Une maman qui prend soin d'elle. Qui aime écrire, lire et faire de la musique.

samedi 11 avril 2020

Héloïse et Stefano et la surprise de Pâques



— Tu crois qu’ils vont penser aux œufs de Pâques ?
Héloïse tourne en rond dans le jardin. Elle est face aux clapiers de Joe et discute avec les lapins. Si Stefano l’entendait, il se moquerait encore d’elle en lui répétant qu’elle n’est plus un bébé. Sauf qu’Héloïse n’est pas une enfant comme les autres. Très sensible, elle sent les choses et aujourd’hui plantée devant la lapine qui vient d’avoir des petits, elle lui parle. Elle l’a baptisée Hermine.
— Je sais bien que l’histoire des cloches qui déversent les œufs dans les jardins, ce n’est pas possible, mais moi je voudrais bien y croire quand même. Tu penses que tu pourrais m’aider ?
Hermine de couleur marron la regarde de ses grands yeux noirs tout en mâchonnant son brin de luzerne.
— Moi j’aimerais bien que les animaux parlent comme dans les livres. Tu n’en aurais pas envie toi ?

— Avec qui tu bavardes ?
C’est Joe, toujours affublé de son chapeau qui s’approche d’elle.
— Ne l’embête pas ! Elle doit s’occuper de ses lapereaux, n’y touche pas surtout, sinon elle pourrait les abandonner si elle sent ton odeur.
Héloïse soupire.
— D’accord, je m’en vais.
Joe qui descendait de son tracteur l’attrapa gentiment au passage quand elle passa devant lui.
— Attends, je ne t’ai pas demandé de partir, seulement de ne pas la toucher. Je t’ai déjà expliqué. Elle sent ton odeur et c’est étranger pour elle.
— Je sais, je ne l’ai pas caressée.
— Tu es toute triste, qu’est-ce qu’il t’arrive encore ?
— Rien !
Et elle le planta là. Joe soupira. Il avait bien compris que quelque chose la tracassait, mais il avait du travail, il haussa les épaules et remonta sur son engin.

— Et si j’allais voir les poules ? Peut-être qu’elles pourraient m’aider !
Stefano l’aperçut alors qu’il faisait du vélo dans le parc. Il vint à sa rencontre.
— Tu joues avec moi ? On fait la course ?
— Non, j’ai autre chose à penser.
Il éclata de rire.
— Ah oui ? Et à quoi ?
— Arrête de te moquer de moi, tu verras bien.
Il haussa les épaules et reprit son vélo. Les filles c’était d’un compliqué !

Héloïse entra dans le poulailler déclenchant des cot cot indigné de la basse-cour.
— Ne faites pas tant de bruit, j’ai besoin de vous.
Les volailles se turent aussitôt, comprenant qu’elle ne leur voulait pas de mal. Elles continuèrent leur balade nonchalante dans l’herbe.
— Vous pourriez vous arrêter de picorer quand même ! J’ai quelque chose à vous demander ! Pourriez-vous me faire de beaux œufs de Pâques colorés ? Et les disperser dans le jardin ?
Les bestioles ne relevèrent même pas la tête.
— D’accord, vous ne m’écoutez pas ! S’il vous plait votre attention !
Héloïse claqua les mains, ce qui pour effet de stopper net le picorage. Le coq majestueux se demanda alors ce qu’il se passait et vint à la rencontre de la petite fille. Il tendit le cou et s’approcha plus près.
— Elles ne te répondront pas, elles n’ont pas de langue.
Héloïse sursauta et se reprit aussitôt.
— Parce que toi tu en as une peut-être ?
— Moi je suis le maître ici, ce n’est pas pareil.
— C’est ça, fais le malin !
— Dis donc, tu pourrais me demander pourquoi je te parle au lieu de me faire un cours d’anatomie.
— Écoute Victor, je sais que tu es le chef de la basse-cour, mais…
— Comment m’as-tu appelé ? Victor ?
Il gonfla le jabot, sa crête rougit de plus belle et il se tourna vers ses poules.
— Vous avez entendu ? Je suis Victor.
— Il n'y a pas de quoi pavoiser, rétorqua une poulette plus délurée que les autres, au cou dégarni, une houppette ébouriffée sur la tête.
— Tu vois qu’elles parlent aussi !
Héloïse tapa des mains.
— Je vais vous demander de faire une surprise. Mais c’est un secret. Promis, vous tiendrez votre langue ?
Elles répondirent toutes ensemble.
— On n’en a pas de langue, on ne peut pas la tenir !
Elles caquetèrent de plus belle comme si elles avaient pris un fou rire. Gagnée par leur bonne humeur, Héloïse se mit à sauter partout dans le poulailler.
— Venez à côté de moi, je vais vous dire à quoi je pense.


—  Tu sembles bien guillerette ce matin Héloïse ! c’est parce que les vacances sont là ?
Charlie regarde sa fille avec amour. Sa frimousse est barbouillée de chocolat.
—  Tu as bien dormi !
—  Oui ! J’ai une surprise ! Mais je ne te le dirais pas.
—  Alors pourquoi en parles-tu ?
Stefano la taquine. 
—  Je suis certain que tu ne sauras pas tenir ta langue.
Héloïse en profite pour lui tirer justement. Comme elle est pleine de chocolat et de miettes, ce n’est pas très joli, et elle se fait remonter les bretelles par Joe qui n’admet pas qu’à table les enfants se comportent mal.

Une fois le petit-déjeuner débarrassé, Héloïse file s’habiller en vitesse. Stefano est surpris de la voir redescendre et courir vers le poulailler. Joe sourit.
—  Je ne sais pas ce qu’elle mijote, mais ça la met de belle humeur. Je suis content. Il y avait quelques jours qu’elle semblait triste non ?
—  Tu connais ma fille, elle est à fleur de peau.
—  Hier, elle bavardait avec les lapins.
—  Elle adore les animaux.

Stefano n’a pas attendu la fin de la conversation et il est parti la rejoindre. Qu’elle n’est pas sa surprise de l’entendre discuter avec le coq, les poules autour de lui ne bougent pas une aile. Le gamin n’ose pas faire de bruit.

—  Alors, faites-moi voir ?
Les volailles s’écartent et Héloïse s’avance à l’endroit où elles se retrouvent toutes pour pondre. Dans la paille, elle découvre des œufs multicolores. La petite fille est ébahie.
—  Vrai ! c’est vous qui avez fait ça !
Le coq se rengorge. Il a bien commandé ses femmes. Dans les différents nids, il y en a des bleus, des roses, des rouges, des jaunes, celui-là avec des traits verticaux, d’autres horizontaux, d’autres encore imitant des vagues.
—  Et ce n’est pas fini, demain, ça recommence !
—  Oui, mais ce n’est pas du chocolat qu’il y a dedans ? Si ?
Les poules caquettent à qui mieux mieux, comme si elles riaient.
—  Goûte ! Tu verras bien !
Héloïse n’en croit pas ses yeux, elle a devant elle une douzaine d’œufs en chocolat. Elle en casse un petit bout et c’est rudement bon.

Stefano qui s’est approché ne comprend rien. Héloïse s’est accroupie et a cogné un œuf doucement par terre, et elle le met à la bouche, comme ça, alors qu’il n’est même pas cuit.
—  Mais ça ne va pas Héloïse ! Tu vas être malade !
La fillette surprise lâche son précieux cadeau. Il s’écrase au sol et le jaune s’étale à ses pieds.
—  Regarde ce que tu as fait, Charlie ne va pas être contente et Joe encore moins.
Héloïse contemple ses chaussures, les poules et Victor le coq qui hausse ses plumes. Il embarque ses volailles sans se retourner.


— Tu as tout gâché !
Héloïse se mit à pleurer. Stefano ne comprenait pas.
— Mais Hélo… Tu ne peux pas casser les œufs comme ça !
— Je ne les cassais pas, c’était ça ma surprise ! Ils sont en chocolat !
Stefano se gratta la tête.
— Regarde tes chaussures Héloïse, ce n’est pas du chocolat là !
— Tu comprends rien !
Elle le bouscula et s’enfuit en courant.

Hermine, la lapine, surveillait de son clapier ce qu’il venait de se passer. Elle se mit à glapir et aussitôt Victor le coq s’approcha.
— Tu as vu ? Fais quelque chose ! Moi, je suis enfermée, je ne peux rien faire. J’ai mes petits que je ne peux pas laisser.
— T’inquiète pas, je gère !
— Ah oui ? Et comment ?
— Je vais rentrer dans la maison et parler à Charlie.
— Ben voyons ! Tu vas te faire sortir à coup de balai sûr !
Victor gonfla le jabot, devint tout rouge et lança un cocorico tonitruant.
— Jamais personne ne me fera de mal, compris !
— Qu’est-ce qu’il se passe ici ?

Charlie est face à eux. Hermine se planque dans son clapier et Victor ne bouge pas d’un pouce.
— Répondez-moi !
Joe qui venait chercher son tracteur éclate de rire.
— Tu parles au coq ? Décidément, ta fille et toi vous ressemblez vraiment beaucoup.
Victor cligna de l’œil et de sa démarche fière repartit trouver ses poules.
Charlie éluda la question de Joe et ouvrit la porte de la cage pour nourrir la lapine. Elle disposa un peu de grains dans la mangeoire et mit un peu de luzerne sèche près d’elle, veillant bien à ne pas la toucher.
Celle-ci s’approcha des mains de la jeune femme et couina doucement. Charlie chuchota :
— Attends que Joe soit parti, je ne peux pas te parler.

Une fois seule, Charlie ouvrit la porte du clapier.
— Sors Hermine et fais ce que tu as à faire.
— Mes petits ?
— Ne t’inquiète pas pour eux. Fais attention de ne pas te faire surprendre par Joe.
La lapine détala.

Stefano rejoignit Héloïse dans sa chambre.
— Je suis désolé si je t’ai fait de la peine, mais je ne comprends rien à ce que tu racontes.
— Tu ne peux pas comprendre !
— Je sais tu me l’as déjà dit. Explique-moi alors !
— J’ai demandé aux poules de pondre des œufs de Pâques et ne ris pas !
Stefano s’assit sur le lit.
— Et donc ?
— Regarde !
Héloïse sortit de sa poche, deux œufs qu’elle avait réussi à emporter.
Stefano n’en crut pas ses yeux quand il les vit décorés.


Le lendemain matin, les enfants avalèrent leur petit-déjeuner à toute allure. Joe avait à peine terminé de boire son café qu’ils avaient déjà détalé, n’oubliant pas de débarrasser leurs bols.
 — Quelle mouche les pique ce matin Charlie ? Tu es au courant de quelque chose ?
— Pas du tout, ils ont sans doute des choses à faire, des trucs de gosse.
— Je suis heureux qu’ils s’entendent aussi bien.
Il se leva et embrassa la jeune femme.

Héloïse entra en trombe dans le poulailler. Les poules affolées se mirent à courir dans tous les sens. Victor arriva les calmer.
— Allons les poulettes !
Héloïse se baissa pour caresser le coq. Stefano ouvrit de grands yeux.
— Alors, elles en ont pondu combien ?
— C’est un peu tôt encore, mais allons voir.
Stefano murmura à l’oreille de son amie :
— Mais qu’est-ce que tu fais ?
— Chut !
Émerveillés, les deux enfants contemplèrent les différents nids où des œufs bariolés étaient disposés.
— Tu pourras remercier Hermine qui a fait tout le travail.
— Pourquoi ?
— Regarde, elle a trouvé de jolis paniers et avec ses copines, elle a attaché des rubans. Tu pourras présenter tes surprises dedans. Mais, jusqu’à samedi, tu vas encore en avoir. Mes poulettes sont à fond.
— Merci, je t’adore !
Stefano ébahi vit Héloïse attraper Victor par les ailes et se mettre à danser avec lui dans l'herbe. Les volatiles ravis du spectacle caquetèrent en cadence.

— Mais qu’est-ce qu’il se passe là-bas, maugréa Joe qui allait quitter la cuisine. Tu entends ce boucan ?
— Ne t’inquiète pas, les volailles ont sans doute perçu un bruit bizarre. Tu sais ces bestioles ne sont pas très intelligentes.
— Tu parles c’est les gamins ! Stefano n’y est jamais autant allé que depuis qu’il connait ta fille.
— C’est un reproche ?
— Mais pas du tout, je suis heureux qu’il ait retrouvé le sourire. Mais je vais quand même y aller faire un tour.
— Laisse-les donc s’amuser !
— Non, je ne veux pas qu’ils fassent des bêtises.
Il mit son chapeau et à grandes enjambées, il partit rejoindre son fils et Héloïse. Charlie, à la fenêtre, siffla.
La porte d’un clapier s’ouvrit, Hermine se faufila à l’extérieur.


— Alors les enfants, que faites-vous encore dans le poulailler ?
Héloïse répondit aussitôt.
— Rien !
— Stefano ?
Il ne réagit pas.
— Je te parle gamin !
Stefano prit la main de la petite fille et l’entraina.
— Rien, papa. Je t’assure.
— Tu as ramassé les œufs ?
— C’est trop tôt, tu sais bien.
Joe sourit.
— Alors que faites-vous là ? Vous ne voyez pas que les poules sont affolées par votre présence ?
— Ben non, regarde !
En effet, le coq picorait tranquillement dans un coin, et ses comparses en rond autour de lui faisaient de même.

Plus loin, une lapine emportait un panier rempli d’œufs multicolores.

Enfin, le week-end arrivait. Héloïse était très excitée. Allait-elle avoir sa surprise et surtout, comment sa maman et Joe le prendraient-ils ? Elle se leva la première. Stefano dormait encore. Elle ne devait pas faire de bruit. Elle enfila un gros pull sur son pyjama, ses bottes en caoutchouc jaune à pois et hop, elle partit rejoindre ses amis dans le poulailler. C’était la grande effervescence. Hermine, debout sur ses pattes arrière plaçait les œufs colorés dans les paniers. Victor surveillait ses comparses qui étaient sagement installées sur leur nid.
C’était parfait. Héloïse tapait des mains tellement elle était heureuse. C’était magique. Elle seule pouvait voir ça. Seule… pas tout à fait.

— Tu es contente ?
La petite fille sursauta. Charlie était derrière elle.
— C’était une surprise, tu ne devais pas savoir.
— Je jouerais le jeu ne t’inquiète pas ma chérie.
— Tu n’es pas fâchée ?
— Bien sûr que non ! mais je ne voudrais pas que Joe se doute de quelque chose.
— Stefano n’a rien compris et n’a rien vu.
— Hum !
La jeune femme tapa dans ses mains et aussitôt Victor se mit presque au garde à vous devant elle.
— Je vous remercie. Vous avez bien travaillé. Je m’occupe du reste. Hermine, tu peux rejoindre ton clapier. Joe ne va pas tarder à venir, vous savez ce que vous devez faire.

En quelques secondes, la lapine se faufila dans l’herbe pour retrouver ses petits. Victor lança un tonitruant cocorico annonçant ainsi l’aube naissante, les poules se mirent à chanter et à sortir de leur nid, en s’ébouriffant.
Charlie ramassa les œufs bariolés, les paniers, et tout redevint comme avant. Elle saisit la main d’Héloïse dans la sienne et toutes deux reprirent le chemin de la maison pour préparer le petit-déjeuner comme si de rien n’était.

Le jour de Pâques, les enfants furent réveillés par un rayon de soleil coquin qui leur balaya le visage à travers les rideaux. L’odeur de chocolat chaud leur chatouilla les narines. Stefano, le premier, posa les pieds par terre et se frotta les yeux. Héloïse s’étira, un sourire sur les lèvres. Texas, le terre neuve monta l’escalier et doucement poussa la porte de la chambre. Il mit ses pattes sur la couette et murmura :
— Tu viens ?
Héloïse ébahie, demanda :
— Mais… tu parles ?
— Victor, le coq, ce volatile dressé sur ses ergots le fait bien lui, pourquoi pas moi ?
La fillette enserra de ses petits bras la grosse tête du chien et enfouit son visage dans la fourrure.
Une cloche retentit alors.

Joe qui préparait le café sursauta. Charlie posa une main sur son épaule. Elle appela les gamins. Une cavalcade résonna aussitôt et Texas ne fut pas le dernier à débouler dans la cuisine. Charlie ouvrit la porte et un doigt sur la bouche, les invita à contempler le spectacle.

Une pluie d’œufs tombait doucement du ciel.
Elle tendit aux enfants les paniers pour les récupérer. Ils partirent en courant dans le jardin, en riant aux éclats.

— Mais…
Joe ne pouvait pas croire ce qu’il voyait. Son caractère cartésien l’empêchait d’imaginer que des cloches pouvaient lâcher dans sa prairie des œufs en chocolat. Pourtant c’est ce qu’il se passait. Les enfants, excités, fouillaient l’herbe autour des arbres, débusquaient des trésors derrière les pots de fleurs. Certains, plus téméraires, s’étaient même posés sur la margelle du puits.
Charlie entrelaça ses doigts à ceux de son homme.

Victor lançait des cocoricos à tout va, les poules l’accompagnaient de leur cot cot heureux. Hermine, dans son clapier glapissait en cadence, et Texas, poussait de sa truffe, les œufs bien cachés.

— Joyeuses Pâques mon chéri !
Les enfants les rejoignirent émerveillés, les paniers pendus à chaque bras, bien remplis.
Texas aboya, Joe posa sa main sur sa tête. Stefano se glissa de l’autre côté et se serra contre lui. Héloïse se colla contre Charlie.
— J’ai faim, on prend le petit-déjeuner ?
C’était un dimanche tout à fait ordinaire finalement.

© Minibulle 11 avril 2020

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire