Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

samedi 6 juillet 2019

Diégo


Texte écrit avec les mots en rouge par ordre de proposition

Diego n’était pas aventureux. Elle était agaçante Paloma, jamais détendue. Elle courait toujours partout. Lui ce qu’il aimait, c’était le calme. Elle, c’était la tempête. Il parait que les contraires s’attirent. Pour le coup, il était d’accord avec cet adage. Ils n’avaient rien en commun. D’accord, elle était attendrissante avec son regard qui se la jouait œil de biche, surtout quand elle désirait quelque chose, mais quelle capricieuse. Il y a des fois, il l’enverrait promener à l’autre bout de la terre.
Elle avait débarqué dans sa vie, comme ça, un matin. Il l’avait trouvée devant sa porte. Elle était toute maigrichonne. C’est le voisin César qui lui avait dit que c’était une fille, parce que franchement, elle ne ressemblait à rien. Faut-il être bête quand même pour ne pas être fichu de reconnaître une fille d’un garçon. César s’était bien moqué de lui.
— Eh peuchère, t’es pas malin, le gonze. Elle t’a choisie. Il va te falloir faire avec.
Il l’avait regardé dans les yeux, elle n’avait pas bronché.
— Tu veux que je l’embarque chez moi ?
À ces mots, elle avait grondé. César avait éclaté de rire.
— Compris, la fille, je te laisse avec ton amoureux.
— Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse ? Je vis tout seul, j’ai pas l’habitude de…
— Bé justement, toi le solitaire, ça va te changer la vie. Trouve-lui un nom d’abord…
— Et si elle était méchante ?
— Hé couillon, elle n’a pas l’air d’être une sanguinaire, ta protégée.
Diego réfléchit dans sa tête, parce qu’il est libre (😊) il se rappelait une chanson qu’il avait beaucoup aimée, et il l’avait même dansée avec celle qu’il n’avait jamais oubliée, mais qui lui avait brisé le cœur.
— Paloma, je vais l’appeler Paloma.
César avait hoché la tête et s’en était retourné chez lui. C’était il y a un an.

Sa vie avait complètement changé depuis qu’elle était entrée dans la sienne. Lui qui n’avait pas d’heures pour les repas, avec elle, il était bien obligé de se plier au rituel. Alors il avait pris le rythme. Lever, petit déjeuner pour lui qu’il partageait avec Paloma. Même si César lui disait que ce n’était pas une bonne idée, il avait rétorqué bourru :
— T’avais qu’à l’emmener chez toi !
— J’aurais bien voulu, couillon, mais elle te préférait.

Ce matin-là, elle ne le lâchait pas d’une semelle, se collant contre lui.
— Mais qu’est-ce que t’as à me tourner autour comme ça ? Je sais bien qu’il fait chaud. Tu veux qu’on aille prendre un bain dans la rivière ?
À voir comme elle se mit à sauter de joie, il comprit que c’était ce qu’elle désirait. Ils partirent donc ensemble. Il avait préparé un en-cas dans son sac à dos et de l’eau pour eux deux. Elle avançait devant lui, elle ne l’attendait jamais. C’est fou comme elle était indépendante. Il aimait ça finalement, il pouvait marcher à son pas.
— Alors Diego, c’est l’heure de la balade ?
César revenait toujours accompagné de son bâton sur lequel il s’appuyait.
— Profite du soleil, le vent va tourner, tu sens ?
— La source sulfureuse ? Ah, mon pauvre, moi qui avais envie d’y aller faire trempette.
— Vas-y mon gars, mais ne traîne pas, il va y avoir du grabuge avant ce soir.
— Le ciel est pourtant bleu.
— Pour ce que je t’en dis… fais à ta mode.
Il le planta là.
Paloma avait disparu. César l’ayant inquiété, il voulut faire demi-tour. Puis finalement, pensa que ce serait cruel de se priver elle et lui de la trempette promise. Il continua donc sa route en sifflotant. La source apparut devant lui, et Paloma l’attendait assise sagement.
— Ah te voilà toi ! Allons-y, tu en as tellement envie. Je pourrais ainsi reprendre figure humaine, parce qu’il fait vraiment chaud et je dois être rouge comme une pivoine.
Ce n’est pas dans cette source qu’il allait se rafraichir, mais ça lui ferait du bien. Elle n’était pas encore envahie par les touristes. Paloma s’en donnait à cœur joie. Elle sautait et l’arrosait à qui mieux mieux.
Soudain, elle stoppa net ses jeux et tourna la tête. Une jeune femme s’approchait, un panier de pique-nique accroché à son bras. Quand elle les aperçut, elle faillit faire demi-tour, mais Paloma sortit de l’eau et lui fit fête.
— Excusez là, elle est assez exubérante. Je vous présente Paloma.
— Moi, c’est Dora. Je ne veux pas vous déranger. Je peux m’installer ailleurs.
Diego ne sut pas pourquoi il proposa de partager son en-cas avec elle. Elle déplia alors une nappe à carreaux rouge et blanc sur l’herbe et déposa ce qu’elle avait apporté.
— Désirez-vous gouter mon eau pétillante que je produis moi-même ? J’y ai mis quelques gouttes de cassis. Elle est délicieuse.
César reprochait souvent à Diego qu’il était sauvage. Il décida de faire un effort et accepta.
— Vous habitez par ici ?
— Pas très loin, de l’autre côté du bois. Et vous ?
— Je suis dans le gite de…
— Ne me dites pas que vous êtes chez Fernand, grippe-sou et laid comme un pou, il va vous en faire voir de toutes les couleurs. C’est courageux de votre part de vivre à côté de lui. Vous êtes seule ?
Diego se surprenait lui-même. Il était bien téméraire de poser autant de questions et ça ne lui ressemblait pas du tout. Il s’excusa auprès de la jeune femme qui sourit.
— Je n’ai pas d’amoureux si c’était ce que vous souhaitiez savoir.
Il rougit jusqu’à la racine des cheveux et une forte chaleur l’envahit tout entier. Quel couillon ! comme dirait César. Il ne sortit plus un mot et la contempla à la dérobée. Paloma était assise près d’elle et la regardait avec curiosité. C’est vrai que la dénommée Dora était surprenante. Toute de noir vêtue, elle devait crever de chaud. Et son maquillage ? Diego n’en avait jamais vu autant sur les yeux. Elle lui faisait penser à la fille dans la série NCIS, gothique qu’on disait. Elle reprenait, indifférente à la fascination qu’elle exerçait sur l’homme en face d’elle.
— Alors vous jouez à l’aventurier en venant ici tout seul ? Pourtant, vous n’en avez pas l’air.
— Tu parles d’une aventure, je n’ai pas fait 2 kms. Je me promène régulièrement, pour faire trempette. Paloma adore ça.
— Il parait qu’elle a des vertus particulières cette eau. Peut-être que la douleur à ma jambe brisée s’atténuerait si j’y allais faire un tour.
— Pourquoi pas, bougonna-t-il, vous pouvez toujours essayer.
— N’hésitez pas à vous servir, il y a du pain frais, du pâté et du saucisson, faites-vous un sandwich.
Elle commença alors à se dévêtir.

— Eh bé mon gars, tu caches bien ton jeu. Sacré veinard, va !
Diego n’avait pas vu revenir César qui était à présent captif du corps nu de Dora.
— Arrête de la regarder, t’es pas bien, toi !
— Pourquoi c’est le fruit défendu ? Elle t’appartient ? Tu as déjà Paloma, tu peux bien partager un peu.
César lui fila une bourrade en riant.
— Je te fais marcher, ne fais pas la tête. N’empêche c’est un trésor que tu as dégoté, ne le laisse pas s’envoler.
— Vous venez prendre un bain avec moi ?
Diego se détourna et appela Paloma.
— Merci, nous allons rentrer.
César murmura à son oreille.
— Allez petit, sois un peu imaginatif. Tu vis seul dans ton coin perdu, c’est pas bon ça pour un jeune gars comme toi.
— Je ne suis plus tout jeune. La trentaine, ça commence à faire.
Qu’il était attendrissant ce Diego. César l’avait pris sous son aile au décès de ses parents. Il méritait d’être heureux.
Dora sortait de l’eau, se tordait les cheveux en un savant chignon. Son maquillage avait coulé. Elle s’enroula dans une serviette, nullement gênée par la présence des deux hommes.
— Alors vous avez aimé ma boisson ? Et vous avez grignoté un peu ?
Elle tendit la main à César et se présenta.
— On se connaît, je vous ai déjà vu sur le marché. Vous venez vendre vos volailles et vos légumes.
— Ah, mais c’est vous qui proposez vos pâtisseries et… mais oui votre limonade. Heureux de faire votre connaissance. Je pourrais me faire le messager de toute la population du village qui adore ce que vous fabriquez. Tu as déjà gouté toi, ce qu’elle vend ?
— Je ne vais jamais au marché, tu le sais bien.
— Ah j’oubliais. Vous avez devant vous l’inventeur du coin. Celui qui baille aux mésanges et…
— Je crois que vous voulez dire baille aux corneilles.
— Ah peut-être. Bref, il ne sort pratiquement pas de chez lui parce qu’il est toujours en recherche de ce qui va sauver le monde.
— Mais c’est merveilleux ça ! J’adore les gens qui ont des idées pour faire changer l’histoire. Vous m’inviterez chez vous pour que je puisse découvrir toutes vos inventions.
— Pas du tout. Il n’y a rien à voir.
Elle afficha aussitôt une mine boudeuse qui déclencha le rire de César.
— Allez Diego, regarde sa tête, elle est toute retournée la petiote. Tu devrais lui montrer ton Anémélectro… machin chose. Mais dis-lui toi, moi, c’est trop compliqué pour mon pauvre ciboulot.
Anémélectroreculpédalicoupeventombrosoparacloucycle.
— Whaou, c’est quoi ?
— Un vélo.
César éclata de rire. Diego vexé, se leva d’un bond et siffla Paloma qui s’était endormie sur la couverture.
— J’aimerais bien jouer à la globe-trotteuse avec, vous accepteriez ?
Diego était furieux.
— Ce n’est pas un jouet. Vous verrez un jour, je serais le meilleur. Je trouverais ce qui révolutionnera le monde et là vous direz « Il était pugnace le Diego ».
— Tu parles, tu refuses le combat, là. Dora ne peut même pas venir chez toi. Bravo la combativité.
Paloma se mit à aboyer contre César et Dora la félicita.
— C’est ça, faites vos rebelles, mais j’ai raison. Diego, devrait sortir un peu plus et ne pas s’enfermer à longueur de journée.

Le jeune homme partit sans se retourner, sa chienne sur les talons. César maugréa dans sa moustache :
— C’est ça, va-t-en, couillon, tu passes à côté de ta vie. Un jour tu appelleras à l’aide et peut-être qu’il sera trop tard. Mais c’est pas grave, tant que je vivrais, je veillerais sur toi, mon p’tit gars, comme je l’ai promis à ton père.


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