Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

mardi 14 janvier 2020

Lettre à Janvier



– Personne n’a rien dit. Je suis arrivé, comme ça, un 1er de l’année, et rien !

Janvier est triste et il se lamente seul dans son grand fauteuil. Du coup, l’hiver ne sait plus trop ce qu’il doit faire. Il fait trop chaud pour la saison à certains endroits et trop froid à d’autres. Janvier a tellement pleuré qu’il en a fait déborder des fleuves. La Garonne ne s’en est pas encore remise. Trop de larmes d’un coup, il semble qu’elle va ressortir 9 fois de son lit. Elle en a assez la Garonne de fuir partout. Elle aime bien se prélasser et parfois être au sec, mais là, vagabonder comme ça dans les champs, ce n’est plus de son âge.
– Arrête de pleurer Janvier, je n’en peux plus.

Peut-être va-t-il se calmer, car aujourd’hui il a reçu une lettre. Une petite fille sans doute, l’enveloppe est parfumée.
Il l’ouvre tranquillement, il craint le pire.
– Cher Janvier,
Je suis bien contente que tu arrives car c’est le mois de mon anniversaire. C’est vrai que ce n’est pas de chance après les fêtes d’avoir encore des cadeaux, mais moi j’aime bien. Alors rien que pour ça, je te remercie d’être là enfin.
Tu es le premier de l’année, qu’est-ce que ça te fait ? Aurais-tu aimé être le dernier ? Avec un nom pareil tu ne pouvais que démarrer l’année, tu t’appelles comme le Dieu romain Janus qui ouvre des portes, qui détient les clés et qui est le dieu des débuts et des fins. Tu vois tu aurais pu être à la fin de l’année, tu aurais préféré ?

Janvier à ce se stade de la lecture, relève la tête. Il ne s’est jamais posé une telle question. Terminer l’année au lieu de la commencer ? Quelle drôle d’idée. C’est à lui que reviendraient les fêtes de Noël, le sapin, les cadeaux ? Jamais Décembre ne voudrait échanger avec lui. Pourtant, ils ont tous deux 31 jours, seul l’ordre est à inverser. Janvier soupire, il y a belle lurette qu’il démarre l’année avec un jour férié et il ne se voit pas travailler en arrivant. Rien que pour ça, il n’a pas envie de changer. C’est vrai quoi, débarquer et se reposer, quelle belle idée. Il peut prendre le temps de regarder autour de lui, de réfléchir à ce qu’il va bien pouvoir faire pour rendre les gens heureux. Débuter une nouvelle année, c’est un merveilleux challenge qu’il essaie de relever chaque fois. Il poursuit sa lecture.

– Tu aimes bien la galette Janvier ? Tu n’es pas en colère qu’il y en ait déjà en décembre ?
À nouveau, il s’interrompt. Décidément, son compagnon précédent en prend à ses aises avec ce gâteau. Il devrait lui en parler. C’est le 6 janvier l’épiphanie, pas un autre jour. Quelle tristesse, tout se perd. Il écrase une larme et continue sa lecture.

– Tu connaissais l’histoire de celui qui avait la fève ? Il devait en repayer une ? J’ai de la chance, ce n’est pas moi qui l’ai eue. Pourtant, j’aurais bien aimé, mais c’est papa qui l’a trouvée. Ce n’est pas grave, je sais qu’il va en racheter et ce sera la surprise. Au fait, tu vas faire tomber des flocons chez moi cette année ? Je n’en vois jamais moi. Je n’ai pas de montagne, je n’ai pas la mer, je suis juste là, dans un paysage normal. Lorsque je regarde à la télé, tous les gens qui partent en vacances à la neige, je les envie. Je n’y vais jamais moi, je n’ai pas assez d’argent. Tu sais ce qu’il pense mon papa ? Que les hommes sont bizarres quand même. Ils râlent quand ça glisse sur la route et dès qu’ils le peuvent, ils filent à la montagne pour skier et la trouver. Ce n’est pas la même là-bas ?
Janvier sourit. Il devrait réfléchir à ce problème. Comment faire pour que tous les enfants puissent profiter de cette belle poudre blanche ? Mais il pense que ça va encore crier dans les chaumières, s’il détraque la météo. Déjà qu’il a beaucoup pleuré, enfin… pas que lui, décembre s’en est mêlé aussi, d’ailleurs, il se demande bien pourquoi.

– Tu sais que c’est toi qui décides quel sera le temps des autres mois ? Tu crois que nous allons avoir une belle année ? Moi j’aime bien les fruits, les fleurs. Si tu fais bien ton travail, tout ira bien. Mais un proverbe dit que « janvier sans gelée n’amène pas une bonne année » alors tu vas faire comment ?
Janvier se lève brutalement. Les arbres même démunis de leurs feuilles bruissent de peur.
Il grogne, il marche de long en large. Cette lettre l’agace, car elle lui montre encore une fois que quoi qu’il fasse, personne ne sera content. Et si on le laissait faire tranquillement son boulot ? Janvier, c’est janvier. Il peut faire froid, mais beau, il peut pleuvoir s’il en a envie, il peut faire plus chaud que d’habitude s’il a décidé de rencontrer son ami Soleil et qu’ils bavassent tous les deux oubliant l’heure et du coup faisant monter la température. Mais de quel droit lui dicterait-on sa conduite ?

– Je sais bien que tu feras comme tu pourras, je t’aime bien, et je te souhaite une heureuse année, parce que finalement c’est toi qui donnes le ton.
C’était signé Aurore.  
Quel joli prénom ! il pensa à sa copine, qui se levait tous les jours, quoiqu’il arrive. Elle était un peu sombre en ce moment, mais bientôt elle allait gagner en luminosité et retrouver toute sa splendeur.

Janvier replia la lettre et l’enfouit dans une poche de son grand manteau. Il fera comme il voudra, comme il pourra, et tant pis pour les mécontents. Après tout, ne dit-on pas que de toute façon la météo, il faut bien faire avec ? Il éclata de rire. Le soleil pointa alors le bout de son nez.


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