— Tu crois qu’il va
venir ?
Muguette tournait en rond
dans la cuisine. Pénélope, sa maman, préparait le petit déjeuner pour ses
hôtes. Elle recevait une famille, un couple et deux enfants. Malgré le temps
incertain, l’attrait de l’océan faisait toujours recette. Elle ne répondit pas
à sa fille. La jeune femme se précipita pour la énième fois à la fenêtre. Le
ciel était bleu. Il faisait beau. Elle entendait les mouettes qui comme
d’habitude la saluait. Quand son portable bipa, elle sursauta.
— Alors ma Mug ?
Prête ?
— Coucou Félicie. J’ai
une peur tu ne peux pas savoir. Déjà une semaine que je lui ai laissé le
message pour qu’il vienne me retrouver aujourd’hui. Pas de réponse. Rien.
— Angelo ne l’a pas vu.
Je ne peux pas te rassurer Mug. Alors, comment vas-tu lui annoncer la
nouvelle ?
— Il le sait déjà non que
je suis enceinte ! Je ne vois pas ce qui a de changé.
— Tu as raison. Pourquoi
pense-t-il alors qu’il n’est pas de lui ? Pourtant quand tu lui as annoncé
ici, il était ravi et ne s’est pas posé de questions ?
— Je ne comprends pas
Félicie ! Quand je pense que son grand-père a traité mon enfant de bâtard,
sans me connaître en plus ! Je n’arrive pas à l’avaler.
Pénélope toucha l’épaule
de sa fille et lui indiqua une voiture qui remontait l’allée. Muguette reconnut
celle de Jasmin.
— Il arrive Félie !
Je raccroche et je te tiens au courant. Pense à moi !
Les mains moites, elle
saisit une serviette en papier sur la table pour se les essuyer. Derrière la
vitre, elle contempla son chéri qui descendait. Comme il était beau. Pénélope,
curieuse, le regardait aussi et chuchota à l’oreille de sa fille :
— Bel homme, je te
l’accorde ! Va l’accueillir ma chérie !
Muguette ouvrit la porte.
Jasmin leva la tête et l’aperçut. Elle allait courir vers lui quand elle se
rendit compte qu’il ne souriait pas et qu’il ne faisait aucun geste pour
l’aborder. Elle attendit alors qu’il soit devant elle pour lui dire bonjour.
Elle lui tendit sa joue qu’il embrassa distraitement.
— Bonjour Muguette.
Le ton était froid et son
regard avait pris la couleur de l’orage. Le caractère de la jeune femme reprit
le dessus et oubliant ses bonnes résolutions, elle attaqua bille en tête.
— Tu viens ici et tu me
fais la tête alors que nous ne nous sommes pas vues depuis une semaine ?
Surpris, parce que
bêtement il avait pensé qu’elle ferait profil bas et lui offrirait ses plates
excuses pour la gifle donnée à son grand-père, il faillit faire demi-tour.
Pénélope ayant entendu la
réplique de sa fille sortit et accueillit l’amoureux de sa fille en souriant.
— Bonjour, je suppose que
vous êtes Jasmin. Je suis Pénélope, la maman de Muguette. Entrez, je vous en
prie, j’ai fait du café et quelques viennoiseries vous attendent sur la table
si le cœur vous en dit.
En disant cela, elle
tendait la main, qu’il saisit aussitôt. Il la suivit et passa près de Muguette
sans la regarder.
La rage au cœur, la jeune
femme lui emboîta le pas.
— Vous avez fait bonne
route ?
— Oui, je vous remercie.
— Sucre dans votre
café ?
— Non merci, je le
préfère sans pour savourer tout son arôme.
— Vous avez raison, je
fais de même. Un croissant peut-être ?
Il saisit la viennoiserie
en se rendant compte qu’effectivement il avait faim. Il laissa promener son
regard sur la cuisine en évitant le regard de Muguette. Pénélope le pria de
l’excuser, elle devait s’occuper de ses vacanciers. Elle les laissa seuls non sans
glisser un clin d’œil vers sa fille.
Celle-ci laissa Jasmin
déguster son croissant sans mot dire. Elle se planta devant la fenêtre et
regarda au loin. Il termina tranquillement son café.
— Tu désirais me parler,
je t’écoute.
Déstabilisée par le ton
employé, elle resta muette.
— Je ne compte pas rester
toute la journée, alors abrège si tu veux bien.
Surprise par le ton, elle
se rebiffa.
— Bon tu ne me parles pas
comme ça d’accord.
Elle respira à fond et se
lança.
— Je suis partie parce
que je ne voulais plus te voir. La manière dont ton grand-père m’a traitée est
inqualifiable. Il ne me connaît pas et…
— Je ne peux pas avoir
d’enfant Muguette, alors, on arrête là tes histoires. Tu as voulu me faire
endosser une paternité qui ne me concerne pas. Mon grand-père sait depuis
longtemps que je suis stérile, il est normal qu’il n’accepte pas un
« bâtard » dans la famille.
La gifle claqua sur la
joue de Jasmin. Muguette siffla :
— Mon enfant n’est pas un
bâtard comme tu l’appelles. Il est de toi. Mais puisque tu ne veux pas me
croire, que tu t’imagines que je suis une vulgaire traînée, alors va-t-en mais
surtout ne cherche plus jamais à avoir des nouvelles de ton enfant. Il sera à
moi, je l’élèverai seule et tu n’auras rien à me dire.
— Tu me prends vraiment
pour un imbécile ?
— Mais enfin, je sais
avec qui je couche non ? Je te répète et c’est la dernière fois, que cet
enfant est de toi. As-tu les preuves de ce que tu dis au moins ? Parce
que moi, je suis certaine de ce que je t’annonce. Et au fait pourquoi à l’apéro
chez Félicie et Angelo, tu étais heureux ? Qu’y a-t-il de changé ?
Puisque tu sais depuis longtemps que tu es stérile, tu aurais dû me poser la
question ce soir-là non ?
Jasmin ne répondit pas. Muguette
éleva le ton.
— Va-t’en je ne veux plus
te voir. J’avais espéré…
La jeune femme s’interrompit.
— Muguette, peux-tu
comprendre que je …
— Non, je ne comprends
pas. Tu ne me fais pas confiance, ça je l’ai compris. Alors pars, et ne cherche
plus jamais à me revoir, ni moi, ni ton enfant.
La jeune femme lui tourna
le dos et disparut.
Comment pouvait-il être
aussi con ! Il s’en voulait de ne pas la croire. Mais la voix de stentor
de son grand-père résonnait encore à ses oreilles.
— Tu es stérile mon
pauvre Jasmin, tu ne pourras jamais avoir d’enfants. J’espère que ta sœur pourra
nous faire un garçon qui aimera les vignes et pourra reprendre le flambeau.
Hélas, je ne le verrais pas. Je refuse que ta copine te fasse endosser un gamin
qui n’est pas le tien et qui plus tard pourrait revendiquer une part de mes
vignes. Je veux du vrai sang De La Rochefleurie, pas du n’importe quoi !
Tu as vu comme elle m’a giflé ? On ne frappe pas un vieil homme !
Jasmin se repassait en
boucle ces mots. Il devait en avoir le cœur net. Il allait faire ce foutu
examen. Et si son grand-père lui avait menti, comment le dire à Muguette ? Comment revenir vers elle ? Il craignait
de trop souffrir et de ne pas voir son enfant grandir. Il était certain qu’elle
refuserait de le recevoir. Alors pourquoi faire cet examen, puisque de toute
façon, il ne la verrait plus ? La tête basse, il reprit sa voiture et
disparut.
Jusqu’au bout, elle avait
pensé qu’il reviendrait vers elle. Le voilage d’une chambre du haut retomba
doucement, comme le rideau qui se ferme après un acte d’une pièce de théâtre.
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