– Personne
n’a rien dit. Je suis arrivé, comme ça, un 1er de l’année, et rien !
Janvier
est triste et il se lamente seul dans son grand fauteuil. Du coup, l’hiver ne
sait plus trop ce qu’il doit faire. Il fait trop chaud pour la saison à
certains endroits et trop froid à d’autres. Janvier a tellement pleuré qu’il en
a fait déborder des fleuves. La Garonne ne s’en est pas encore remise. Trop de
larmes d’un coup, il semble qu’elle va ressortir 9 fois de son lit. Elle
en a assez la Garonne de fuir partout. Elle aime bien se prélasser et parfois
être au sec, mais là, vagabonder comme ça dans les champs, ce n’est plus de son
âge.
– Arrête
de pleurer Janvier, je n’en peux plus.
Peut-être
va-t-il se calmer, car aujourd’hui il a reçu une lettre. Une petite fille sans
doute, l’enveloppe est parfumée.
Il
l’ouvre tranquillement, il craint le pire.
– Cher
Janvier,
Je
suis bien contente que tu arrives car c’est le mois de mon anniversaire. C’est
vrai que ce n’est pas de chance après les fêtes d’avoir encore des cadeaux,
mais moi j’aime bien. Alors rien que pour ça, je te remercie d’être là enfin.
Tu
es le premier de l’année, qu’est-ce que ça te fait ? Aurais-tu aimé être le
dernier ? Avec un nom pareil tu ne pouvais que démarrer l’année, tu t’appelles
comme le Dieu romain Janus qui ouvre des portes, qui détient les clés et qui
est le dieu des débuts et des fins. Tu vois tu aurais pu être à la fin de
l’année, tu aurais préféré ?
Janvier
à ce se stade de la lecture, relève la tête. Il ne s’est jamais posé une telle
question. Terminer l’année au lieu de la commencer ? Quelle drôle d’idée. C’est
à lui que reviendraient les fêtes de Noël, le sapin, les cadeaux ? Jamais
Décembre ne voudrait échanger avec lui. Pourtant, ils ont tous deux 31 jours,
seul l’ordre est à inverser. Janvier soupire, il y a belle lurette qu’il démarre
l’année avec un jour férié et il ne se voit pas travailler en arrivant. Rien
que pour ça, il n’a pas envie de changer. C’est vrai quoi, débarquer et se
reposer, quelle belle idée. Il peut prendre le temps de regarder autour de lui,
de réfléchir à ce qu’il va bien pouvoir faire pour rendre les gens heureux. Débuter
une nouvelle année, c’est un merveilleux challenge qu’il essaie de relever
chaque fois. Il poursuit sa lecture.
– Tu
aimes bien la galette Janvier ? Tu n’es pas en colère qu’il y en ait déjà en
décembre ?
À
nouveau, il s’interrompt. Décidément, son compagnon précédent en prend à ses
aises avec ce gâteau. Il devrait lui en parler. C’est le 6 janvier l’épiphanie,
pas un autre jour. Quelle tristesse, tout se perd. Il écrase une larme et continue
sa lecture.
– Tu
connaissais l’histoire de celui qui avait la fève ? Il devait en repayer une ?
J’ai de la chance, ce n’est pas moi qui l’ai eue. Pourtant, j’aurais bien aimé,
mais c’est papa qui l’a trouvée. Ce n’est pas grave, je sais qu’il va en racheter
et ce sera la surprise. Au fait, tu vas faire tomber des flocons chez moi cette
année ? Je n’en vois jamais moi. Je n’ai pas de montagne, je n’ai pas la mer,
je suis juste là, dans un paysage normal. Lorsque je regarde à la télé, tous
les gens qui partent en vacances à la neige, je les envie. Je n’y vais jamais
moi, je n’ai pas assez d’argent. Tu sais ce qu’il pense mon papa ? Que les hommes
sont bizarres quand même. Ils râlent quand ça glisse sur la route et dès qu’ils
le peuvent, ils filent à la montagne pour skier et la trouver. Ce n’est pas la
même là-bas ?
Janvier
sourit. Il devrait réfléchir à ce problème. Comment faire pour que tous les
enfants puissent profiter de cette belle poudre blanche ? Mais il pense que ça
va encore crier dans les chaumières, s’il détraque la météo. Déjà qu’il a
beaucoup pleuré, enfin… pas que lui, décembre s’en est mêlé aussi, d’ailleurs,
il se demande bien pourquoi.
– Tu
sais que c’est toi qui décides quel sera le temps des autres mois ? Tu crois
que nous allons avoir une belle année ? Moi j’aime bien les fruits, les fleurs.
Si tu fais bien ton travail, tout ira bien. Mais un proverbe dit que « janvier
sans gelée n’amène pas une bonne année » alors tu vas faire comment ?
Janvier
se lève brutalement. Les arbres même démunis de leurs feuilles bruissent de
peur.
Il
grogne, il marche de long en large. Cette lettre l’agace, car elle lui montre
encore une fois que quoi qu’il fasse, personne ne sera content. Et si on le
laissait faire tranquillement son boulot ? Janvier, c’est janvier. Il peut
faire froid, mais beau, il peut pleuvoir s’il en a envie, il peut faire plus
chaud que d’habitude s’il a décidé de rencontrer son ami Soleil et qu’ils bavassent
tous les deux oubliant l’heure et du coup faisant monter la température. Mais
de quel droit lui dicterait-on sa conduite ?
– Je
sais bien que tu feras comme tu pourras, je t’aime bien, et je te souhaite une heureuse
année, parce que finalement c’est toi qui donnes le ton.
C’était
signé Aurore.
Quel
joli prénom ! il pensa à sa copine, qui se levait tous les jours, quoiqu’il
arrive. Elle était un peu sombre en ce moment, mais bientôt elle allait gagner
en luminosité et retrouver toute sa splendeur.
Janvier
replia la lettre et l’enfouit dans une poche de son grand manteau. Il fera
comme il voudra, comme il pourra, et tant pis pour les mécontents. Après tout,
ne dit-on pas que de toute façon la météo, il faut bien faire avec ? Il éclata
de rire. Le soleil pointa alors le bout de son nez.
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