Muguette tourne en rond.
Petit Paul n’est pas rassuré.
Ils ne se connaissent
pas. Pourtant, ils ont une chose en commun. Ils ont été créés tous les deux par
La Plume.
C’est aujourd’hui
l’automne et La Plume a imaginé leur rencontre.
Dans un parc ? Sur
un banc ? Ils ont tous les deux un caractère bien trempé. L’un a cinq ans
et l’autre trente-cinq. Lui, il pose des questions à son papa. Elle, elle ne
s’en pose pas de questions, elle affirme. Alors…
— Brr il ne fait pas
chaud, si j’avais pensé à me couvrir davantage aussi !
— Pourquoi tu parles
toute seule ?
Muguette se retourne et
ne voit personne.
— J’ai bien entendu
parler quand même, je deviens folle, maugréa-t-elle.
— Non, je suis là. Baisse
les yeux, tu me verras. Je suis plus petit que toi.
Un petit garçon la fixait.
Chapeau sur la tête, les bras dans le dos, il ne baissait pas les yeux.
— Tu parles toute seule,
je t’ai entendu. Tu disais que tu avais froid. Tu sais, c’est normal, l’été est
fini. Regarde, j’ai un chapeau.
Muguette regarde ce petit
bout d’homme qui ne la lâche pas des yeux.
— Tu as perdu tes
parents ?
— D’abord on dit bonjour,
mon papa m’a dit que c’était la première chose à dire quand on parlait avec
quelqu’un.
— Il n’a pas dit aussi de
ne pas parler à des inconnus ? siffla Muguette
— T’es en colère ?
Elle soupira.
— Non, bien sûr que non,
je ne suis pas fâchée. Bon, reprenons alors. Bonjour ! Mais je te signale
quand même que c’est toi le premier qui m’a parlé et qui ne m’a pas dit
bonjour.
— C’est pas vrai, tu
disais que tu avais froid.
— Je ne te parlais pas à
toi !
— Alors pourquoi tu
parles toute seule ?
Muguette soupira. C’était
bien sa chance de tomber sur un petit bavard comme ça. Elle le regarda mieux.
Qu’est-ce qu’il était mignon ! Inconsciemment, elle posa sa main sur son
ventre toujours aussi plat.
— Comment tu
t’appelles ?
Le petit garçon l’interpellait
à nouveau. Il marchait près d’elle dans le parc. Sans s’en rendre compte elle
avait calqué son pas sur le sien.
— Et toi ?
— J’ai demandé en
premier.
Muguette sourit, elle se
revoyait petite avec…
— Alors tu t’appelles
comment ?
— Muguette.
— C’est pas ta fête
alors ! Le muguet c’est pas en automne. C’est joli, j’aime bien.
— Et toi alors ? Tu
veux bien me le dire ?
— Petit Paul. Enfin,
Paul ! Mais papa et maman m’appellent toujours Petit Paul.
— C’est joli Petit Paul
et ça te va très bien.
— Tu as des
enfants ?
Surprise par la question,
Muguette resta muette. Petit Paul éclata de rire.
— Tu sais plus si tu as
des enfants ? T’es drôle quand même !
Elle rit avec lui. Il
gambada plus loin et s’assit sur un banc et lui fit signe de s’approcher.
Assise près du bambin, il se pencha alors à son oreille :
— Si on fait pas de
bruit, on va voir les écureuils. C’est la saison des noix et des noisettes, ils
adorent venir les piquer dans les arbres.
Ils restèrent silencieux
quand effectivement, une bestiole rousse à la queue touffue dégringola
artistiquement du noyer en face d’eux. Il tenait sa gourmandise entre ses
pattes. Petit Paul chuchota à l’oreille de sa nouvelle amie :
— Regarde, il n’a même
pas peur.
— Tu aimes bien la nature
et les animaux à ce que je vois. Tu viens souvent ici ?
— Oui, j’ai la permission
quand j’ai été sage. Ma maison est là-bas, regarde. Papa est sur la terrasse,
il me surveille. Et toi, tu habites loin ?
— Rue des Mimosas. Tu
sais où c’est ?
— Je crois que l’école où
je vais est par là. Dis tu aimes bien
l’automne ?
— Elle est ma saison
préférée après le printemps.
— Le printemps, c’est
quand il y a les chocolats ?
Muguette sourit.
— C’est ça oui !
Alors en automne, il y a quoi ?
— Les feuilles qui
tombent.
Petit Paul exhala un
profond soupir.
— Et puis il y a l’école.
— Tu n’aimes pas
l’école ?
— Si, mais je préfère
rester à la maison. J’ai deux copines tu sais. Pilou et Millie. Et toi tu as
des copains ?
Muguette sourit à nouveau
devant ce petit bonhomme qui ne la lâchait pas du regard.
— J’ai un amoureux.
— Il s’appelle
comment ?
— Jasmin.
— C’est chouette,
Muguette et Jasmin, c’est rigolo quand même. Il sent bon Jasmin ?
Il ne la laissa pas
répondre et enchaîna :
— Parce que c’est parfumé
le jasmin, j’en ai dans mon jardin. Maman, elle aime bien le respirer.
Alors ?
Muguette pensa à son
homme.
— Oui, j’aime bien aussi.
— Le jasmin ou ton
jasmin ?
Petit Paul lui fit un
clin d’œil.
— Il n’est plus fleuri
maintenant, c’est le tour des dahlias.
— Dis donc tu en connais
des choses.
— Oui je parle beaucoup
avec mon papa. Tu sais faire les vendanges ?
Muguette pensa aux vignes
de la famille de Jasmin. Elle était invitée le week-end prochain, elle ne
pourrait pas y couper là …
— Non pas encore… Tu
sais, Jasmin a beaucoup de vignes et son grand-père m’a invitée pour aller les
voir.
— Moi aussi j’ai un
grand-père et une grand-mère aussi. Dis, tu pourras me raconter comment on fait
les vendanges ?
— Heu… Je ne sais pas si
on va se revoir mon bonhomme.
— Je suis sûr que
si. Tu n’habites pas loin et puis il faudra bien que tu viennes ici pour
promener ton bébé.
Muguette écarquilla les
yeux.
— Je le sais que tu
attends un bébé tu sais pourquoi ?
Muguette fit signe que
non.
— Parce que tu as fait
comme ma maman. Elle aussi attend un bébé et elle pose toujours sa main sur son
ventre comme ça.
Petit Paul joignit alors
le geste à la parole. Muguette demanda :
— Tu vas avoir un petit
frère ou une petite sœur alors ?
— Il parait que oui.
J’aimerais bien une petite sœur.
Il planta ses grands yeux
dans ceux de Muguette et ajouta :
— J’aimerais bien aussi
qu’elle te ressemble.
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