Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

lundi 12 novembre 2018

Une page se tourne


— Tu crois qu’il va venir ?
Muguette tournait en rond dans la cuisine. Pénélope, sa maman, préparait le petit déjeuner pour ses hôtes. Elle recevait une famille, un couple et deux enfants. Malgré le temps incertain, l’attrait de l’océan faisait toujours recette. Elle ne répondit pas à sa fille. La jeune femme se précipita pour la énième fois à la fenêtre. Le ciel était bleu. Il faisait beau. Elle entendait les mouettes qui comme d’habitude la saluait. Quand son portable bipa, elle sursauta.
— Alors ma Mug ? Prête ?
— Coucou Félicie. J’ai une peur tu ne peux pas savoir. Déjà une semaine que je lui ai laissé le message pour qu’il vienne me retrouver aujourd’hui. Pas de réponse. Rien.
— Angelo ne l’a pas vu. Je ne peux pas te rassurer Mug. Alors, comment vas-tu lui annoncer la nouvelle ?
— Il le sait déjà non que je suis enceinte ! Je ne vois pas ce qui a de changé.
— Tu as raison. Pourquoi pense-t-il alors qu’il n’est pas de lui ? Pourtant quand tu lui as annoncé ici, il était ravi et ne s’est pas posé de questions ?
— Je ne comprends pas Félicie ! Quand je pense que son grand-père a traité mon enfant de bâtard, sans me connaître en plus ! Je n’arrive pas à l’avaler.
Pénélope toucha l’épaule de sa fille et lui indiqua une voiture qui remontait l’allée. Muguette reconnut celle de Jasmin.
— Il arrive Félie ! Je raccroche et je te tiens au courant. Pense à moi !
Les mains moites, elle saisit une serviette en papier sur la table pour se les essuyer. Derrière la vitre, elle contempla son chéri qui descendait. Comme il était beau. Pénélope, curieuse, le regardait aussi et chuchota à l’oreille de sa fille :
— Bel homme, je te l’accorde ! Va l’accueillir ma chérie !
Muguette ouvrit la porte. Jasmin leva la tête et l’aperçut. Elle allait courir vers lui quand elle se rendit compte qu’il ne souriait pas et qu’il ne faisait aucun geste pour l’aborder. Elle attendit alors qu’il soit devant elle pour lui dire bonjour. Elle lui tendit sa joue qu’il embrassa distraitement.
— Bonjour Muguette.
Le ton était froid et son regard avait pris la couleur de l’orage. Le caractère de la jeune femme reprit le dessus et oubliant ses bonnes résolutions, elle attaqua bille en tête.
— Tu viens ici et tu me fais la tête alors que nous ne nous sommes pas vues depuis une semaine ?
Surpris, parce que bêtement il avait pensé qu’elle ferait profil bas et lui offrirait ses plates excuses pour la gifle donnée à son grand-père, il faillit faire demi-tour.
Pénélope ayant entendu la réplique de sa fille sortit et accueillit l’amoureux de sa fille en souriant.
— Bonjour, je suppose que vous êtes Jasmin. Je suis Pénélope, la maman de Muguette. Entrez, je vous en prie, j’ai fait du café et quelques viennoiseries vous attendent sur la table si le cœur vous en dit.
En disant cela, elle tendait la main, qu’il saisit aussitôt. Il la suivit et passa près de Muguette sans la regarder.
La rage au cœur, la jeune femme lui emboîta le pas.
— Vous avez fait bonne route ?
— Oui, je vous remercie.
— Sucre dans votre café ?
— Non merci, je le préfère sans pour savourer tout son arôme.
— Vous avez raison, je fais de même. Un croissant peut-être ?
Il saisit la viennoiserie en se rendant compte qu’effectivement il avait faim. Il laissa promener son regard sur la cuisine en évitant le regard de Muguette. Pénélope le pria de l’excuser, elle devait s’occuper de ses vacanciers. Elle les laissa seuls non sans glisser un clin d’œil vers sa fille.
Celle-ci laissa Jasmin déguster son croissant sans mot dire. Elle se planta devant la fenêtre et regarda au loin. Il termina tranquillement son café.
— Tu désirais me parler, je t’écoute.
Déstabilisée par le ton employé, elle resta muette.
— Je ne compte pas rester toute la journée, alors abrège si tu veux bien.
Surprise par le ton, elle se rebiffa.
— Bon tu ne me parles pas comme ça d’accord.
Elle respira à fond et se lança.
— Je suis partie parce que je ne voulais plus te voir. La manière dont ton grand-père m’a traitée est inqualifiable. Il ne me connaît pas et…
— Je ne peux pas avoir d’enfant Muguette, alors, on arrête là tes histoires. Tu as voulu me faire endosser une paternité qui ne me concerne pas. Mon grand-père sait depuis longtemps que je suis stérile, il est normal qu’il n’accepte pas un « bâtard » dans la famille.
La gifle claqua sur la joue de Jasmin. Muguette siffla :
— Mon enfant n’est pas un bâtard comme tu l’appelles. Il est de toi. Mais puisque tu ne veux pas me croire, que tu t’imagines que je suis une vulgaire traînée, alors va-t-en mais surtout ne cherche plus jamais à avoir des nouvelles de ton enfant. Il sera à moi, je l’élèverai seule et tu n’auras rien à me dire.
— Tu me prends vraiment pour un imbécile ?
— Mais enfin, je sais avec qui je couche non ? Je te répète et c’est la dernière fois, que cet enfant est de toi. As-tu les preuves de ce que tu dis au moins ? Parce que moi, je suis certaine de ce que je t’annonce. Et au fait pourquoi à l’apéro chez Félicie et Angelo, tu étais heureux ? Qu’y a-t-il de changé ? Puisque tu sais depuis longtemps que tu es stérile, tu aurais dû me poser la question ce soir-là non ?
Jasmin ne répondit pas. Muguette éleva le ton.
— Va-t’en je ne veux plus te voir. J’avais espéré…
La jeune femme s’interrompit.
— Muguette, peux-tu comprendre que je …
— Non, je ne comprends pas. Tu ne me fais pas confiance, ça je l’ai compris. Alors pars, et ne cherche plus jamais à me revoir, ni moi, ni ton enfant.
La jeune femme lui tourna le dos et disparut.
Comment pouvait-il être aussi con ! Il s’en voulait de ne pas la croire. Mais la voix de stentor de son grand-père résonnait encore à ses oreilles.
— Tu es stérile mon pauvre Jasmin, tu ne pourras jamais avoir d’enfants. J’espère que ta sœur pourra nous faire un garçon qui aimera les vignes et pourra reprendre le flambeau. Hélas, je ne le verrais pas. Je refuse que ta copine te fasse endosser un gamin qui n’est pas le tien et qui plus tard pourrait revendiquer une part de mes vignes. Je veux du vrai sang De La Rochefleurie, pas du n’importe quoi ! Tu as vu comme elle m’a giflé ? On ne frappe pas un vieil homme !
Jasmin se repassait en boucle ces mots. Il devait en avoir le cœur net. Il allait faire ce foutu examen. Et si son grand-père lui avait menti, comment le dire à Muguette ?  Comment revenir vers elle ? Il craignait de trop souffrir et de ne pas voir son enfant grandir. Il était certain qu’elle refuserait de le recevoir. Alors pourquoi faire cet examen, puisque de toute façon, il ne la verrait plus ? La tête basse, il reprit sa voiture et disparut.
Jusqu’au bout, elle avait pensé qu’il reviendrait vers elle. Le voilage d’une chambre du haut retomba doucement, comme le rideau qui se ferme après un acte d’une pièce de théâtre.


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