Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

lundi 30 avril 2018

Prune et Félicie


Prune tournait en rond dans sa cuisine. Thomas n’osait pas lui dire qu’elle lui donnait le vertige à aller et venir sans arrêt en se frottant les mains l' une contre l' autre. Quand la sonnette retentit elle se précipita vers la porte d’entrée le bousculant au passage.
̶         Papa, maman, vous allez m’expliquer pourquoi Félicie doit venir ici aussi ?
̶        Attends ma fille laisse-moi entrer. D’ailleurs tu n’auras pas longtemps à attendre, ton amie arrive. Bonjour quand même !
Prune ne releva pas la remarque parce qu’effectivement Félicie arrivait accompagnée d’un couple. Celle-ci embrassa Prune et présenta ses parents.
̶         Pourquoi tes parents sont-ils là ? murmura-t-elle à l’oreille de son amie.
̶         Je n’ai rien compris. Papa voulait absolument m’accompagner.
La tension était palpable dans le hall d’entrée que personne n’osait quitter. C’est Thomas qui les invita à entrer dans le salon.
̶         Je vous offre quelque chose ?
̶         Non merci Thomas… Qu’on en finisse au plus vite, soupira Clémentine.
̶         Maman tu me fais peur !
Prune était toute pâle. Félicie s’approcha d’elle. Elle regarda son père qui tenait la tête baissée et qui sursauta quand Clémentine l’appela :
̶         Fernand tu viens près de moi tu veux bien, je ne veux pas être toute seule pour raconter.
̶         Mais vous vous connaissez ?
Félicie était stupéfaite. Sa maman Marjolaine s’approcha alors d’elle.
̶         Toi aussi maman tu connais Clémentine ?
̶         Non. Je ne l’ai jamais vue !
Thomas se rapprocha de sa femme et entoura ses épaules. Clémentine prit la parole.
̶         Je suis tombée enceinte, j’avais seize ans.
̶         Je le sais ça maman, l’interrompit Prune.
̶        J’attendais des jumelles. Je l’ai appris à la naissance. Quand tu es née Prune, je ne savais pas qu’un autre bébé allait arriver. Tu sais à l’époque ce n’était pas tout à fait comme maintenant… Une deuxième petite fille est née… Toi Félicie.
̶         Moi ? Mais…
̶         Je ne pouvais pas m’occuper de deux petites filles, j’avais seize ans.
̶         Mais …
Les deux sœurs se regardèrent et se tournèrent toutes les deux vers leurs pères, Fernand pour Félicie et Olivier pour Prune. Le premier baissait la tête, le deuxième interrogeait sa femme du regard. Fernand prit alors la parole :
̶      Clémentine ne pouvant s’occuper des deux bébés, nous en avons choisi chacun une… et nous l’avons élevée avec l’aide des parents.
̶         Tu veux dire que tu as choisi comme ça ? Au hasard ? demanda Félicie.
̶         J’ai choisi ton prénom c’était normal que tu viennes avec moi.
̶         Mais quelle horreur ! s’écrièrent les deux jeunes femmes en même temps.
̶         Jamais tu n’as cherché à nous réunir et à savoir comment allait Prune ? demanda encore Félicie
̶         Non, c’était ce qui était prévu.
Olivier ébahi regarda sa femme :
̶         Je savais que tu avais une petite fille en effet, mais…
̶         Fernand ?  Jamais tu ne m’as dit que Félicie avait une sœur, murmura Marjolaine.
̶         Vous voulez dire que je ne suis pas adoptée ? demanda Félicie.
̶         Je ne suis donc pas ta fille papa ? demanda Prune
̶     Toi aussi quelle idée de regarder ta chaîne ! s’emporta Fernand. Je t’avais dit Clémentine que c’était une mauvaise idée d’ailleurs, tu vois où ça nous mène ? Personne n’aurait rien su et …
̶       Papa, tu comptais ne jamais me le dire que j’avais une sœur ? Et toi Maman tu allais me l’annoncer quand que je n’étais pas adoptée ?
Les deux jeunes femmes se serraient l’une contre l’autre complétement perdues. Thomas s’approcha alors de sa femme et la prit dans ses bras. Félicie eut l’impression de se sentir abandonnée et de se retrouver seule au monde. Elle ne savait plus vers qui se tourner. Ses parents lui avaient menti. Elle découvrait son père biologique alors qu’elle s’était toujours crue adoptée. Elle se sentait trahie par sa mère en qui elle avait une confiance absolue. Elle apprenait que son amie était en réalité sa sœur. C’en était trop. Elle ramassa son sac et s’enfuit en courant.
Prune voulut la retenir mais Félicie refusa sa main tendue. La porte claqua sur la jeune femme.
 Prune se tourna alors vers sa maman :
̶         Je ne comprends pas, je porte bien le nom de papa.
̶         Oui je t’ai reconnue dès que nous nous sommes mariés ta mère et moi, répondit Olivier.
̶         Et Félicie porte votre nom ? demanda la jeune femme en se tournant vers Fernand.
̶         Oui.
̶         Je ne comprends rien, murmura Prune.
̶         Quand vous êtes nées mes parents vous ont déclaré toutes les deux et Fernand vous a reconnues. Mais les parents de Fernand ont emmené Félicie dès la sortie de la maternité, expliqua Clémentine.
̶         Pourquoi Félicie ?
̶         J’avais choisi son prénom je le répète, murmura Fernand comme un leitmotiv.
̶         Tu savais donc papa que j’avais une sœur ?
̶         Je savais que ta maman avait eu une jumelle décédée à la naissance, répondit Olivier.
̶         Mais pour que tu puisses me reconnaître papa, il a bien fallu des papiers. Comment as-tu fait ?
̶       J’ai fourni ce qu’on m’a demandé. J’avais vingt-deux ans. Ta mère était d’accord pour que je te donne mon nom. Clémentine a demandé à Fernand si lui aussi était d’accord pour que je te reconnaisse.
̶         Que de mensonges ! Jamais vous n’avez pensé à nous dire la vérité ? Jamais vous n’avez pensé à nous réunir ? Il y a 35 ans que cette mascarade dure quand même !  vous êtes des monstres ma parole !
La jeune femme regarda tour à tour les personnes dans la pièce. Elle avait l’impression d’être devant des inconnus alors qu’elle avait toujours pu s’appuyer sur son père. Maintenant qu’elle savait qu’il n’était pas son père biologique elle ne savait plus quoi penser. Fernand, lui, n’avait pas eu un geste vers elle. Elle était transparente.  Elle indiqua alors la porte et les pria fermement de partir.
̶         Je ne veux plus vous voir, vous me donnez envie de vomir ! Fichez le camp de chez moi !
En silence, l’un derrière l’autre ils sortirent. Elle reclaqua la porte derrière eux et éclata en sanglots dans les bras de Thomas son mari qui referma se bras sur elle.

Félicie marchait sans trop savoir où elle allait. Elle serait bien allée retrouver Muguette, mais celle-ci était avec Jasmin. Elle reprit donc sa voiture et se gara au hasard. Il y avait un parc, elle s’assit sur un banc et laissa couler ses larmes.
Un magnifique bouvier bernois s’approcha d’elle et posa sa tête sur ses genoux et la regarda dans les yeux. Elle ne put résister à l’envie de le caresser. L’animal semblait ressentir sa peine et se laissait faire en lui léchant doucement les mains. Sa fourrure noire avec un savant mélange de feu, douce au toucher, calmait la jeune femme et elle ne put s’empêcher d’y enfouir son visage.
̶         Sultan ?
L’animal redressa brusquement la tête et heurta celle de la jeune femme. Les oreilles en alerte, la queue qui remuait sur le sol, il attendait son maître qui venait de l’appeler.
̶         Excusez-le Madame ! Sultan viens ici !
Félicie se retourna et se retrouva nez à nez avec Angelo Rossi. Surpris ils restèrent silencieux. Sultan se mit alors à aboyer et à tourner en rond autour de son maître l’invitant à jouer comme il en avait l’habitude. Les mimiques de l’animal firent éclater de rire la jeune femme.
̶         Il est à vous ? Il est magnifique !
Elle essuya ses larmes d’un revers de main et sourit au jeune homme.
̶         Nous nous sommes rencontrés ce matin ? Vous vous souvenez ?
̶         Comment aurais-je pu vous oublier… murmura-t-il en la regardant dans les yeux.
̶         Oui, je sais que mon amie est parfois, comment dire ? C’est une femme merveilleuse. Elle est un peu spéciale certes et quelquefois ses réflexions peuvent surprendre.
̶         Je me présente Angelo.
̶         Félicie.  
Le chien tournait autour d’eux en aboyant à qui mieux mieux. Son maître lui lança alors un bâton que l’animal s’empressa d’aller rechercher en galopant comme un fou. Félicie sourit.
̶         Il est vraiment beau votre chien.
Elle pensa aussitôt en rougissant qu’il n’y avait pas que le chien qui était beau.


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