Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

mardi 28 janvier 2020

Voyage en Laponie






C’était un rêve depuis qu’ils étaient gamins. Jules et Léon voulaient voir le père Noël. Ils n’avaient jamais pu le faire, mais aujourd’hui, ils étaient prêts.

Le voyage avait été long jusqu’en Laponie. Les deux amis d’enfance n’étaient plus tout jeunes. Bien emmitouflés dans leur pelisse, bonnets sur la tête, écharpes autour du cou, les mains dans des gants fourrés, on ne distinguait plus rien de leurs visages, sauf leurs yeux rieurs qui pétillaient de joie. Ils n’avaient pas imaginé qu’il allait faire si froid et que les chiens qui tiraient leur traîneau galoperaient aussi vite et leur lanceraient de la neige.
Seuls au monde dans l’immensité blanche, ils n’en menaient pas large. Le conducteur les rassurait, rien de fâcheux ne pouvait leur arriver, ses bêtes connaissaient parfaitement le chemin.

– Il faut qu’on s’arrête !
Les deux amis se regardèrent.
– Que se passe-t-il ?
– Rien de grave, mais je dois vérifier que mes chiens se portent bien. Je trouve que le meneur va trop doucement. Je vérifie qu’il ne se soit pas fait mal. Descendez s’il vous plaît !
– Mais il fait froid !
– Désolé, si vous vouliez avoir plus chaud, il ne fallait pas choisir notre pays.

Les deux hommes descendirent du traîneau en maugréant. Il n’avait pas l’air commode le chauffeur. Pourtant, rien ne laissait présager ce sale caractère.
– Bah, t’inquiètes, il doit se faire du souci pour ses bêtes. Viens, on va admirer le paysage.
– T’en as de bonnes, admirer le paysage. Que veux-tu qu’on regarde, il fait plus noir quand dans un tunnel, on ne voit pas à cinq mètres et...
– Où est passée ta bonne humeur légendaire Jules ? Allez profite…
Léon se mit à marcher à pas lourds dans la poudreuse. Soudain, deux yeux perçants et un cri bizarre le firent se retourner.
– Une marmotte ? Ici ?
– Que faites-vous ?
Les deux hommes se regardèrent incrédules. L’animal parlait.
– On est en panne !
– Tu réponds à une marmotte toi ? T’es grave quand même !
Jules se frottait les yeux et bouscula son camarade.
– Venez vous mettre au chaud chez moi, j’ai une cacasse à cul nu qui mijote sur ma cuisinière.
– Une ?...
Léon se claquait déjà les mains avec ses gants. Jules retint son ami qui suivait l'animal qui sur ses deux pattes, se dandinait pour rejoindre sa cabane.
– Si c’est comme chez Hansel et Gretel, nous allons finir enfermés et…
– Allez viens !
Il se retourna pour interpeller le conducteur des chiens, mais trop occupé à soigner ses bêtes, il ne fit pas attention à lui. Léon ne put s’empêcher de lui glisser :
– Vous n’avez pas de catadioptre pour vous signaler, si un autre traîneau arrive, vous risquez l’accident.
– T’es vraiment à part toi, l’apostropha Jules. On n’est pas sur les Champs Élysées ici !
Léon éclata de rire et attrapa par le bras son ami et tous deux, cahin-caha, parvinrent à la cabane de l’animal. Elle était entrée et avait laissé la porte ouverte. Finalement, leur voyage se déroulait bien et ils allaient de surprise en surprise.

— « Table décorée
Par le fumet alléché
Bien-être assuré »
– Quel poète ! ironisa Jules.
Il ne put retenir un Wouahou devant le décor de la cabane. 
– Faites comme chez vous, je vous en prie.
L'animal, un tablier ceinturé autour de sa taille, les invitait à s’asseoir.
– Quelle bonne odeur ! Vous accueillez souvent des visiteurs ici ?
– Vous êtes les premiers et j’en suis ravie.

Installés autour de la table recouverte d’une nappe rouge et verte, Jules et Léon ne savaient quoi dire. Soudain, une petite marmotte s’approcha d’eux. Elle tenait un minuscule xylophone entre ses pattes.
– Je vous présente ma fille. Elle va vous jouer un air de saison en guise d’apéritif.
Complètement subjugués par l’ambiance chaleureuse et toute fois irréelle, les deux hommes écoutèrent avec bonheur la musique émise par l’instrument. Voir interpréter un chant de Noël par une marmotte au xylophone, une autre faire la cuisine, dépassaient l’entendement. Mais n’étaient-ils pas en Laponie ?
– Je vous souhaite un excellent appétit. Ne tardez pas trop parce que votre chauffeur va bientôt venir vous chercher.
– C’est rudement bon ce que vous avez préparé ! Une cacasse à cul vous dites ? Jamais entendu parler.
– On l’appelle le plat du pauvre, parce qu’il y a des pommes de terre et de l’oignon. Pas grand-chose en fait.
Jules contemplait la marmotte qui feuilletait son livre de cuisine et leur montrait à tous deux l’image représentant la recette qu'elle avait confectionnée. Il se frottait les yeux souvent, pour être sûr qu’il ne rêvait pas.
La porte s’ouvrit brusquement et tel un zouave sorti de sa boîte le conducteur des chiens apparut.
– Nous pouvons repartir, Yvette, tu m’en donnes une lichée de ta cacasse ?
– Mais… vous vous connaissez ?
Ignorant la question, il les invita à les suivre. Les bêtes étaient à nouveau harnachées et piaffaient d’impatience.
Les deux hommes, avant de se réinstaller dans le traîneau, se retournèrent en même temps pour saluer leur hôte et la remercier. Il n’y avait personne. Seul, un rideau blanc les enveloppait et les sapins habillés de leur manteau neigeux courbaient un peu leur tête.
Sans mots dire, ils prirent place, se recouvrirent du plaid et les chiens s’emballèrent au cri du « en route » de leur maître.
Ils entendirent alors comme un son de clochettes qui les saluaient.  

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