Chaque
année, le 2 février !
— Tu
fais des crêpes ?
— Tu
n’oublies pas, promis ?
Et
chaque année, je ressors ma poêle qui ne sert qu’à ça. Une crêpière ! Je vous
raconte des blagues, je m’en sers pendant l’année. Il arrive que j’aie envie
d’une crêpe party ! Vous savez celles où on en mange des salées, des sucrées.
Les soirées entre amis où il n’y a que ça !
Archibald
et Mélusine viennent chez moi et hop ! nous les faisons sauter. En bon boulanger
qu’il est, Archibald pourrait faire la pâte. Non, il paraît que la mienne est
la meilleure. Je ne le crois pas, mais finalement, ça me fait plaisir qu’il me
dise ça.
La
recette, c’est celle de maman qui la tient de la sienne. Inratable ! J’en ai
essayé une fois avec des œufs battus en neige. Elles devaient être plus
légères, plus moelleuses, tu parles ! Accrochées à la poêle oui, et impossible
de leur donner une belle apparence.
Bon,
je dois vous avouer que ma pâte à crêpes est faite moitié bière moitié lait.
C’est comme ça. La première fois qu’Archibald m’a vu mélanger les ingrédients,
il a hurlé !
— Quoi ?
Tu mets de la bière ?
— Oui,
monsieur. Elles seront plus légères et plus craquantes.
Il
était très sceptique. Mais quand il a goûté… elle descendait bien vite ma pile.
J’avais passé plus de temps à la faire grimper qu’elle en met pour descendre.
Quel gourmand !
Mélusine
apporte ses confitures maison. Oui, en plus d’être couturière, elle fait ça
aussi. Quand elle s’y attelle, ça glougloute dans sa cuisine et ça sent super
bon.
Je
suis allée trouver Charles pour l’inviter à venir les partager avec nous.
— Non
MarieSophe. Restez entre jeunes ! Peut-être que j’irais chez Célestine.
Aussitôt,
je lui murmure à l’oreille :
— Raconte,
il y a du nouveau ?
— Mais
que vas-tu encore t’imaginer ? Nous ne sommes pas comme vous, nous prenons
notre temps.
— Oui,
enfin du temps, tu ne crois pas que tu en as assez perdu ?
— Et
c’est toi qui me dis ça ?
J’aurais
mieux fait de me taire. J’allais m’excuser quand j’entends derrière moi :
— Et
moi, est-ce que je peux venir les goûter vos crêpes ?
Charles
sourit. Il ne m’avait pas dit, le bougre, que le voisin Florent était avec lui
dans son garage. Resté dans l’ombre, je ne l’avais pas aperçu. Charles ne me
laisse pas répondre.
— C’est
vrai ça, Florent est plus de votre âge que moi.
Il
se tourne vers lui :
— En
plus, les crêpes de Marie-Sophie, quand elle les fait, parfument toute la rue.
— Je
sais. Je m’en suis déjà rendu compte.
— Ah !
tu vois MarieSophe. Alors, tu l’invites ?
Je
baisse les yeux, je rougis, je me tords les mains et finalement, je
murmure :
—
Archibald et Mélusine ne le connaissent pas…
— Vous
parlez du boulanger et de la couturière ? Mais bien sûr que si, je sais qui ils
sont. D’ailleurs quand je vais acheter mon pain et que la boutique est déserte,
je prends de vos nouvelles.
Je
n’aime pas ça du tout et je sens que mes joues virent au rouge brique. Mon cœur
s’accélère, je vais bafouiller. La seule solution que je connaisse dans ce
cas-là, c’est la fuite. Mais cette fois, Charles a deviné mes intentions.
— Pas
si vite, MarieSophe ! Tu étais bien venue pour inviter quelqu’un non ? Alors ?
J’ai
horreur d’être devant le fait accompli, je ne supporte pas qu’on m’oblige à
faire ce que je n’ai pas envie. Je vais devenir franchement désagréable. Mon
voisin d’en face s’en rend compte. Il sort son portable de sa poche.
— Excusez-moi,
j’ai un appel.
Je
n’ai rien entendu. Mais je le remercie in petto de sa délicatesse.
— Tu
es une fieffée imbécile !
Et
Charles me plante là.
Ma
pâte à crêpes est réussie comme toujours. Mes deux amis sont derrière moi et
nous nous amusons comme des gosses à les faire sauter. Je suis la meilleure
évidemment !
La table est mise avec confitures, chocolat,
sucre glace, vergeoise. Pas de salé cette fois-ci !
— Tu
sais que ça sent diaboliquement bon dans ta rue quand on arrive !
Archibald
sourit.
— Tes
parents doivent saliver.
— Ils
sont absents.
Je
n’ose pas lui poser de questions sur Florent. Je lui en veux de parler de moi
avec lui que je ne connais pas.
— Au
fait, tu étais au courant que ton voisin était flic ? demande Mélusine.
Paf !
je prends la crêpe sur la tête. À qui fait-elle allusion ?
— Oui,
celui-là, d’en face, dit-elle en désignant la maison du beau gosse.
Comment
sait-elle ça, elle !
© Minibulle 1er février 2020
Ma femme met aussi de la bière dans la pâte à crêpes. Un texte délicieux comme une crêpe au chocolat.
RépondreSupprimerMerci, à croquer comme une gourmandise
RépondreSupprimer