Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

vendredi 1 novembre 2019

Novembre en attendant le bus



Joséphine et Ludivine attendaient le bus. L’une était blonde, l’autre brune. On était le 1er novembre et c’était un vrai temps de Toussaint. Il pleuvait, il ventait, il faisait froid. Joséphine la blonde tenait une valise et sa voisine un parapluie. Elles ne se connaissaient pas et pourtant…

— Bonjour mesdames, que représente pour vous le mois de novembre ?
Une petite bonne femme tenait son portable à la main et avait bien du mal à rester debout. Le vent la bousculait.
— C’est pour un sondage…
— Par ce temps, ricana Joséphine.
— Non, en fait, je dois écrire un texte pour le mois de novembre et…
— Pas de veine, en été, ça doit être plus agréable.
— Ce n’est pas faux, mais chaque saison a ses avantages et ses inconvénients.
Ludivine replia son parapluie et vint prendre place sous l’abri de bus.
— Pour moi novembre ça commence toujours mal, avec la tournée des cimetières, soupira-t-elle.
— Vous n’êtes pas obligée d’y aller !
Joséphine haussa les épaules.
— Moi je n’y vais jamais. Ma famille n’est pas d’ici. Je ne vais pas parcourir toute la France pour aller me recueillir sur du marbre. Les personnes qui sont dessous, je ne me souviens même plus qui elles sont.
— Donc, reprenait la journaliste, pour vous c’est tout d’abord le passage sur les tombes.
Ludivine hocha la tête.
— Oui j’y apporte des fleurs. C’est un peu par respect pour les personnes qui aussi viennent visiter les cimetières. J’aurais honte si la tombe de mes parents n’était pas fleurie.
Joséphine éclata de rire.
— Tu penses que les gens font attention à ça !
— Et pour vous ? Que représente novembre ?
La journaliste regardait à présent la blonde.
— Le froid, le vent, le gris, la baisse du moral, les journées qui raccourcissent…
— Et le Noël qui approche.
— Décidément, vous êtes très famille vous, riposta-telle en fixant Ludivine.
— Pas vous ?
— À quoi ça sert ? De toute façon, on est toujours déçu par les siens et on ne la choisit pas.
— Vous avez des enfants ? reprit la journaliste en les regardant toutes les deux.
Elles firent non de la tête en même temps.
— Il y a la Sainte-Cécile le 22 novembre, continua Joséphine. Je le sais, je suis musicienne et il y a régulièrement une fête organisée par notre association.
— De quel instrument jouez-vous ? demanda Ludivine.
— Du piano.
— Vous en avez de la chance.
Joséphine acquiesça et enfouit son nez dans son écharpe.
— Il ne fait vraiment pas chaud. Il arrive ce bus ?
— C’est jour férié, l’horaire n’est pas le même.
Ludivine reprit :
— Nous avons chez nous la fête de la châtaigne. On goute le vin nouveau appelé le bourru, c’est convivial, et sympathique.
La journaliste enregistrait ce que les deux femmes racontaient.
— Il y a Sainte-Catherine aussi. Pour les jeunes filles qui la coiffent, c’est qu’elles sont toujours célibataires à vingt-cinq ans. Elles portent de jolis chapeaux.
Ludivine et Joséphine se regardèrent et éclatèrent de rire.
— Oui, moi je vais le mettre. J’ai vingt-cinq ans.
— Pareil pour moi.
La journaliste demanda :
— Vous avez signalé la Toussaint ? Mais vous savez quand même que la fête de vos défunts c’est le 2 novembre, appelé le jour des morts ?
— Tu parles d’un jour qui fait rêver ! dit Joséphine en secouant la tête.
— Oui, je sais, mais la Toussaint et ça pour moi c’est pareil.
— Au fait… Le 3 novembre, c’est plus amusant, c’est celle de la gentillesse.
— Une journée pour ça ? C’est fou ! Nous devons être gentils que cette journée-là, c’est débile !
— Pas faux ! mais au moins, il y en a une. Vous parliez de la fête des châtaignes tout à l’heure, mais alors, et l’arrivée du beaujolais nouveau ?
— Finalement, il y en a des choses en novembre, sourit la journaliste.
Leur autocar arrivait. Elles ne l’avaient pas entendu arriver distraites par leur conversation. Elles saluèrent celle qui venait de leur poser toutes ces questions et grimpèrent dans le véhicule.
La journaliste restée seule soupira.
— Elles ne m’ont même pas parlé du 11 novembre. Évidemment, elles sont jeunes, mais quand même. Elles pensent à la fête de la gentillesse qui est récente et oublie celle des droits de l’enfant. Décidément…
La petite dame rangea son portable dans son sac et continua sa route.


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