Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

mardi 7 janvier 2020

Marie-Sophie, entre les deux son cœur balance


Je rentre du travail et je ne suis pas franchement de belle humeur. Finis Noël et le Nouvel An, j'ai dû reprendre le collier et avec ça, retrouver les collègues.
Je déteste présenter mes vœux. Il faut embrasser, sourire, se souhaiter la bonne santé. Ça m’agace ! de toute façon, je peux toujours leur souhaiter, s’il s’avère qu’il leur arrive des catastrophes, ce ne sera pas de ma faute, j’aurais rempli mon taf !
Charles est à sa porte. J’ai l’impression qu’il m’attend. Je stoppe devant chez lui et baisse ma vitre laissant tourner le moteur. À lui, je vais dire qu'il ait le meilleur et je serai sincère.
— Bonne année Pépé. Que tout se passe bien pour toi. Au fait, tu as revu Célestine ?
— Tu es bien curieuse !
— Tu rougis ? Je n’y crois pas ! Alors, raconte !
Il bougonna dans sa barbe et changea de conversation.
— Je te souhaite aussi une merveilleuse année MarieSophe.
J’aimais quand il m’appelait comme ça.
— J’espère que tu vas enfin te trouver un petit copain.
C’était trop beau, il fallait qu’il gâche tout. Rageusement, je remontais la vitre et partais rentrer la voiture chez moi.
— Ne fais pas la tête !
Il m’avait suivi le bougre. Il est vrai que nous n’étions pas loin l’un de l’autre. Je sortis le pain encore tout chaud de chez Archibald et reclaquais la portière.
— Pourquoi tu n’acceptes pas de rencontrer Florent ?
— Alors là, c’est le bouquet, tu m’accuses d’être curieuse, mais toi, tu es pire. Tu n’as qu’à jouer à l’entremetteur tant que tu y es.
— Mais quel caractère !
— Qu’a-t-elle encore fait ?
Il ne manquait plus que ma mère qui vienne aux nouvelles. Je vous rassure, nous n’habitons pas ensemble, mais nous sommes voisins. Je ne suis pas un Tanguy au féminin. Mais telle que je la connais, elle a dû surveiller la voiture. Elle sait mes horaires de bureau. Elle me serra dans ses bras comme si j’étais encore sa petite fille. J’aime bien, j’avoue, mais devant Charles, ça me chagrine un peu. Elle lui tendit la main et réitéra sa question. Mais Charles ne lui répondit pas, la salua et retourna chez lui.
— Je n’arrive pas à comprendre pourquoi tu t’entêtes à l’appeler pépé, alors que ce n’est même pas ton grand-père. Il a un fichu caractère quand même non ?
— Je ne trouve pas, moi je l’aime bien, et il est toujours là quand j’ai besoin de lui.
— Et nous, nous ne comptons pas ?
J’aurais mieux fait de me taire, elle va me tanner pour en savoir davantage, et je vais encore avoir droit au sempiternel refrain.
— Tu es malheureuse ? J’ai fait quelque chose qu’il ne fallait pas ?
Et voilà, c’est parti. Je l’aime bien, maman. Pourtant, il y a des fois, je regrette d’habiter si près de chez eux. Papa était architecte et quand il a construit ce lotissement, il m’a gentiment proposé d’acquérir une maison. À l’époque, je commençais juste à bosser, j’avais à peine vingt ans, je me suis dit que c’était une bonne idée. Mais je n’avais pas imaginé que dix ans plus tard, je serais toujours au même endroit seule. Surtout qu’ils n’habitaient pas là avant… lorsqu' ils ont eu l’opportunité de se rapprocher, ils ont sauté sur l’occasion comme un chat sur une souris. J’étais heureuse au début, et puis, au fur et à mesure, j’ai commencé à trouver un peu lourd qu’ils me surveillent. Je vais avoir 30 ans quand même !
— Tu viens dîner à la maison ?
Je voulais regarder Netflix ce soir et pas l'envie de me faire questionner encore et encore par papa qui espère toujours que je vais avoir de l’augmentation. Il me serine que je n’ai aucune ambition.
— Maman, je suis fatiguée. J’ai plein de choses à faire, et il faut que je mette de l’ordre un peu chez moi.
— Pourquoi ? Tu es toute seule, tu ne dois pas avoir grand-chose à ranger ? Si ? Ah, mais peut-être que tu as un petit copain et que tu ne souhaites pas que je le rencontre ? C’est ça ? Tu sais, nous serions tellement heureux ton père et moi que…
Je ne l’écoute même plus. Ce refrain je le connais par cœur. Elle me suit pourtant dans la cuisine et je la vois regarder partout, histoire de se rendre compte s’il n’y a rien qui traine comme une paire de chaussettes masculines.
Déçue, elle me sourit :
— Alors, je te laisse. Passe une bonne soirée, et n’hésite surtout pas à venir, si jamais tu changeais d’avis.
Elle m’embrasse et ne reste plus que dans la pièce son parfum. Je soupire. Je l’aime ma maman et je regretterais presque de lui faire de la peine en préférant être ici toute seule. Il faut que j’arrête de culpabiliser. Elle est très forte à ce jeu-là, ma mère !
Charles a dû voir qu’elle était partie, il est là devant ma fenêtre. Je lève le rideau et lui fais signe d’entrer.
— Florent est passé tout à l’heure.
Non, ça recommence ! Il ne lâchera rien le pépé.
— Il  désirait savoir si je te connaissais bien.
Je reste muette, le cœur battant la chamade.
— Tu ne me demandes pas ce que j’ai répondu ?
Je soupire et hausse les épaules.
— J’ai dit que tu me voyais comme ton grand-père.
— Charles, ne te mêle pas de ça !
— Oh la ! je n’aime pas quand tu m’appelles comme ça. Mais tu sais, MarieSophe, ce n’est pas bon de rester toute seule.
— Tu l’es bien toi, tout seul, non ? Tu es malheureux ? Non… et puis, que veux-tu qu’il me trouve ? Je suis moche, je ne ressemble à rien, je ne vois vraiment pas ce qui peut l'attirer chez moi.
— Tu es jolie comme un cœur. J’aurais bien aimé avoir une petite-fille comme toi. Ne laisse pas filer ton bonheur. Moi, il m’est passé devant et je n’ai pas su l’attraper. Crois-moi je l’ai regretté.
Il ne m’a jamais raconté sa vie Charles. J’ai bien envie d’en connaitre davantage, mais il ouvre la porte, me souhaite une bonne soirée et s’en retourne chez lui.
Je grimpe dans ma chambre pour enfiler une tenue plus cool et je remarque que mon voisin d’en face est aussi chez lui. Sa chambre donne sur la mienne et sa lumière est allumée. Je me planque derrière mon rideau et essaie de l’imaginer. C’est à ce moment-là que mon portable sonne.
— Salut, MarieSophe, j'ai fermé la boulangerie, je peux passer chez toi ? Je sais que tu as du pain tout frais, et je t’apporte une terrine de campagne que j’ai préparée, j’ai une bouteille de vin comme tu aimes.
— Bien sûr Archi, tu viens quand tu veux et ça te dit qu’on regarde Netflix, c’est quand même mieux à deux.
Il éclate de rire et raccroche. Finalement, je ne suis pas toujours seule. Archibald, mon meilleur ami, si proche de moi qu’il me connait si bien, débarque souvent comme ça. Je souris. Peut-être que c’est lui mon amoureux et que je ne m’en rends pas compte. Je regarde à nouveau la fenêtre d’en face. Je distingue une deuxième silhouette derrière les rideaux. Ça t’apprendra Marie-Sophie à jouer les curieuses. Pourquoi suis-je déçue ? Ah oui, il m’avait dit que j’avais de jolis yeux. Tu parles !

© Minibulle 7/01/2020



2 commentaires:

  1. Bonsoir Isabelle

    C'est magnifique comme toujours.
    Je te souhaite une bonne année 2020 avec douceur et tendresse.
    Gros bisous

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  2. Merci Elisabeth et à mon tour de te souhaiter une merveilleuse année de bonheur 2020.

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