Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

mardi 30 octobre 2018

Histoire d'Hommes





Jasmin faisait le pied de grue devant l’agence de Muguette. Il avait pris une journée de congé et espérait avoir réponse à ses questions. Sauf que les cloches de l’église sonnaient déjà 9 heures  et que la jeune femme n’était toujours pas là. Il s’approcha de la vitrine pour y jeter un coup d’œil. Aucune lumière ne filtrait.
— Je parie que vous êtes Jasmin !
Surpris, il se retourna.
— Bob, un ami de Mug. Mais elle m’a tellement parlé de vous que je vous aurais reconnu entre mille. Elle n’est pas encore arrivée ?
Jasmin hocha la tête et serra la main du nouveau venu. Il ne savait pas du tout qui était Bob. Apparemment, il ne connaissait pas aussi bien la jeune femme qu’il le pensait.
— Elle est en retard, ce n’est pas son habitude. Je vais l’appeler, elle a peut-être eu une panne d’oreiller.
Sans se préoccuper de Jasmin, il saisit son portable et composa le numéro.
— Mug ? Ton réveil n’a pas sonné ?
Bob s’éloigna un peu et Jasmin interloqué n’entendit plus la conversation. Son premier réflexe avait été de piquer le téléphone du jeune homme. Il piaffait d’impatience devant l’agence sans oser s’approcher.
Bob quant à lui, s’éloignait de plus en plus et jetait de temps à autre un regard furtif vers le directeur des impôts.  Finalement, il rangea son portable dans sa poche en sifflotant et profitant que Jasmin ne le regardait pas, s’en alla.
— Vous comptiez partir sans rien me dire ?
Jasmin le fusillait du regard. Bob, sourit.
— Elle est en vacances. Vous ne saviez pas  ?
Jasmin l’attrapa par le col de sa veste et le regardant dans les yeux demanda :
— Dites-moi où elle est ?
— D’abord, tu me lâches !  Et si elle est partie la Muguette, c’est que tu lui as fait une entourloupe. Amoureuse comme elle est, t’as vraiment dû lui faire mal ! Alors, j’te dirais pas où elle est.
Jasmin soupira et le lâcha. Bob, alluma une cigarette.
— T’as mal hein là ?
Il lui posa la main sur le cœur.
— Mais qu’est-ce que t’as bien pu faire pour qu’elle se carapate ?
— Je vous offre un café ?
— Tu peux me tutoyer, on aime la même femme, alors on est un peu frère !

Thomas n’en revenait pas. Prune n’était pas rentrée du week-end. Au téléphone, elle avait refusé catégoriquement de revenir si Anabelle travaillait toujours avec lui. Il avait insisté, argué que c’était son boulot et qu’il y avait une belle somme d’argent à la clé, rien à faire. Prune était restée chez Félicie. Il n’avait pas osé aller la chercher.
Il devait en plus supporter le regard noir de son fils qui donnait raison à sa maman.
— C’est relou quand même de travailler avec ton ex. Si c’était un thon encore, mais là, avoue qu’elle est canon !
— Tu as vu comment tu me parles Fred ? J’aime ta mère, je ne comprends pas qu’elle ne me fasse pas confiance.
— Mais t’es ouf ! Tu ne lui as même pas dit que t’avais une ex et que t’allais te marier avec, comment tu veux qu’elle te fasse encore confiance ?
— Mais ça fait longtemps, il y a prescription !
— Tu rigoles ? Anabelle ? Prescription ? Tu as vu comment tu la mates ?  Normal que maman prenne feu !
— Arrête Fred, tu délires.
— Je ne crois pas non ! Et si ça continue comme ça, j’irais dormir moi aussi chez Félicie. Je ne vais pas rester ici avec toi. Sur ce, ciao, je file au lycée.
Fred saisit son sac et partit en claquant la porte.

— Tu penses qu’il va faire les examens ?
Félicie regardait Angelo. Le lundi matin, il ouvrait plus tard sa boutique. Félicie était en vacances et elle avait décidé de l’accompagner pour voir un peu comment ça se passerait si elle travaillait avec lui.
— Franchement ? Je n’en sais rien … Il est tellement trouillard. Je n’arrive pas à comprendre comment un homme comme lui reste sous le joug de sa famille sans rien dire.
— Mais c’est quoi cette histoire de stérilité ?
— Mais c’est parti de rien. Jasmin a eu les oreillons, et je les ai eus juste après.  Quand nous avons été ado et que nous commencions à regarder les filles, j’ai voulu aller à la pharmacie pour acheter des préservatifs mais je n’avais pas d’argent sur moi et nous avions envie de rigoler. Nous y sommes allés tous les deux et nous nous sommes trouvés dans le magasin en même temps que son grand-père. Une drôle de coïncidence quand j’y repense…
Angelo se tut et réfléchit.
— Continue…Ne me dis pas que le papy a fait un esclandre ?
— Figure-toi que Jasmin ne l’avait pas vu et quand il a demandé, pas très fier parce que nous n’avions que quatorze quinze ans et qu’on ne savait pas trop comment  demander une boîte de préservatifs, son grand-père a entendu et a éclaté de rire dans la pharmacie.
— Non ? Il n’a pas fait ça ?
— Mais si ! Heureusement il n’y avait pas foule mais quand même !
— Et alors ?
— Il a claironné qu’il n’en avait pas besoin par ce qu’il ne pouvait pas avoir d’enfants. Ce à quoi la pharmacienne a répondu que ça servait aussi à le protéger et que c’était une très bonne initiative… Jasmin est devenu rouge comme un coquelicot, il a tourné les talons et est parti en courant. Je l’ai suivi. Et on n’a jamais plus acheté de préservatifs ensemble.
Angelo soupira.
— Cette histoire vient juste de me revenir. Après… Mais oui je me rappelle… C’est à partir de ce jour que nous ne nous somme plus vus. Il est parti faire des études je ne sais plus où. Moi, je suis resté ici. Mais, j’y repense maintenant, il a toujours voulu travailler la vigne. C’est à partir de ce jour qu’il n’en a plus jamais parlé et qu’il est parti pour entrer dans l’administration. Je ne l’ai revu qu’à la pizzeria. J’avais complètement perdu le contact avec lui. C’est drôle non ?


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