Jasmin refit le chemin en sens inverse, la neige
avait fondu fort heureusement. Il resta quelques minutes dans sa voiture puis
appela Félicie. Il se félicita d’ailleurs d’avoir enregistré le numéro de sa
collègue un jour qu’elle l’avait appelé pour signaler son absence.
Muguette allait et venait de sa cuisine au salon. Cheveux
en bataille, visage bouffi par les larmes, sa ride du lion plus profonde que
jamais, un mouchoir en boule dans la main droite et son portable dans la
gauche. Quand on sonna à sa porte, elle resta plantée dans le hall d’entrée. Un
deuxième coup de sonnette la fit sursauter. Un coup d’œil à l’extérieur la
renseigna.
_ Pas la peine de venir, c’est inutile ! grinça-telle.
Vous voulez encore me raconter des histoires à dormir debout, à d’autres, je ne
suis pas idiote, fichez le camp !
Jasmin savait que ça n’allait pas être facile, il insista
en laissant son doigt appuyé sur le bouton de la sonnette ce qui déclencha la
fureur de la jeune femme qui ouvrit la porte en hurlant :
_ Vous n’avez qu’à tout casser tant que vous y êtes !
Vous êtes un malade vous !
_ Je peux entrer ?
Le calme de son interlocuteur la déstabilisa, elle s’écarta.
_ Merci.
Il entra dans le salon et se tourna vers elle.
_ C’est sympa chez vous !
_ Faites comme chez vous surtout ! Vous n’avez
qu’à vous asseoir tant que vous y êtes. Vous allez vouloir boire quelque chose aussi
sans doute, comme deux bons amis que nous sommes. Mais nous ne sommes pas des
amis, je ne vous connais pas, fichez le camp ! elle le foudroya du regard
en lui indiquant la porte toujours ouverte.
_ Il ne fait pas chaud dehors, vous feriez mieux de
fermer la porte, et nous pourrions peut-être discuter calmement.
Furieuse, elle riposta :
_ Vous arrêtez de commander ma vie, oui ? Je
vous demande de partir, je n’ai rien à vous dire.
_ Moi si. Savez-vous que vous n’avez pas cessé de
hanter mes pensées ? Oui, vous, avec votre caractère infernal ! Mais
fermez-la …
_ Mais je rêve je suis chez moi et vous m’insultez !
_ Laissez-moi finir ma phrase, fermez-la donc cette
porte, il fait un froid de canard et d’autorité il la reclaqua.
Ébahie, elle le regarda :
_ Vous ne doutez de rien vous !
_ Voulez-vous m’écouter ? Je vous assure que votre
amie Félicie…
_ Ah, c’est elle qui vous envoie…
_ Mais laissez-moi donc terminer mes phrases bon sang !
Non, ce n’est pas Félicie qui m’envoie et…
_ Comment avez-vous eu mon adresse alors ? C’est
bien elle qui vous a renseigné, ne dites-pas le contraire, vous n’aviez pas mon
numéro.
Jasmin soupira, la bataille s’annonçait vraiment
difficile, autant joué franc jeu tout de suite.
_ Effectivement, j’avais le numéro de Félicie. Je l’ai
appelée pour avoir votre adresse. Elle n’est pas loin d’ailleurs, elle est
toujours dans sa voiture garée devant chez Prune.
Muguette hocha la tête.
_ Je répète, votre amie n’était au courant de rien,
je n’ai pas habitude de raconter à mes collègues ma vie personnelle. Je vous ai laissé ma carte en espérant que
vous la trouveriez, mais il ne m’en restait qu’une de ce fichu imprimeur…
_ Sur Internet, vous savez qu’on peut avoir des
cartes de visite à s’imprimer…
_ Vous n’en avez pas assez de m’interrompre tout le
temps ?
_ Pour ce que j’en dis, et puis après tout je m’en
moque…
_ Je reprends, j’ai laissé ma carte et quand je me
suis rendu compte qu’il n’y avait pas mon adresse, j’étais …
Elle éclata de rire et tout se suite, elle devint
plus jolie en perdant son air bougon.
_ Ne me dites pas que vous étiez malheureux je ne
vous croirais pas, on a passé l’âge quand même de tomber amoureux comme ça.
_ Vous m’aviez bien dit que vous aussi vous désiriez
me revoir…
Muguette rougit.
_ En fait… Elle se rendit compte qu’il ne connaissait
toujours pas son prénom. Jasmin la regardait interrogateur.
_ Je me suis dit que je ne pouvais pas laisser passer
quelqu’un qui s’appelait Jasmin parce que…Je m’appelle Muguette.
Stupéfait, il éclata de rire.
_ Vous vous moquez de moi ?
_ Non, je sais c’est nul !
_ Vous faites toute une histoire parce que je m’appelle
Jasmin de la Rochefleurie et ma sœur Pétunia, et vous, votre prénom est
Muguette ? Vous me recherchiez
parce que … Il réalisa alors ce que sous entendait la jeune femme. Furieux, il
l’apostropha :
_ Ce n’est pas vrai ? Vous pensiez que nous
étions faits l’un pour l’autre parce que j’ai un prénom de fleur ?
_ Effectivement dit comme ça… marmonna Muguette.
Il se laissa tomber dans le canapé, enleva son manteau
qu’il n’avait toujours pas quitté, et dit :
- Finalement, je prendrais bien quelque chose à
boire.
Pendant qu’elle s’activait dans sa cuisine, Muguette
ruminait. C’est vrai que c’était idiot cette idée de Muguette et de Jasmin. Elle
le regarda à la dérobée et s’étonna de le trouver plutôt bel homme, elle ne l’avait
vraiment pas bien regardé toute occupée qu’elle était à vouloir le récupérer à
cause de son prénom, mais quelle nulle. Elle repensa à son amie Lally. Elle
serait là, elle se moquerait bien d’elle et elle aurait bien raison. La cafetière
à la main, elle vint s’asseoir en face de Jasmin.
_ Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda la
jeune femme consciente du ridicule de la situation
_ C’est à vous de me le dire, répondit Jasmin en se
servant de café.
Elle le regarda faire et se rendit compte qu’il
semblait vraiment à l’aise chez elle comme si, il était à sa place. Leurs yeux
se rencontrèrent, ils se sourirent.
_ On a vraiment mal commencé hein ? murmura
Muguette
_ On peut dire ça comme ça ! Bon, si on
reprenait tout depuis le début…
_ Vous voulez dire dans le bar, pour prendre un petit
déjeuner ?
Il se leva et lui tendit la main.
_ Demain, vers 9 heures, même endroit que l’autre
fois, ça vous va ?
_ Il ne pleuvra pas j’espère ?
_ Pourquoi ? Il pleuvait quand je vous ai
rencontrée non ?
_ A demain alors ?
Il l’embrassa sur la joue et lui demanda :
_ Votre numéro de téléphone au cas où ?
Elle lui donna et il l’appela aussitôt pour qu’elle
ait le sien, un dernier signe de la main, et il la laissa. Elle courut derrière
lui :
_ C’est tout ? Vous ne me dites rien ?
_ N’oubliez pas, on ne se connaît pas encore … Il
monta dans sa voiture, elle repartit vers sa maison.
_ Tu l’as publiée ? criait Pétunia au téléphone,
tu m’avais promis de ne pas le faire…
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