguait, que tu pouvais te débrouiller toute seule…
- Oui. Un silence s’installa.
Félicie regarda son amie qui murmura :
- Il m’a proposé sa voiture…
- Hou la !
- J’ai refusé comme une imbécile et il est parti.
- Et ?
- Il avait laissé sa carte sur la table. Tu te rends compte, il me
draguait vraiment !
- Tu as ses coordonnées alors ?
- Ben non, regarde, il n’y a même pas son téléphone. Par contre, tu as
vu son prénom ?
Félicie jeta un œil sur le bristol et … avala de travers sa dernière
cuillère de mousse au chocolat.
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