Logorallye écrit avec
des mots proposés dont le thème était l’horreur, le fantastique.
Plic
ploc, plic ploc. Encore cette satanée gouttière pensa Josette.
Quelle
déchéance ! Elle vivait dans cette bicoque délabrée alors qu’avant…
Même
sous la torture, elle ne dirait rien. Elle ne la supportait plus cette
maison. Abandonnée de tous, elle vivotait. Pourtant, à bien y regarder, elle
n’était pas moche cette baraque. C’était tout ce qu’on lui avait proposé. Elle
était arrivée dans cet endroit, les mains sanguinolentes qu’elle avait difficilement
cachées. Le flic souhaitait la protéger, tu parles ! Il voulait coffrer son
homme. Elle, elle l’aimait. Elle refusait qu’on lui fasse du mal mais lui s’était-il
posé la question quand il la mettait au supplice ? Elle mourrait de
trouille quand il rentrait, elle en avait le cerveau en destruction, et
lui, il avait le sourire enjôleur, toujours ! À chaque fois, elle y croyait !
Il n’allait plus braquer, il allait s’assagir, il lui promettait. À quand sa rédemption ?
Parfois, ça durait un mois, quelquefois deux où ils étaient un couple normal.
Il n’y avait jamais eu de crimes, il lui avait juré. Et puis un jour…
Ils
étaient tous les deux en train de scier du bois pour l’hiver. Jeremy maniait la
tronçonneuse comme un chef. Josette se rappelait encore, le parfum de
résine qui se dégageait de l’arbre coupé. Le bonheur était à portée de mains,
elle y croyait. Et puis tout avait dérapé !
Quelle
abomination ce voisin ! Il lui tournait autour. Elle s’en était bien
rendu compte, mais elle n’avait pas voulu en parler. Elle aurait dû ! Quand il
avait débarqué dans la forêt pour proposer son aide avec ses sourires mielleux
à la façon d’un représentant de dentifrice, elle avait bien compris que Jeremy
soufflait. Elle le vit déposer calmement son outil au sol, oubliant
volontairement de l’éteindre. Il s’avança, bouscula ce con de voisin, puis
s’approcha de lui, le renifla à la manière d’un vampire, terrorisant
l’homme qui tenta de rigoler. Bien mal lui en pris ! L’égorgement ne dura
qu’une minute. Il tomba sur la tronçonneuse qui fit son travail. Pas besoin de
cordelette. Il était mort. À ce moment précis, Josette détesta Jeremy. Il
avait tout bousillé. Elle avait cru qu’il regretterait. Même pas ! La haine la
submergea. C’était ça l’exécration ? Jamais, elle n’avait connu ce
sentiment qui la dévorait.
Comme
dans un brouillard elle le vit, creuser un trou et l’enterrer sans une once de
remords. Bêtement, elle pensa aux papiers administratifs qu’il faudrait
fournir, puis elle éclata de rire comme une folle. La faucheuse était
passée pour ce pauvre voisin qui avait eu le malheur de craquer sur elle.
Quand
Jeremy l’entraîna avec lui, elle le suivit comme un zombie qu’elle était
devenue. Les jours d’après furent tellement angoissants que ses viscères
se tordaient à chaque fois qu’elle entendait une voiture rouler devant chez eux.
Et
tout recommença. Ses copains débarquèrent, et il étala des plans sur la table, il
se reprit à étudier les allées et venues des gardiens de sécurité. Quelle damnation
cet homme ! il fallait qu’elle parte !
Mais
où s’enfuir ? Il y avait longtemps qu’elle n’avait plus de famille. Depuis
qu’il était entré dans sa vie, si elle y réfléchissait bien. Alors qu’elle
était une gosse de riches, une fille à papa, qu’elle pouvait prétendre à un héritage
fabuleux, elle avait choisi le mauvais chemin.
Comme
disait son père, elle avait plus que pêché, elle méritait la lapidation.
On ne se lie pas avec un voyou, même s’il est le meilleur, et qu’il a l’air
d’un gentleman.
— T’inquiète
pas bébé, ça va aller comme sur des roulettes. Ce n’est pas encore aujourd’hui
que tu iras au cimetière creuser ma tombe.
Elle
avait horreur de ce surnom. Bébé, comme dans le film Dirty dancing, qu’elle
adorait parce qu’il la faisait rêver et que les musiques l’enivraient.
Elle
n’en pouvait plus de cet écartèlement, soit quitter son dangereux amour,
soit retourner chez son père, où aucun gourdin ne l’attendait caché
derrière la porte.
Sauf
que ça n’avait pas tourné comme Jeremy l’avait prédit. Quand elle le vit
revenir chez eux, le visage en sang et des plaies purulentes sur le
torse, elle crut vivre les tréfonds de l’enfer.
Comment
le soigner ? Plus de copains à l’horizon, ils étaient seuls. Il ne voulait pas
entendre parler de médecin, et il se mit à délirer.
Alors
elle appela son père au secours. Quand on a de l’argent, c’est tellement facile
de faire jouer ses relations. L’enlèvement de Jeremy vers une clinique
privée ne posa aucun problème.
Le
regard noir de son paternel la cloua sur place.
— S’il
ne tenait qu’à moi, je demanderais qu’il soit éviscéré. Ainsi, il ne te
causerait plus de soucis.
Elle
savait qu’il n’en ferait rien, parce qu’elle était sa fille unique et qu’il
l’aimait. La preuve, il était accouru à son appel.
— Je
t’interdis de prendre de ses nouvelles, laisse-moi faire.
Elle
errait seule comme une âme en peine. Elle se sentait démembrée sans lui.
Une partie d’elle était partie avec lui.
Quand
le flic débarqua chez elle, comme un charognard qui guette sa proie,
elle faillit ne pas ouvrir. Il fallait qu’il ne se doute de rien. Après tout,
elle n’avait rien à se reprocher.
— Connaissez-vous
un certain Jeremy Depain ?
— Vous
pourriez au moins dire bonjour.
Elle
cherchait à gagner du temps parce qu’elle ne savait pas quoi lui répondre.
— Dommage
qu’une jolie femme comme vous copine avec un homme toxique comme lui.
Mais vous avez raison, restons polis. Je suis le capitaine Malpartout.
Elle
faillit éclater de rire. Il ne manquerait plus qu’il s’appelle Roger,
pensa-t-elle. Roger Malpartout, ça sonne bien. Mais elle réussit à garder son
sérieux.
— J’aimerais
que vous veniez avec moi. J’ai quelqu’un à vous montrer. Enfin, je ne vous
demande pas votre avis, suivez-moi.
Elle
obtempéra. De toute façon, comment résister à un capitaine de police qui a mal
partout.
— Je
vous emmène à la morgue et vous allez me dire si vous reconnaissez un corps
avant son autopsie.
Les
jambes flageolantes, elle suivit le policier, sans piper un mot.
Les
locaux étaient glacials et laids. On ne pouvait pas demander non plus qu’il y
ait des fleurs et des coussins moelleux disséminés ici et là dans un endroit
pareil. La table avec les scalpels qui attendaient sagement de se rendre
utiles, lui fit froid dans le dos.
Un
tiroir qu’on ouvre, une forme allongée encore recouverte. Elle respira à fond.
— Je
vous présente votre petit copain Jeremy Depain.
Il
souleva brutalement le drap blanc. Aucune expression ne filtra sur le visage de
Josette.
— Je
ne connais pas cet homme. Du reste, je vois mal comment je pourrais donner un
avis.
— C’est
vrai qu’il n’est pas beau. On dirait qu’il s’est fait dévorer par un cannibale.
Comment
pouvait-il le savoir ? Elle, elle n’avait jamais rencontré de cannibale à
l’action. À ce moment-là, une porte claqua violemment et deux hommes entrèrent.
Ils étaient coiffés de grands chapeaux de cow-boys et des bandanas cachaient la
moitié de leur physionomie.
Le
capitaine Malpartout n’eut pas le temps de porter la main à son arme que sa
tête volait en éclats. Josette pétrifiée sentit qu’on la tirait par le bras et
qu’on lui essuyait son visage ensanglanté par les éclaboussures de sang.
Elle
avait du mal à suivre les deux individus. Finalement, l’un des deux la souleva
comme une plume et la balança sur son épaule comme un vulgaire sac de patates.
Elle eut le temps de voir un camion bétonnière qui passait devant eux à
toute allure et de penser que le capitaine allait vraiment avoir mal partout et
puis plus rien.
Plic
ploc plic ploc. Elle était encore seule. Elle ne savait pas qui étaient les
hommes qui l’avaient sauvée. Son père était passé pour lui dire que ce
capitaine venait pour la protéger. Elle n’y croyait toujours pas. Quand elle
avait raconté ce qui s’était déroulé à la morgue, il avait hoché la tête,
surpris. Il n’y était pour rien. Par contre, ce qu’il avait à lui annoncer
était plus ennuyeux. Jeremy devait subir une trépanation. Il ajouta
qu’il aurait préféré une décapitation, mais, il paraît que ça ne se
faisait plus, il s’était incliné. Il risquait de perdre la mémoire.
— Il
ne va plus se souvenir de moi ? osa-t-elle demander
— Ce
serait une bonne chose en effet !
— Peut-être
aussi qu’il ne pensera plus à tous ses braquages, espérait-elle.
Josette
dormait à poings fermés quand un hurlement la réveilla en sursaut. Elle se leva
en hâte et regarda par la fenêtre.
Quand
il entra dans la pièce, elle n’eut même pas peur. Il était magnifique ce loup-garou,
elle le reconnut immédiatement. Voilà ce qu’ils en avaient fait avec leur
putain de trépanation. Il la souleva comme un fétu de paille et le clair de
lune les vit s’enfuir dans la nature. Josette pensa que son nouveau parfum
d’animal sauvage qui ressemblait plus à de la putréfaction allait la
déranger. Il faudrait qu’il en change. Elle se blottit quand même contre sa
fourrure pour avoir plus chaud, elle ne portait qu’une nuisette.
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