Jasmin faisait le pied de
grue devant l’agence de Muguette. Il avait pris une journée de congé et
espérait avoir réponse à ses questions. Sauf que les cloches de l’église sonnaient
déjà 9 heures et que la jeune femme
n’était toujours pas là. Il s’approcha de la vitrine pour y jeter un coup
d’œil. Aucune lumière ne filtrait.
— Je parie que vous êtes
Jasmin !
Surpris, il se retourna.
— Bob, un ami de Mug.
Mais elle m’a tellement parlé de vous que je vous aurais reconnu entre mille.
Elle n’est pas encore arrivée ?
Jasmin hocha la tête et
serra la main du nouveau venu. Il ne savait pas du tout qui était Bob.
Apparemment, il ne connaissait pas aussi bien la jeune femme qu’il le pensait.
— Elle est en retard, ce
n’est pas son habitude. Je vais l’appeler, elle a peut-être eu une panne
d’oreiller.
Sans se préoccuper de
Jasmin, il saisit son portable et composa le numéro.
— Mug ? Ton réveil
n’a pas sonné ?
Bob s’éloigna un peu et
Jasmin interloqué n’entendit plus la conversation. Son premier réflexe avait
été de piquer le téléphone du jeune homme. Il piaffait d’impatience devant
l’agence sans oser s’approcher.
Bob quant à lui,
s’éloignait de plus en plus et jetait de temps à autre un regard furtif vers le
directeur des impôts. Finalement, il
rangea son portable dans sa poche en sifflotant et profitant que Jasmin ne le
regardait pas, s’en alla.
— Vous comptiez partir
sans rien me dire ?
Jasmin le fusillait du
regard. Bob, sourit.
— Elle est en vacances.
Vous ne saviez pas ?
Jasmin l’attrapa par le
col de sa veste et le regardant dans les yeux demanda :
— Dites-moi où elle
est ?
— D’abord, tu me
lâches ! Et si elle est partie la
Muguette, c’est que tu lui as fait une entourloupe. Amoureuse comme elle est,
t’as vraiment dû lui faire mal ! Alors, j’te dirais pas où elle est.
Jasmin soupira et le
lâcha. Bob, alluma une cigarette.
— T’as mal
hein là ?
Il lui posa la main sur
le cœur.
— Mais qu’est-ce que t’as
bien pu faire pour qu’elle se carapate ?
— Je vous offre un
café ?
— Tu peux me tutoyer, on
aime la même femme, alors on est un peu frère !
Thomas n’en revenait pas.
Prune n’était pas rentrée du week-end. Au téléphone, elle avait refusé
catégoriquement de revenir si Anabelle travaillait toujours avec lui. Il avait
insisté, argué que c’était son boulot et qu’il y avait une belle somme d’argent
à la clé, rien à faire. Prune était restée chez Félicie. Il n’avait pas osé
aller la chercher.
Il devait en plus
supporter le regard noir de son fils qui donnait raison à sa maman.
— C’est relou quand même
de travailler avec ton ex. Si c’était un thon encore, mais là, avoue qu’elle
est canon !
— Tu as vu comment tu me
parles Fred ? J’aime ta mère, je ne comprends pas qu’elle ne me fasse pas
confiance.
— Mais t’es ouf ! Tu
ne lui as même pas dit que t’avais une ex et que t’allais te marier avec,
comment tu veux qu’elle te fasse encore confiance ?
— Mais ça fait longtemps,
il y a prescription !
— Tu rigoles ?
Anabelle ? Prescription ? Tu as vu comment tu la mates ? Normal que maman prenne feu !
— Arrête Fred, tu
délires.
— Je ne crois pas
non ! Et si ça continue comme ça, j’irais dormir moi aussi chez Félicie.
Je ne vais pas rester ici avec toi. Sur ce, ciao, je file au lycée.
Fred saisit son sac et
partit en claquant la porte.
— Tu penses qu’il va
faire les examens ?
Félicie regardait Angelo.
Le lundi matin, il ouvrait plus tard sa boutique. Félicie était en vacances et
elle avait décidé de l’accompagner pour voir un peu comment ça se passerait si
elle travaillait avec lui.
— Franchement ? Je
n’en sais rien … Il est tellement trouillard. Je n’arrive pas à comprendre
comment un homme comme lui reste sous le joug de sa famille sans rien dire.
— Mais c’est quoi cette
histoire de stérilité ?
— Mais c’est parti de
rien. Jasmin a eu les oreillons, et je les ai eus juste après. Quand nous avons été ado et que nous
commencions à regarder les filles, j’ai voulu aller à la pharmacie pour acheter
des préservatifs mais je n’avais pas d’argent sur moi et nous avions envie de
rigoler. Nous y sommes allés tous les deux et nous nous sommes trouvés dans le
magasin en même temps que son grand-père. Une drôle de coïncidence quand j’y
repense…
Angelo se tut et
réfléchit.
— Continue…Ne me dis pas
que le papy a fait un esclandre ?
— Figure-toi que Jasmin
ne l’avait pas vu et quand il a demandé, pas très fier parce que nous n’avions
que quatorze quinze ans et qu’on ne savait pas trop comment demander une boîte de préservatifs, son
grand-père a entendu et a éclaté de rire dans la pharmacie.
— Non ? Il n’a pas
fait ça ?
— Mais si !
Heureusement il n’y avait pas foule mais quand même !
— Et alors ?
— Il a claironné qu’il
n’en avait pas besoin par ce qu’il ne pouvait pas avoir d’enfants. Ce à quoi la
pharmacienne a répondu que ça servait aussi à le protéger et que c’était une
très bonne initiative… Jasmin est devenu rouge comme un coquelicot, il a tourné
les talons et est parti en courant. Je l’ai suivi. Et on n’a jamais plus acheté
de préservatifs ensemble.
Angelo soupira.
— Cette histoire vient
juste de me revenir. Après… Mais oui je me rappelle… C’est à partir de ce jour
que nous ne nous somme plus vus. Il est parti faire des études je ne sais plus
où. Moi, je suis resté ici. Mais, j’y repense maintenant, il a toujours voulu
travailler la vigne. C’est à partir de ce jour qu’il n’en a plus jamais parlé
et qu’il est parti pour entrer dans l’administration. Je ne l’ai revu qu’à la
pizzeria. J’avais complètement perdu le contact avec lui. C’est drôle
non ?
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