Samedi matin chez Angelo
et Félicie, petit déjeuner.
— Je suis inquiète,
soupire Félicie. Jamais Muguette ne m’a laissé sans nouvelle.
— Tu n’as aucune idée
vraiment ?
Prune assise en face
d’elle sirote son café, les yeux dans le vague. La nuit n’a pas été bonne
pour la jeune femme qui n’a cessé de penser à son homme avec Anabelle. Elle
a laissé son fils chez elle. Il n’avait pas voulu la suivre. Il avait promis
de la tenir au courant. Prune s’en voulait de mêler Fred à leurs histoires
d’adultes.
Les jumelles sont seules. Angelo est parti faire le plein de fleurs pour sa boutique. Le samedi est une journée chargée pour lui. Il a laissé le café prêt et a concocté une brioche dont l’odeur se répand encore dans la cuisine.
— Franchement Félicie,
qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que Muguette gifle le grand-père et
s’enfuit ? Je sais bien qu’elle est
impulsive mais quand même !
— Oui, j’avoue …
— Tu me caches quelque
chose j’en suis sûre !
Prune regarda sa sœur
dans les yeux.
— Je sais bien que vous
êtes proches toutes les deux, mais c’est mon amie aussi. Si tu sais quelque
chose, tu dois me le dire.
— Fred ne t’a rien
raconté ?
— Non. Pétunia est
arrivée juste au moment de la gifle. Elle n’a rien entendu apparemment.
Félicie murmura.
— Muguette m’a appelé
hier soir, très tard ou tôt ce matin.
— Je le savais.
— Ne sois pas fâchée
Prune. Nous nous connaissons depuis tellement longtemps.
— Alors raconte !
Elle ne t’a pas obligé à garder le secret ?
Le portable de Prune
sonna à ce moment. Quand elle vit que c’était son mari, elle hésita. Sa sœur
sourit :
— Réponds, tu en meurs
d’envie.
A contrecœur, elle
décrocha.
Angelo venait d’ouvrir sa
boutique quand la clochette retentit. Il tourna la tête et ne fut pas surpris
de découvrir son ami.
— J’étais certain que tu
allais débarquer ce matin ici.
— J’imagine qu’elle est
avec ta copine ?
Le ton sarcastique de
Jasmin horripila Angelo qui rétorqua.
— Qui elle ? Bonjour
d’abord.
Il continua d’installer
ses fleurs dans les vases sans le regarder.
— Excuse-moi mais je suis
d’une humeur de chien.
— Je n’avais pas
remarqué.
— Angelo regarde-moi
enfin.
Son ami leva la tête.
— J’ai du boulot, je ne
suis pas comme les fonctionnaires qui ne travaillent pas le week-end.
— D’accord. Mais avoue
que j’ai de bonnes raisons d’être furieux.
— Je ne sais pas ce qu’il
s’est passé.
— Elle ne t’a pas
raconté ?
— « Elle »
comme tu l’appelles, celle dont tu es amoureux et qui porte ton enfant, a un
prénom. Elle s’appelle Muguette. Non, elle ne m’a rien raconté parce que
personne ne sait où elle est.
Jasmin ouvrit de grands
yeux.
— Tu veux dire que même
Félicie ne sait pas ? Et elle ne s’est pas réfugiée chez toi ?
— Non tu vois !
Jasmin, les mains dans
les poches, arpentait la boutique à une vitesse qui donnait le vertige à son
ami qui l’apostropha :
— Arrête, tu vas stresser
mes fleurs !
— Tu rigoles ?
— Ecoute, tu es de
mauvaise humeur, je peux le comprendre mais je n’y suis pour rien.
— Muguette a giflé mon
grand-père.
Angelo siffla en
regardant son ami.
— Enfin !
— Quoi enfin ? Tu
trouves ça normal ?
— Il fallait bien qu’un
jour ça arrive. Il est infernal le patriarche, tu le sais bien.
— Et le respect des
personnes âgées, tu en fais quoi ?
— Ils n’ont pas tous les
droits. Ta femme avait certainement de bonnes raisons de…
— Ce n’est pas ma femme,
rugit Jasmin.
— Elle porte ton enfant,
c’est tout comme !
— Ce n’est pas le
mien !
Angelo regarda son ami.
— Encore cette vieille
histoire ? Je comprends mieux. Ton grand-père a dû sortir une ânerie dans
le genre « qu’il ne voulait pas de bâtard chez lui » C’est normal qu’elle
ait pris la mouche. Tu te rends compte quand même de l’insulte ?
— Je ne peux pas avoir
d’enfant.
— Tu en as la
preuve ?
— J’ai eu les oreillons
quand j’étais petit.
— Moi aussi je les ai eus
après toi, c’est toi qui me les as refilés, ça ne m’empêche pas de pouvoir
avoir des enfants.
— Il paraît que moi …
— Arrête Jasmin. As-tu
fait des analyses ?
— Pourquoi faire ?
— Pour connaître la
vérité.
Jasmin se laissa tomber
sur le tabouret décoratif qui gémit et faillit
s’effondrer sous le poids dont il n’avait pas l’habitude.
— Ne me casse pas mon
matériel. Il supporte les fleurs pas les baraqués comme toi !
Il se releva.
— Qu’est-ce que je dois
faire Angel ?
Jasmin avait spontanément
utilisé le surnom de leur enfance. Son ami le regarda dans les yeux.
— Ce que tu aurais dû
faire depuis longtemps. Vérifier que tu peux avoir des enfants.
— Tu parles d’un examen
amusant toi !
Angelo éclata de rire.
— On n’a rien sans rien
Jasmin. Fais-le, tu seras enfin débarrassé de cette histoire qui t’empoisonne
la vie.
— J’en veux à mort à
Muguette.
— Ne fais pas le gamin mon
pote. Elle a dérapé mais je ne luis donne pas complètement tort.
— Elle ne pourra jamais
faire partie de ma famille.
— Tu es sérieux ?
Mais à quelle époque tu vis ?
— Elle a giflé mon
grand-père.
— J’ai compris, tu n’arrêtes
pas de le répéter. Il doit être vexé le bougre !
Angelo ne put s’empêcher
de sourire devant l’air furibond de son ami.
— Tu ne l’as jamais aimé
avoue !
— Je suis bien content
que le mien ne ressemble pas au tien.
Un silence s’établit
entre les deux hommes. Angelo en profita pour arroser ses plantes. Il
surveillait du coin de l’œil Jasmin.
— Tu ne sais vraiment pas
où elle est ?
— Non.
— Pas d’appel ?
Angelo hésita mais ne
voulant pas trahir Félicie il répondit.
— Rien.
— Tu as hésité, je t’ai
vu.
— Félie a effectivement
reçu un appel cette nuit. J’étais à moitié endormi et ce matin, je suis parti
avant son réveil.
— Appelle-la pour savoir
et pourquoi tu ne lui as rien demandé ?
— Parce que je dormais et
que Félicie a le droit de recevoir des appels et puis cesse de me donner des
ordres Jasmin, tu m’agaces. Tu n’as qu’à l’appeler toi. Moi j’ai du travail.
Regarde, j’ai un livreur qui arrive. Désolé, je vais devoir te laisser.
Jasmin, la mine basse
quitta la boutique.
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