Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

lundi 22 octobre 2018

Sans Muguette


Samedi matin chez Angelo et Félicie, petit déjeuner.
— Je suis inquiète, soupire Félicie. Jamais Muguette ne m’a laissé sans nouvelle.
— Tu n’as aucune idée vraiment ?
Prune assise en face d’elle sirote son café, les yeux dans le vague. La nuit n’a pas été bonne pour la jeune femme qui n’a cessé de penser à son homme avec Anabelle. Elle a laissé son fils chez elle. Il n’avait pas voulu la suivre. Il avait promis de la tenir au courant. Prune s’en voulait de mêler Fred à leurs histoires d’adultes.
Les jumelles sont seules. Angelo est parti faire le plein de fleurs pour sa boutique. Le samedi est une journée chargée pour lui. Il a laissé le café prêt et a concocté une brioche dont l’odeur se répand encore dans la cuisine.
— Franchement Félicie, qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que Muguette gifle le grand-père et s’enfuit ?  Je sais bien qu’elle est impulsive mais quand même !
— Oui, j’avoue …
— Tu me caches quelque chose j’en suis sûre !
Prune regarda sa sœur dans les yeux.
— Je sais bien que vous êtes proches toutes les deux, mais c’est mon amie aussi. Si tu sais quelque chose, tu dois me le dire.
— Fred ne t’a rien raconté ?
— Non. Pétunia est arrivée juste au moment de la gifle. Elle n’a rien entendu apparemment.
Félicie murmura.
— Muguette m’a appelé hier soir, très tard ou tôt ce matin.
— Je le savais.
— Ne sois pas fâchée Prune. Nous nous connaissons depuis tellement longtemps.
— Alors raconte ! Elle ne t’a pas obligé à garder le secret ?
Le portable de Prune sonna à ce moment. Quand elle vit que c’était son mari, elle hésita. Sa sœur sourit :
— Réponds, tu en meurs d’envie.
A contrecœur, elle décrocha.

Angelo venait d’ouvrir sa boutique quand la clochette retentit. Il tourna la tête et ne fut pas surpris de découvrir son ami.
— J’étais certain que tu allais débarquer ce matin ici.
— J’imagine qu’elle est avec ta copine ?
Le ton sarcastique de Jasmin horripila Angelo qui rétorqua.
— Qui elle ? Bonjour d’abord.
Il continua d’installer ses fleurs dans les vases sans le regarder.
— Excuse-moi mais je suis d’une humeur de chien.
— Je n’avais pas remarqué.
— Angelo regarde-moi enfin.
Son ami leva la tête.
— J’ai du boulot, je ne suis pas comme les fonctionnaires qui ne travaillent pas le week-end.
— D’accord. Mais avoue que j’ai de bonnes raisons d’être furieux.
— Je ne sais pas ce qu’il s’est passé.
— Elle ne t’a pas raconté ?
— « Elle » comme tu l’appelles, celle dont tu es amoureux et qui porte ton enfant, a un prénom. Elle s’appelle Muguette. Non, elle ne m’a rien raconté parce que personne ne sait où elle est.
Jasmin ouvrit de grands yeux.
— Tu veux dire que même Félicie ne sait pas ? Et elle ne s’est pas réfugiée chez toi ?
— Non tu vois !
Jasmin, les mains dans les poches, arpentait la boutique à une vitesse qui donnait le vertige à son ami qui l’apostropha :
— Arrête, tu vas stresser mes fleurs !
— Tu rigoles ?
— Ecoute, tu es de mauvaise humeur, je peux le comprendre mais je n’y suis pour rien.
— Muguette a giflé mon grand-père.
Angelo siffla en regardant son ami.
— Enfin !
— Quoi enfin ? Tu trouves ça normal ?
— Il fallait bien qu’un jour ça arrive. Il est infernal le patriarche, tu le sais bien.
— Et le respect des personnes âgées, tu en fais quoi ?
— Ils n’ont pas tous les droits. Ta femme avait certainement de bonnes raisons de…
— Ce n’est pas ma femme, rugit Jasmin.
— Elle porte ton enfant, c’est tout comme !
— Ce n’est pas le mien !
Angelo regarda son ami.
— Encore cette vieille histoire ? Je comprends mieux. Ton grand-père a dû sortir une ânerie dans le genre « qu’il ne voulait pas de bâtard chez lui » C’est normal qu’elle ait pris la mouche. Tu te rends compte quand même de l’insulte ?
— Je ne peux pas avoir d’enfant.
— Tu en as la preuve ?
— J’ai eu les oreillons quand j’étais petit.
— Moi aussi je les ai eus après toi, c’est toi qui me les as refilés, ça ne m’empêche pas de pouvoir avoir des enfants.
— Il paraît que moi …
— Arrête Jasmin. As-tu fait des analyses ?
— Pourquoi faire ?
— Pour connaître la vérité.
Jasmin se laissa tomber sur le tabouret décoratif qui  gémit et faillit s’effondrer sous le poids dont il n’avait pas l’habitude.
— Ne me casse pas mon matériel. Il supporte les fleurs pas les baraqués comme toi !
Il se releva.
— Qu’est-ce que je dois faire Angel ?
Jasmin avait spontanément utilisé le surnom de leur enfance. Son ami le regarda dans les yeux.
— Ce que tu aurais dû faire depuis longtemps. Vérifier que tu peux avoir des enfants.
— Tu parles d’un examen amusant toi !
Angelo éclata de rire.
— On n’a rien sans rien Jasmin. Fais-le, tu seras enfin débarrassé de cette histoire qui t’empoisonne la vie.
— J’en veux à mort à Muguette.
— Ne fais pas le gamin mon pote. Elle a dérapé mais je ne luis donne pas complètement tort.
— Elle ne pourra jamais faire partie de ma famille.
— Tu es sérieux ? Mais à quelle époque tu vis ?
— Elle a giflé mon grand-père.
— J’ai compris, tu n’arrêtes pas de le répéter. Il doit être vexé le bougre !
Angelo ne put s’empêcher de sourire devant l’air furibond de son ami.
— Tu ne l’as jamais aimé avoue !
— Je suis bien content que le mien ne ressemble pas au tien.
Un silence s’établit entre les deux hommes. Angelo en profita pour arroser ses plantes. Il surveillait du coin de l’œil Jasmin.
— Tu ne sais vraiment pas où elle est ?
— Non.
— Pas d’appel ?
Angelo hésita mais ne voulant pas trahir Félicie il répondit.
— Rien.
— Tu as hésité, je t’ai vu.
— Félie a effectivement reçu un appel cette nuit. J’étais à moitié endormi et ce matin, je suis parti avant son réveil.
— Appelle-la pour savoir et pourquoi tu ne lui as rien demandé ?
— Parce que je dormais et que Félicie a le droit de recevoir des appels et puis cesse de me donner des ordres Jasmin, tu m’agaces. Tu n’as qu’à l’appeler toi. Moi j’ai du travail. Regarde, j’ai un livreur qui arrive. Désolé, je vais devoir te laisser.
Jasmin, la mine basse quitta la boutique.

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