Monsieur
Minibulle adore le vélo et ce n’est pas un euphémisme. Quand il dit qu’il
« adore » le vélo c’est style qu’il pense vélo, qu’il dort vélo,
qu’il mange vélo, qu’il s’habille vélo et qu’il a été vacciné par un rayon de
vélo dit-il, et ça depuis … toujours !
Il
a décrété un jour que Mme Minibulle devait aimer aussi le vélo alors il a ramé
pour la convaincre. Il y est allé par petites touches :
—
On fait du vélo ensemble ?
—
Dis, ça ne te dirait pas qu’on fasse du vélo tous les deux ?
—
Tu ne serais plus autant toute seule si tu faisais du vélo avec moi !
—
Et si on t’achetait un vélo ?
Tous
les moyens sont bons pour parvenir à ses fins mais c’est sans compter sur
Madame Minibulle qui renâcle pour l’achat du vélo :
—
J’en veux bien un, mais qu’il me plaise !
C’est-à-dire
que ce n’est pas un vélo de course comme aime Monsieur Minibulle mais un vélo
avec guidon haut qui permet à Madame de se tenir bien droite et non avachie
comme les coureurs. Donc le vélo choisi
a un beau guidon, de jolis gardes bouts (qui pésent trois tonnes dixit Monsieur
Minibulle), a une belle couleur taupe et il est de marque ! Oui Madame
Minibulle ne veut quand même pas n’importe quoi.
—
Tu as voulu m’acheter un vélo et que j’en fasse avec toi, ok, mais c’est moi qui
choisis !
Monsieur
Minibulle s’incline mais il refuse catégoriquement que sa moitié n’achète pas
de casque.
—
Tu mets ce casque sinon …
—
Sinon quoi, je ne fais pas de vélo ? sourit malicieusement Madame
Minibulle.
Après moult explications comme quoi il était quand même dangereux de ne pas mettre
de casque, Madame Minibulle s’incline et en choisit un. Beau évidemment. Pourtant ils se ressemblent
tous semble dire Monsieur Minibulle, mais à croire que non, vu la manière dont
le positionne sur sa tête Madame Minibulle.
—
Ce n’est pas un chapeau là, s’énerve un peu Monsieur Minibulle. Tu l’enfonces
bien, tu ne le mets pas de guingois, et tu mets ta sangle que je vais te
régler.
Il
tient chaud ce casque. Il écrase la frange de Madame Minibulle qui soupire, et
semble trop petit pour faire rentrer sa tignasse de lionne.
—
Non, je n’achèterais pas de tenue de vélo. C’est non négociable. C’est moche.
Elle
n’en fait qu’à sa tête Madame Minibulle et elle choisira plus tard une jupe
short. Les tee-shirts seront au gré de son envie du jour.
Les
voilà enfin prêts pour partir en ballade.
—
Ah mais non, pas en ballade s’indigne Monsieur Minibulle, qui lui a la
« vraie » tenue cycliste et a fait des courses plus jeune
(sic !) on fait du vélo.
Madame
Minibulle ne bronche pas. De toute façon, il ne pourra pas la forcer à aller
plus vite et puis c’est quoi la différence ?
Mais
ce qu’elle n’avait pas envisagé Madame Minibulle c’est qu’elle y prendrait
goût ! Parce que mine de rien, Monsieur Minibulle est un bon
« coach » même s’il y a eu de grands moments de solitude pour Madame
quand il s’agissait de passer les vitesses. Parce qu’il y avait des vitesses
sur son super vélo…Il a donc fallu s’adapter au vocabulaire complètement
loufoque pour elle :
—
Là, il te faut changer de braquet !
(Quezaco ?)
—Tu
mets le grand plateau ou la grosse plaque ! (On parle cuisine là ?)
—
Tu montes d’un cran (Madame Minibulle se trompe de sens, du coup, elle se met à
souffler comme un bœuf parce que c’est trop dur, elle s’est trompée de
sens ! Mais tu m’as dit de monter !!)
Elle
découvre ensuite que Monsieur Minibulle parle bizarrement :
—
Donne un petit coup de cul pour grimper plus facilement (tu parles !)
—
Mets-toi en danseuse ! (Moi j’ai fait de la danse classique, crois-moi
chéri, ce n’est pas ça du tout ta danseuse !)
—
J’ai la socquette légère ! (Traduisez : je tourne les jambes
facilement. Il fallait la trouver celle-là, poète Monsieur Minibulle !)
—
Mets tes mains sur les cocottes !
Là
Madame Minibulle n’a pas pu s’empêcher d’éclater de rire :
—
Les quoi ?
—
Les cocottes.
—
Mais c’est quoi ?
—
Là au-dessus des freins !
—
Ah bon ! Drôles de cocottes !
Elle
découvre aussi que le vent n’est pas toujours son ami et qu’il faut savoir s’en
mettre à l’abri.
—
Mets-toi à l’abri derrière moi.
—
Mais j’ai toujours le vent !
—
Mets-toi comme ça !
Monsieur
Minibulle est patient mais Madame Minibulle renonce. Le vent tourne avec elle.
Elle l’a toujours de face. On dirait qu’il le fait exprès !
Et
puis il y a les faux plats montants, et les faux plats descendants.
—
Un faux plat c’est un faux plat, ronchonne Madame Minibulle, ça veut dire que
ça monte. Dis que c’est une côte !
—
Non, ce n’est pas une côte ! Regarde là-bas, ça c’est une côte !
—
Heu non, on n’y va pas hein !
Monsieur
Minibulle est indulgent, il ne veut pas dégoûter Madame Minibulle, et puis,
elle n’a pas tout à fait le vélo qu’il faut hein pour grimper des côtes. Il est
beau oui son vélo, c’est un fait, mais son prix de beauté pèse lourd ! Et
les mollets de Madame Minibulle ne sont pas encore tout à fait bien entraînés…
—
J’ai soif !
Monsieur
Minibulle tend le bidon.
—
On ne s’arrête pas ?
Il
éclate de rire.
—
Non, tu bois… Et n’arrête pas de pédaler !
—
Mais ça marche comment pour boire, ton bidon ?
—
Tu aspires !
Madame
Minibulle aspire d’un coup et s’étrangle. Courageuse et vexée, elle n’arrête pourtant pas
de pédaler, même si les larmes lui piquent les yeux. Avec les lunettes, elle n’ose
pas dire que ce n’est pas facile de s’essuyer. Son nez coule.
—
Attends il faut que je m’arrête pour me moucher !
—
Mais non, tu fais comme ça !
Geste
à l’appui, elle voit son homme un doigt sur la narine se moucher.
—
Mais quelle horreur, c’est des trucs d’homme ça ! Moi je m’arrête, jamais
je ne saurais faire ça ! et puis j’ai faim ! Tu me donnes un truc et
on s’arrête là !
Elle
montre une allée fort sympathique qui lui permettrait de respirer un peu.
Monsieur Minibulle tend une pâte de fruits. Elle est obligée d’arriver à sa
hauteur pour l’attraper d’une main.
—
Je sais ce qu’il faut faire pour que tu pédales plus vite. Le bidon et à manger
tu rappliques !
—
T’es pas drôle ! On ne s’arrête pas non plus ?
—
On n’est pas là pour faire de la figuration hein ?
Il
sourit. Elle sourit. Elle croque sa pâte de fruits tout en pédalant.
En
vélo, ce qui est bien, c’est que vous croisez des cyclistes. De tous genres,
hommes et femmes.
Monsieur
Minibulle est terrible quand il les croise. Il paraît que tous les « vrais et
bons cyclistes » qui se respectent doivent se saluer. Madame
Minibulle aime bien dire bonjour. Monsieur Minibulle lui a montré comment
faire. Mains sur le guidon, vous levez juste les doigts. Madame Minibulle
préfère le dire clairement. Sauf que tous ceux qui font du vélo n’ont pas envie
de dire bonjour.
—
C’est fou ce que les gens sont impolis, remarque Madame Minibulle. Pas de
sourire, rien, à croire qu’ils ne sont pas heureux de faire du vélo.
Alors
Monsieur Minibulle s’est amusé à deviner comment allaient dire bonjour les
cyclistes qu’ils voyaient arriver de loin.
—
Tu vois celui qui a la tête dans le guidon, ne lèvera même pas le nez.
Monsieur Minibulle le fera sursauter quand il
criera en le croisant :
—
Hey bonjour !
Il
y a celui qui serait presque prêt à s’arrêter pour vous serrer la
main quand il vous crie en levant le bras :
—
Hey Adieu ! (Avec l’accent du sud bien sûr !)
Vous
avez le couple qui comme Monsieur et Madame Minibulle font du vélo et vous
salue en disant :
—
Bonjour Messieurs dames, profitez-en pendant qu’il ne fait pas trop chaud…
Vous
avez les « vrais » cyclistes en groupe qui lèvent à peine le nez, qui
ont les mains sur les « cocottes » et lèvent quatre doigts pour vous
saluer sans dire un mot.
Et
vous avez ceux qui vous ignorent superbement et ceux-là Monsieur Minibulle ça
le fait rire et il sort alors sa phrase qui ne fait rire que lui et dont
il est très fier !
— Il y en a qui se la pètent et moi je me
répète… (Bon, ça ne veut rien dire hein ? Mais il est content).
Une
fois rentrés, Monsieur et Madame Minibulle consultent leurs compteurs.
C’est
alors qu’on entend :
—
Entraînement interrompu !
—
C’est quoi ? Tu sais que tu n’as pas besoin d’application. J’ai mon
compteur qui fonctionne sur mon vélo.
—
Oui mais ton compteur c’est pour toi, moi je ne saurais pas à combien je roule !
Monsieur
Minibulle explique patiemment à Madame qu’étant donné qu’ils roulent ensemble
les données seront les mêmes.
—
Je préfère avoir les miennes c’est plus sûr !
Monsieur
Minibulle n’insiste pas. Il sait que c’est inutile. Madame Minibulle n’en
démordra pas. Sa petite sacoche en bandoulière l’accompagne partout avec son
portable et c’est ainsi.
—
Et donc tes résultats ? demande Monsieur Minibulle
—
J’ai fait du 18kms/h pour 32 kms.
—
Pareil !
—
Ton compteur dit la même chose ?
Monsieur
Minibulle sourit en hochant la tête.
—
Oui mais moi, il dit aussi combien de calories j’ai brûlé !
Monsieur
Minibulle ne peut rient répondre à ça !
—
Je te l’avais dit que ce n’était pas pareil !
Les
femmes ont toujours le dernier mot pas vrai ?
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