Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

mercredi 2 octobre 2019

Amour toujours


Logorallye écrit avec des mots proposés dont le thème était l’horreur, le fantastique.

Plic ploc, plic ploc. Encore cette satanée gouttière pensa Josette.
Quelle déchéance ! Elle vivait dans cette bicoque délabrée alors qu’avant…

Même sous la torture, elle ne dirait rien. Elle ne la supportait plus cette maison. Abandonnée de tous, elle vivotait. Pourtant, à bien y regarder, elle n’était pas moche cette baraque. C’était tout ce qu’on lui avait proposé. Elle était arrivée dans cet endroit, les mains sanguinolentes qu’elle avait difficilement cachées. Le flic souhaitait la protéger, tu parles ! Il voulait coffrer son homme. Elle, elle l’aimait. Elle refusait qu’on lui fasse du mal mais lui s’était-il posé la question quand il la mettait au supplice ? Elle mourrait de trouille quand il rentrait, elle en avait le cerveau en destruction, et lui, il avait le sourire enjôleur, toujours ! À chaque fois, elle y croyait ! Il n’allait plus braquer, il allait s’assagir, il lui promettait. À quand sa rédemption ? Parfois, ça durait un mois, quelquefois deux où ils étaient un couple normal. Il n’y avait jamais eu de crimes, il lui avait juré. Et puis un jour…
Ils étaient tous les deux en train de scier du bois pour l’hiver. Jeremy maniait la tronçonneuse comme un chef. Josette se rappelait encore, le parfum de résine qui se dégageait de l’arbre coupé. Le bonheur était à portée de mains, elle y croyait. Et puis tout avait dérapé !
Quelle abomination ce voisin ! Il lui tournait autour. Elle s’en était bien rendu compte, mais elle n’avait pas voulu en parler. Elle aurait dû ! Quand il avait débarqué dans la forêt pour proposer son aide avec ses sourires mielleux à la façon d’un représentant de dentifrice, elle avait bien compris que Jeremy soufflait. Elle le vit déposer calmement son outil au sol, oubliant volontairement de l’éteindre. Il s’avança, bouscula ce con de voisin, puis s’approcha de lui, le renifla à la manière d’un vampire, terrorisant l’homme qui tenta de rigoler. Bien mal lui en pris ! L’égorgement ne dura qu’une minute. Il tomba sur la tronçonneuse qui fit son travail. Pas besoin de cordelette. Il était mort. À ce moment précis, Josette détesta Jeremy. Il avait tout bousillé. Elle avait cru qu’il regretterait. Même pas ! La haine la submergea. C’était ça l’exécration ? Jamais, elle n’avait connu ce sentiment qui la dévorait.
Comme dans un brouillard elle le vit, creuser un trou et l’enterrer sans une once de remords. Bêtement, elle pensa aux papiers administratifs qu’il faudrait fournir, puis elle éclata de rire comme une folle. La faucheuse était passée pour ce pauvre voisin qui avait eu le malheur de craquer sur elle.
Quand Jeremy l’entraîna avec lui, elle le suivit comme un zombie qu’elle était devenue. Les jours d’après furent tellement angoissants que ses viscères se tordaient à chaque fois qu’elle entendait une voiture rouler devant chez eux.
Et tout recommença. Ses copains débarquèrent, et il étala des plans sur la table, il se reprit à étudier les allées et venues des gardiens de sécurité. Quelle damnation cet homme ! il fallait qu’elle parte !
Mais où s’enfuir ? Il y avait longtemps qu’elle n’avait plus de famille. Depuis qu’il était entré dans sa vie, si elle y réfléchissait bien. Alors qu’elle était une gosse de riches, une fille à papa, qu’elle pouvait prétendre à un héritage fabuleux, elle avait choisi le mauvais chemin.
Comme disait son père, elle avait plus que pêché, elle méritait la lapidation. On ne se lie pas avec un voyou, même s’il est le meilleur, et qu’il a l’air d’un gentleman.

— T’inquiète pas bébé, ça va aller comme sur des roulettes. Ce n’est pas encore aujourd’hui que tu iras au cimetière creuser ma tombe.
Elle avait horreur de ce surnom. Bébé, comme dans le film Dirty dancing, qu’elle adorait parce qu’il la faisait rêver et que les musiques l’enivraient.
Elle n’en pouvait plus de cet écartèlement, soit quitter son dangereux amour, soit retourner chez son père, où aucun gourdin ne l’attendait caché derrière la porte.
Sauf que ça n’avait pas tourné comme Jeremy l’avait prédit. Quand elle le vit revenir chez eux, le visage en sang et des plaies purulentes sur le torse, elle crut vivre les tréfonds de l’enfer.
Comment le soigner ? Plus de copains à l’horizon, ils étaient seuls. Il ne voulait pas entendre parler de médecin, et il se mit à délirer.
Alors elle appela son père au secours. Quand on a de l’argent, c’est tellement facile de faire jouer ses relations. L’enlèvement de Jeremy vers une clinique privée ne posa aucun problème.
Le regard noir de son paternel la cloua sur place.
— S’il ne tenait qu’à moi, je demanderais qu’il soit éviscéré. Ainsi, il ne te causerait plus de soucis.
Elle savait qu’il n’en ferait rien, parce qu’elle était sa fille unique et qu’il l’aimait. La preuve, il était accouru à son appel.
— Je t’interdis de prendre de ses nouvelles, laisse-moi faire.

Elle errait seule comme une âme en peine. Elle se sentait démembrée sans lui. Une partie d’elle était partie avec lui.
Quand le flic débarqua chez elle, comme un charognard qui guette sa proie, elle faillit ne pas ouvrir. Il fallait qu’il ne se doute de rien. Après tout, elle n’avait rien à se reprocher.
— Connaissez-vous un certain Jeremy Depain ?
— Vous pourriez au moins dire bonjour.
Elle cherchait à gagner du temps parce qu’elle ne savait pas quoi lui répondre.
— Dommage qu’une jolie femme comme vous copine avec un homme toxique comme lui. Mais vous avez raison, restons polis. Je suis le capitaine Malpartout.
Elle faillit éclater de rire. Il ne manquerait plus qu’il s’appelle Roger, pensa-t-elle. Roger Malpartout, ça sonne bien. Mais elle réussit à garder son sérieux.
— J’aimerais que vous veniez avec moi. J’ai quelqu’un à vous montrer. Enfin, je ne vous demande pas votre avis, suivez-moi.
Elle obtempéra. De toute façon, comment résister à un capitaine de police qui a mal partout.
— Je vous emmène à la morgue et vous allez me dire si vous reconnaissez un corps avant son autopsie.
Les jambes flageolantes, elle suivit le policier, sans piper un mot.
Les locaux étaient glacials et laids. On ne pouvait pas demander non plus qu’il y ait des fleurs et des coussins moelleux disséminés ici et là dans un endroit pareil. La table avec les scalpels qui attendaient sagement de se rendre utiles, lui fit froid dans le dos.
Un tiroir qu’on ouvre, une forme allongée encore recouverte. Elle respira à fond.
— Je vous présente votre petit copain Jeremy Depain.
Il souleva brutalement le drap blanc. Aucune expression ne filtra sur le visage de Josette.
— Je ne connais pas cet homme. Du reste, je vois mal comment je pourrais donner un avis.
— C’est vrai qu’il n’est pas beau. On dirait qu’il s’est fait dévorer par un cannibale.
Comment pouvait-il le savoir ? Elle, elle n’avait jamais rencontré de cannibale à l’action. À ce moment-là, une porte claqua violemment et deux hommes entrèrent. Ils étaient coiffés de grands chapeaux de cow-boys et des bandanas cachaient la moitié de leur physionomie.
Le capitaine Malpartout n’eut pas le temps de porter la main à son arme que sa tête volait en éclats. Josette pétrifiée sentit qu’on la tirait par le bras et qu’on lui essuyait son visage ensanglanté par les éclaboussures de sang.
Elle avait du mal à suivre les deux individus. Finalement, l’un des deux la souleva comme une plume et la balança sur son épaule comme un vulgaire sac de patates. Elle eut le temps de voir un camion bétonnière qui passait devant eux à toute allure et de penser que le capitaine allait vraiment avoir mal partout et puis plus rien.

Plic ploc plic ploc. Elle était encore seule. Elle ne savait pas qui étaient les hommes qui l’avaient sauvée. Son père était passé pour lui dire que ce capitaine venait pour la protéger. Elle n’y croyait toujours pas. Quand elle avait raconté ce qui s’était déroulé à la morgue, il avait hoché la tête, surpris. Il n’y était pour rien. Par contre, ce qu’il avait à lui annoncer était plus ennuyeux. Jeremy devait subir une trépanation. Il ajouta qu’il aurait préféré une décapitation, mais, il paraît que ça ne se faisait plus, il s’était incliné. Il risquait de perdre la mémoire.
— Il ne va plus se souvenir de moi ? osa-t-elle demander
— Ce serait une bonne chose en effet !
— Peut-être aussi qu’il ne pensera plus à tous ses braquages, espérait-elle.

Josette dormait à poings fermés quand un hurlement la réveilla en sursaut. Elle se leva en hâte et regarda par la fenêtre.
Quand il entra dans la pièce, elle n’eut même pas peur. Il était magnifique ce loup-garou, elle le reconnut immédiatement. Voilà ce qu’ils en avaient fait avec leur putain de trépanation. Il la souleva comme un fétu de paille et le clair de lune les vit s’enfuir dans la nature. Josette pensa que son nouveau parfum d’animal sauvage qui ressemblait plus à de la putréfaction allait la déranger. Il faudrait qu’il en change. Elle se blottit quand même contre sa fourrure pour avoir plus chaud, elle ne portait qu’une nuisette.

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