Texte écrit avec les mots en rouge par ordre de proposition
Diego
n’était pas aventureux. Elle était agaçante
Paloma, jamais détendue. Elle courait toujours partout.
Lui ce qu’il aimait, c’était le calme. Elle, c’était la tempête. Il parait que
les contraires s’attirent. Pour le coup, il était d’accord avec cet adage. Ils
n’avaient rien en commun. D’accord, elle était attendrissante
avec son regard qui se la jouait œil de biche, surtout quand elle désirait
quelque chose, mais quelle capricieuse. Il y a
des fois, il l’enverrait promener à l’autre bout de la terre.
Elle
avait débarqué dans sa vie, comme ça, un matin. Il l’avait trouvée devant sa
porte. Elle était toute maigrichonne. C’est le voisin César qui lui avait dit
que c’était une fille, parce que franchement, elle ne ressemblait à rien.
Faut-il être bête quand même pour ne pas être fichu de reconnaître une fille
d’un garçon. César s’était bien moqué de lui.
— Eh
peuchère, t’es pas malin, le gonze. Elle t’a choisie. Il va te falloir faire
avec.
Il
l’avait regardé dans les yeux, elle n’avait pas bronché.
— Tu
veux que je l’embarque chez moi ?
À
ces mots, elle avait grondé. César avait éclaté de rire.
— Compris,
la fille, je te laisse avec ton amoureux.
— Qu’est-ce
que tu veux que j’en fasse ? Je vis tout seul, j’ai pas l’habitude de…
— Bé
justement, toi le solitaire, ça va te changer la vie. Trouve-lui un nom
d’abord…
— Et
si elle était méchante ?
— Hé
couillon, elle n’a pas l’air d’être une sanguinaire,
ta protégée.
Diego
réfléchit dans sa tête, parce qu’il est libre (😊)
il se rappelait une chanson qu’il avait beaucoup aimée, et il l’avait même
dansée avec celle qu’il n’avait jamais oubliée, mais qui lui avait brisé le
cœur.
— Paloma,
je vais l’appeler Paloma.
César
avait hoché la tête et s’en était retourné chez lui. C’était il y a un an.
Sa
vie avait complètement changé depuis qu’elle était entrée dans la sienne. Lui
qui n’avait pas d’heures pour les repas, avec elle, il était bien obligé de se
plier au rituel. Alors il avait pris le rythme. Lever, petit déjeuner pour lui
qu’il partageait avec Paloma. Même si César lui disait que ce n’était pas une
bonne idée, il avait rétorqué bourru :
— T’avais
qu’à l’emmener chez toi !
— J’aurais
bien voulu, couillon, mais elle te préférait.
Ce
matin-là, elle ne le lâchait pas d’une semelle, se collant contre lui.
— Mais
qu’est-ce que t’as à me tourner autour comme ça ? Je sais bien qu’il fait
chaud. Tu veux qu’on aille prendre un bain dans la rivière ?
À
voir comme elle se mit à sauter de joie, il comprit que c’était ce qu’elle désirait.
Ils partirent donc ensemble. Il avait préparé un en-cas dans son sac à dos et
de l’eau pour eux deux. Elle avançait devant lui, elle ne l’attendait jamais.
C’est fou comme elle était indépendante. Il aimait ça finalement, il pouvait
marcher à son pas.
— Alors
Diego, c’est l’heure de la balade ?
César
revenait toujours accompagné de son bâton sur lequel il s’appuyait.
— Profite
du soleil, le vent va tourner, tu sens ?
— La
source sulfureuse ? Ah, mon pauvre, moi qui avais
envie d’y aller faire trempette.
— Vas-y
mon gars, mais ne traîne pas, il va y avoir du grabuge avant ce soir.
— Le
ciel est pourtant bleu.
— Pour
ce que je t’en dis… fais à ta mode.
Il
le planta là.
Paloma
avait disparu. César l’ayant inquiété, il voulut faire demi-tour. Puis
finalement, pensa que ce serait cruel de se
priver elle et lui de la trempette promise. Il continua donc sa route en
sifflotant. La source apparut devant lui, et Paloma l’attendait assise
sagement.
— Ah
te voilà toi ! Allons-y, tu en as tellement envie. Je pourrais ainsi reprendre
figure humaine, parce qu’il fait vraiment chaud
et je dois être rouge comme une pivoine.
Ce
n’est pas dans cette source qu’il allait se rafraichir, mais ça lui ferait du
bien. Elle n’était pas encore envahie par les touristes. Paloma s’en donnait à
cœur joie. Elle sautait et l’arrosait à qui mieux mieux.
Soudain,
elle stoppa net ses jeux et tourna la tête. Une jeune femme s’approchait, un
panier de pique-nique accroché à son bras. Quand elle les aperçut, elle faillit
faire demi-tour, mais Paloma sortit de l’eau et lui fit fête.
— Excusez
là, elle est assez exubérante. Je vous présente Paloma.
— Moi,
c’est Dora. Je ne veux pas vous déranger. Je peux m’installer ailleurs.
Diego
ne sut pas pourquoi il proposa de partager son en-cas avec elle. Elle déplia
alors une nappe à carreaux rouge et blanc sur l’herbe et déposa ce qu’elle
avait apporté.
— Désirez-vous
gouter mon eau pétillante que je produis
moi-même ? J’y ai mis quelques gouttes de cassis. Elle est délicieuse.
César
reprochait souvent à Diego qu’il était sauvage.
Il décida de faire un effort et accepta.
— Vous
habitez par ici ?
— Pas
très loin, de l’autre côté du bois. Et vous ?
— Je
suis dans le gite de…
— Ne
me dites pas que vous êtes chez Fernand, grippe-sou et laid
comme un pou, il va vous en faire voir de toutes les couleurs. C’est courageux de votre part de vivre à côté de lui. Vous
êtes seule ?
Diego
se surprenait lui-même. Il était bien téméraire de
poser autant de questions et ça ne lui ressemblait pas du tout. Il s’excusa
auprès de la jeune femme qui sourit.
— Je
n’ai pas d’amoureux si c’était ce que vous
souhaitiez savoir.
Il
rougit jusqu’à la racine des cheveux et une forte chaleur
l’envahit tout entier. Quel couillon ! comme dirait César. Il ne sortit plus un
mot et la contempla à la dérobée. Paloma était assise près d’elle et la
regardait avec curiosité. C’est vrai que la dénommée Dora était surprenante.
Toute de noir vêtue, elle devait crever de chaud. Et son maquillage ? Diego
n’en avait jamais vu autant sur les yeux. Elle lui faisait penser à la fille
dans la série NCIS, gothique qu’on disait. Elle
reprenait, indifférente à la fascination qu’elle exerçait sur l’homme en face
d’elle.
— Alors
vous jouez à l’aventurier en venant ici tout
seul ? Pourtant, vous n’en avez pas l’air.
— Tu
parles d’une aventure, je n’ai pas fait 2 kms. Je me promène
régulièrement, pour faire trempette. Paloma adore ça.
— Il
parait qu’elle a des vertus particulières cette eau. Peut-être que la douleur à
ma jambe brisée s’atténuerait si j’y allais
faire un tour.
— Pourquoi
pas, bougonna-t-il, vous pouvez toujours essayer.
— N’hésitez
pas à vous servir, il y a du pain frais, du pâté et du saucisson, faites-vous
un sandwich.
Elle
commença alors à se dévêtir.
— Eh
bé mon gars, tu caches bien ton jeu. Sacré veinard, va !
Diego
n’avait pas vu revenir César qui était à présent captif
du corps nu de Dora.
— Arrête
de la regarder, t’es pas bien, toi !
— Pourquoi
c’est le fruit défendu ? Elle t’appartient ? Tu
as déjà Paloma, tu peux bien partager un peu.
César
lui fila une bourrade en riant.
— Je
te fais marcher, ne fais pas la tête. N’empêche c’est un trésor que tu as dégoté, ne le laisse pas s’envoler.
— Vous
venez prendre un bain avec moi ?
Diego
se détourna et appela Paloma.
— Merci,
nous allons rentrer.
César
murmura à son oreille.
— Allez
petit, sois un peu imaginatif. Tu vis seul dans
ton coin perdu, c’est pas bon ça pour un jeune gars comme toi.
— Je
ne suis plus tout jeune. La trentaine, ça commence à faire.
Qu’il
était attendrissant ce Diego. César l’avait pris
sous son aile au décès de ses parents. Il méritait d’être heureux.
Dora
sortait de l’eau, se tordait les cheveux en un savant chignon. Son maquillage
avait coulé. Elle s’enroula dans une serviette, nullement gênée par la présence
des deux hommes.
— Alors
vous avez aimé ma boisson ? Et vous avez grignoté un peu ?
Elle
tendit la main à César et se présenta.
— On
se connaît, je vous ai déjà vu sur le marché. Vous venez vendre vos volailles
et vos légumes.
— Ah,
mais c’est vous qui proposez vos pâtisseries et… mais oui votre limonade.
Heureux de faire votre connaissance. Je pourrais me faire le messager de toute la population du village qui adore
ce que vous fabriquez. Tu as déjà gouté toi, ce qu’elle vend ?
— Je
ne vais jamais au marché, tu le sais bien.
— Ah
j’oubliais. Vous avez devant vous l’inventeur du coin. Celui qui baille aux mésanges et…
— Je
crois que vous voulez dire baille aux corneilles.
— Ah
peut-être. Bref, il ne sort pratiquement pas de chez lui parce qu’il est
toujours en recherche de ce qui va sauver le monde.
— Mais
c’est merveilleux ça ! J’adore les gens qui ont
des idées pour faire changer l’histoire. Vous m’inviterez chez vous pour que je
puisse découvrir toutes vos inventions.
— Pas
du tout. Il n’y a rien à voir.
Elle
afficha aussitôt une mine boudeuse qui déclencha
le rire de César.
— Allez
Diego, regarde sa tête, elle est toute retournée la petiote. Tu devrais lui
montrer ton Anémélectro… machin chose. Mais dis-lui toi, moi, c’est trop
compliqué pour mon pauvre ciboulot.
—
Anémélectroreculpédalicoupeventombrosoparacloucycle.
— Whaou,
c’est quoi ?
— Un
vélo.
César
éclata de rire. Diego vexé, se leva d’un bond et siffla Paloma qui s’était endormie sur la couverture.
— J’aimerais
bien jouer à la globe-trotteuse avec, vous
accepteriez ?
Diego
était furieux.
— Ce
n’est pas un jouet. Vous verrez un jour, je serais le meilleur. Je trouverais
ce qui révolutionnera le monde et là vous direz « Il était pugnace le Diego ».
— Tu
parles, tu refuses le combat, là. Dora ne peut même pas venir chez toi. Bravo
la combativité.
Paloma
se mit à aboyer contre César et Dora la félicita.
— C’est
ça, faites vos rebelles, mais j’ai raison.
Diego, devrait sortir un peu plus et ne pas s’enfermer à longueur de journée.
Le
jeune homme partit sans se retourner, sa chienne sur les talons. César maugréa
dans sa moustache :
— C’est
ça, va-t-en, couillon, tu passes à côté de ta vie. Un jour tu appelleras à l’aide et peut-être qu’il sera trop tard. Mais c’est
pas grave, tant que je vivrais, je veillerais sur toi, mon p’tit gars, comme je
l’ai promis à ton père.
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